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À La Une - Proche-Orient

Dix ans après le retrait de Gaza, la colère toujours vive, la paix toujours en berne

Le temps écoulé depuis le 15 août 2005 a été synonyme de guerres avec Israël, d'enfermement de tous les instants sous l'effet du blocus israélien et du quasi-blocus égyptien, et de marasme économique.

Un Palestinien fait du vélo à Gaza, le drapeau de son pays à l'arrière, le 13 août 2015. AFP PHOTO / MOHAMMED ABED

La synagogue est devenue un entrepôt et le jardin d'enfants un bâtiment administratif. Dix ans après le retrait des Israéliens, leur présence à Gaza n'a laissé derrière elle que la colère des colons évacués et un débat historique sur ce désengagement.

Les Gazaouis eux-mêmes ont la tête ailleurs qu'à cet anniversaire. Les dix ans écoulés depuis le 15 août 2005 ont été synonymes de guerres avec Israël, d'enfermement de tous les instants sous l'effet du blocus israélien et du quasi-blocus égyptien, et de marasme économique.

Ce jour-là, au terme de mois de planification, l'armée israélienne a entrepris à la date fixée par le gouvernement d'Ariel Sharon de faire partir - de gré d'abord, de force ensuite - ceux (la plupart) des 8.000 colons de la bande de Gaza qui n'avaient pas obtempéré auparavant à l'ordre d'évacuation. Les images de colons en larmes sortis de leur maison, de soldats pleurant avec ceux-là mêmes qu'ils expulsaient après 28 ans de présence, de bulldozers rasant les maisons sont inscrites dans la mémoire collective israélienne.

Efrat Louzon, mère de 10 enfants, sent toujours monter la "colère" en y repensant. Elle et sa famille ont été "expulsées sans aucun but, sans aucune préparation", dit-elle dans sa maison de Neta, un village du désert du Néguev créé en 2012 pour accueillir les anciens de Gaza à une vingtaine de kilomètres du territoire.

Dans une période de troubles et de la pression diplomatique coïncidant avec la deuxième Intifada, Sharon défendait un plan très contesté en Israël en invoquant la sécurité des colons soumis aux attaques palestiniennes constantes, la nécessité d'employer ailleurs les forces israéliennes et le coût de leur déploiement dans la bande de Gaza.

 

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"Psychodrame de l'évacuation"

S'il agissait de manière unilatérale, disait-il, c'est parce qu'il n'existait pas côté palestinien de partenaire pour la paix. En fait, dit Karim Bitar, spécialiste du Moyen-Orient, Sharon, avec ce "psychodrame de l'évacuation", voulait montrer qu'on ne pourrait jamais évacuer les centaines de milliers de colons de Cisjordanie et de Jérusalem, autres territoires occupés et colonisés par Israël. "De l'aveu même du principal conseiller de M. Sharon, Dov Weisglass, ce retrait visait surtout à geler indéfiniment le processus de paix et à tuer dans l'oeuf toute possibilité d'Etat palestinien", dit-il. 

En partant, Israël a tout détruit, ne laissant que quelques bâtiments debout, dont ceux de la municipalité du Goush Katif, devenue l'université Al-Aqsa de Khan Younès. Autour, les arbres fruitiers ont remplacé les zones où "les colons vivaient barricadés", protégés par les chars, raconte Abderrahmane al-Najjar, qui cultive sous serre des hibiscus et des ficus.

Aux alentours, des quartiers entiers sont sortis de terre, où se sont installés des milliers de Palestiniens.
Après le retrait, le Hamas, ennemi déclaré d'Israël, a remporté les législatives palestiniennes en 2006 et pris le pouvoir par la force en 2007 au prix d'une quasi-guerre civile entre Palestiniens. Trois guerres et des tensions permanentes ont opposé les groupes palestiniens de Gaza et Israël. En 2006, l'enlèvement du soldat israélien Gilad Shalit par le Hamas dans un raid de l'autre côté de la frontière infligeait à Israël un traumatisme de plus de cinq années jusqu'à sa libération.

 

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"Un moment de folie"

Quelles qu'aient été les intentions de Sharon, il a sombré dans le coma en 2006 et ne les a pas vues se réaliser. Dix ans après, l'occupation et la colonisation continuent dans les autres territoires palestiniens et la paix semble toujours aussi lointaine.

Pour l'actuel Premier ministre Benjamin Netanyahu, le retrait de Gaza, d'où les roquettes continuent de tomber sur Israël et où un nouveau conflit menace sans cesse, reste un épouvantail, la préfiguration de ce qui se produirait en cas de retrait israélien de Cisjordanie. Alors ministre de Sharon, il avait démissionné par opposition au retrait de Gaza.

Le retrait a été "un moment de folie, une épilepsie spirituelle et un échec cuisant", affirme un habitant de Neta, Dror Arié, enseignant de 40 ans et père de 11 enfants. "Si le peuple juif est revenu sur sa terre après 2.000 ans d'exil, il n'y a aucune raison qu'on ne revienne pas à Gaza".

Selon un sondage publié fin juillet, 51% des juifs israéliens seraient favorables à la reconstruction du Goush Katif. Une telle cause ne semble cependant mobiliser que parmi les anciens colons. Personne, dans la classe politique, "ne veut retourner dans la bande de Gaza. Tout le monde est plus ou moins content d'en être parti. L'armée elle-même dit qu'elle n'a ni les moyens ni la volonté de ré-occuper", dit Nathan Thrall, analyste à l'International Crisis Group.

 

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