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Moyen Orient et Monde - Décryptage

Signes troublants d’une possible présence militaire russe en Syrie...

Les soldats de Moscou pourraient participer aux combats au côté du régime syrien ; les capitales occidentales craignent que cette donnée affecte les futures négociations.

Les soupçons d’une présence russe en Syrie se renforcent (Photo : Bachar el-Assad et Vladimir Poutine, en décembre 2006, à Moscou). Reuters

Des préfabriqués pouvant accueillir des centaines de soldats, une tour de contrôle, des avions de transport ? Plusieurs éléments semblent indiquer une recrudescence de la présence militaire russe dans le nord-ouest de la Syrie et suscitent l'inquiétude des États-Unis.
Officiellement, la Russie n'est présente sur le territoire syrien que grâce à ses installations logistiques militaires dans le port de Tartous, sur les bords de la Méditerranée. Mais la diffusion ces derniers jours d'informations dans des médias sur une présence militaire accrue, puis de photos sur les réseaux sociaux russes montrant des militaires russes affirmant se trouver sur place, a immédiatement soulevé une question : la Russie trame-t-elle quelque chose en Syrie ?

Depuis plusieurs mois, Vladimir Poutine prône une double approche du conflit syrien : pousser les opposants syriens à unifier leurs positions pour négocier une sortie de crise politique avec Damas et créer une coalition militaire élargie à la Turquie, à l'Arabie saoudite et à l'armée régulière syrienne, pour combattre le groupe extrémiste État islamique. Cette initiative n'a pour le moment que peu de soutien.
Le président russe l'a en outre dit clairement : pour l'heure, il n'est pas question que l'armée russe participe à des opérations militaires directes en Syrie. C'est dans ce contexte que les premiers signes d'une plus grande présence militaire sont apparus.

Le quotidien américain New York Times a tiré le premier, affirmant samedi que la Russie avait déployé un détachement et acheminé du matériel pour l'installation d'une base aérienne dans la région de Lattaquié, fief de Bachar el-Assad dans le nord-ouest de la Syrie. Dans la foulée, le secrétaire d'État américain John Kerry appelait son homologue russe Sergueï Lavrov afin d'exprimer ses craintes d'un risque d'« escalade » du conflit. Les deux responsables ont eu hier un deuxième entretien consacré à la Syrie.

La veille, des responsables américains avaient indiqué que les Russes avaient récemment installé des préfabriqués pouvant abriter des « centaines de personnes » et une tour de contrôle aérien mobile. Au moins trois avions de transport – deux avions-cargos géants Antonov 124 Condor et un avion de transport de passagers – ont atterri ces derniers jours à l'aéroport de Lattaquié, toujours selon ces responsables américains s'exprimant sous le couvert de l'anonymat. « Tout cela suggère l'installation d'une base aérienne avancée », concluent ces responsables, précisant ne pas avoir « d'information » sur la présence éventuelle d'armes russes sur place.
En outre, selon des sources libanaises citées hier par Reuters, les forces russes ont commencé à participer à des opérations de combat en Syrie pour aider le gouvernement syrien en difficulté.


 

Le précédent de la Crimée
Pour sa part, Moscou dément tout renforcement de sa présence militaire. La Russie assure qu'elle n'a jamais caché son soutien en armes et en instructeurs à l'armée syrienne « pour lutter contre le terrorisme », mais refuse de préciser ce que ses avions emportent en Syrie.
Le régime de Damas a également opposé un démenti et accusé les services de « renseignements occidentaux et arabes » de propager de fausses informations. L'analyste indépendant Alexandre Golts rappelle qu'« il est normal pour des livraisons d'armes d'avoir des sortes de conseillers (militaires) ». Et concernant les photos montrant des soldats d'infanterie de marine reproduites sur les réseaux sociaux, il pense qu'il doit s'agir de « ceux qui ont été déployés sur place pour surveiller le périmètre de la base de Tartous ».

Pour l'analyste Jeffrey White, du Washington Institute for Near East Policy, « beaucoup d'équipements russes arrivent par le détroit du Bosphore », notamment des véhicules blindés, et « le but premier est de consolider le régime syrien ». Cette présence russe « va hypothéquer les chances de succès des rebelles », notamment dans la région de Lattaquié, stratégique pour Bachar el-Assad parce qu'elle est considérée comme une zone possible de repli pour le président et son clan. Depuis plusieurs mois, les rebelles y exercent une pression accrue.

L'inquiétude des Américains est d'autant plus grande que, par le passé, la Russie a pu déployer en secret des soldats. Au moment de l'annexion de la Crimée, des troupes d'élite de l'armée russe ont été déployées et, au départ, Moscou a invariablement démenti toute implication. Un an après, Vladimir Poutine reconnaissait qu'il avait travaillé à un plan d'intervention en Crimée.


(Lire aussi : Les grandes puissances en ordre très dispersé face au conflit syrien)

 

Paris et Berlin
La Maison-Blanche a fait part hier de sa « préoccupation profonde » à propos des informations selon lesquelles la Russie pourrait avoir déployé du personnel militaire et des avions en Syrie. « Notre position de fond est qu'une contribution russe constructive à l'effort contre l'EI serait la bienvenue, mais nous avons clairement dit qu'il serait inadmissible pour quelque partie que ce soit, y compris les Russes, de fournir un soutien quelconque au régime Assad », a déclaré à la presse le porte-parole de la Maison-Blanche Eric Schultz. De son côté, l'Allemagne a mis en garde la Russie, la France et la Grande-Bretagne contre un engagement militaire en Syrie, affirmant que le récent accord sur le programme nucléaire iranien et les nouvelles initiatives de l'Onu laissaient entrevoir une solution politique au conflit qui dure depuis quatre ans et demi.

Enfin, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a déclaré que les informations sur l'envoi de nouvelles troupes russes en Syrie risquent de compliquer la recherche d'une solution à la crise dans ce pays. « L'Assemblée générale des Nations unies, fin septembre, pourrait être une occasion (de discuter de la transition politique en Syrie) », a dit le ministre français des Affaires étrangères dans un discours à Sciences Po.

 

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