Dans les collines de Cisjordanie occupée où un bébé palestinien de 18 mois est mort dans un incendie imputé à des extrémistes juifs israéliens, les habitants vivent dans la peur constante des attaques de colons.
Moins d'une semaine après l'incendie criminel d'une maison du village de Douma (nord de la Cisjordanie) qui a coûté la vie au nourrisson Ali Dawabcheh, et grièvement blessé ses parents et son frère, l'oncle du bébé a peur pour ses propres enfants. « Ils sont encore petits. Ils ne comprennent rien à ce qui se passe mais ils ont vu leur cousin mourir brûlé », dit Hassan Dawabcheh devant la maison calcinée. « On croirait qu'ils rêvent toutes les nuits qu'un colon va venir les tuer », ajoute-t-il.
L'attaque commise aux premières heures du jour vendredi a encore avivé les craintes de résidents qui disent vivre depuis longtemps dans l'angoisse. Nombre d'entre eux se plaignent du manque de protection des autorités israéliennes mais aussi de l'Autorité palestinienne.
Des patrouilles pour se protéger
Douma se trouve dans une des zones de Cisjordanie où Israël assume la responsabilité de la sécurité mais les habitants disent avoir entrepris d'organiser des patrouilles pour se protéger. Ils craignent de nouvelles attaques, alors que des colonies « sauvages » (illégales même au regard de la loi israélienne) ont poussé sur les hauteurs, à cinq minutes de voiture du village.
Le Premier ministre israélien Benjamin « Netanyahu devrait dire aux colons : nous ne vous défendrons plus. Cela leur fera peur et ils arrêteront de nous attaquer », dit un responsable local, Abdousalam Dawabcheh.
L'incendie criminel de vendredi a été signé d'inscriptions désignant la pratique du « prix à payer », des actes de vandalisme commis par de jeunes colons extrémistes contre les Palestiniens, les chrétiens, les Arabes israéliens et même les soldats et les policiers israéliens. Cette attaque est la dernière en date d'une longue liste d'actes dont les auteurs ont rarement été punis.
Entre 2006 et fin septembre 2014, des responsables de l'Onu ont répertorié en Cisjordanie 756 incidents liés à la colonisation et ayant atteint physiquement, à des degrés divers, des Palestiniens, ainsi que 1 605 ayant endommagé des biens ou des terres palestiniennes. Onze Palestiniens sont morts dans ces incidents. Côté israélien, 33 civils ont été tués par des Palestiniens en Cisjordanie au cours de la même période.
La communauté internationale considère comme illégale la colonisation, c'est-à-dire la construction d'habitations civiles dans les territoires occupés ou annexés par Israël depuis 1967. Elle considère cette politique de colonisation comme un obstacle majeur à la paix.
Près de 400 000 colons (sans compter ceux vivant dans différents quartiers de Jérusalem-Est annexé) vivent aujourd'hui en Cisjordanie occupée.
(Lire aussi : Netanyahu veut « à tout prix montrer sa fermeté »)
« Pas d'anarchistes ici »
Dans leurs maisons établies sur les hauteurs de Douma, avec en toile de fond les vignobles, les oliveraies et les minarets des villages palestiniens, des colons israéliens assurent être pacifiques et condamnent l'incendie criminel de Douma.
« Je ne suis pas persuadé que des juifs aient commis cet acte. C'est peut-être une provocation », dit Mordechaï Zehcariah, 24 ans, ouvrier en bâtiment de la colonie sauvage de Kida où vivent 60 familles selon lui. Les agressions contre les juifs ne font pas l'objet de la même attention, affirme-t-il avouant dormir avec une arme sous son oreiller.
« Les jeunes du coin ne sont pas violents », assure de son côté Menachem Bakush, 28 ans, qui administre la colonie sauvage d'Ahiya où vivent 45 familles. « Il n'y a pas d'anarchistes ici », dit-il auprès d'un abri dans lequel deux soldats montent la garde.
Mais des jeunes juifs d'ailleurs ont peut-être fait le choix de l'extrémisme avec l'impression que « tout le système est contre eux », dit-il en évoquant la justice israélienne qui fait parfois démolir des constructions de colons ou le gouvernement qui, selon lui, ne les protège pas des violences palestiniennes.
À Douma, une poussette traîne encore dans les décombres dans la petite maison en béton incendiée vendredi. Une étoile de David et une inscription proclamant « vengeance » restent apparentes sur la maison voisine, également attaquée mais qui était inoccupée. Il y a deux ans, des extrémistes juifs « ont brûlé des voitures dans le village », dit Mohammad Dawabcheh, un habitant de 33 ans. « Ils avaient pris la même route que pour brûler les maisons. Ils connaissaient la route et les lieux. C'est pour ça que nous réclamons protection. »
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Tféhhh sur tous ces sectarismes !
15 h 13, le 07 août 2015