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À La Une - histoire

Le canal de Suez, symbole de l'impérialisme devenu l'emblème de l'Egypte non-alignée

Le canal de Suez en construction, en 1869. AFP PHOTO

Au XIXe siècle, un Français convainc un souverain égyptien complexé par son obésité qu'un canal reliant la Méditerranée à la mer Rouge lui apporterait la gloire. Un siècle et demi plus tard, le président Abdel Fattah al-Sissi veut y laisser sa marque en élargissant le canal de Suez.

Saïd Pacha, vice-roi d'Egypte et du Soudan de 1854 à 1863, n'a pas vécu assez longtemps pour assister à l'inauguration du canal, six ans après sa mort. Mais on se souviendra de lui comme l'homme qui aura vendu les droits d'exploitation du canal aux puissances impérialistes de Londres et Paris.
C'est le consul de France, Ferdinand de Lesseps, qui persuade Saïd Pacha de lui accorder une concession pour creuser le canal. Un chenal reliant le Nil à la mer Rouge avait été creusé dans l'Antiquité, mais avait depuis longtemps été laissé à l'abandon.

Le consul de France à la moustache broussailleuse, se piquant de dépoussiérer l'idée, convainc le jeune souverain de lui accorder une concession. De Lesseps parvient à devenir l'ami du pacha en lui fournissant en cachette .... des assiettes de spaghettis, selon l'historienne Afaf Lutfi Al-Sayyid Marsot.
Car Saïd pacha était obèse, au grand dam de son père, Mohamed Ali Pacha, fondateur de l'Egypte moderne et fin stratège militaire, qui imposait au jeune garçon une routine sportive intensive.

Mais si Saïd est devenu célèbre, c'est "en raison de sa naïveté qui l'a fait signer une concession défavorable" plaçant son pays -sous contrôle ottoman- sous le couperet de sa dette extérieure, explique Mme Marsot dans "A short story of Modern Egypt".

Invasion britannique
La voie, creusée par la compagnie du Canal de Suez de M. De Lesseps et inaugurée le 17 novembre 1869, a coûté cher aux Egyptiens. Des milliers d'ouvriers meurent durant les travaux. Puis, en 1882, c'est de peur de voir le leader nationaliste Ahmed Orabi prendre le contrôle du canal et ne pas honorer la dette du pays, que la Grande Bretagne envahit l'Egypte.

Les Anglais finiront par se retirer, maintenant au pouvoir les descendants de Saïd Pacha, mais gardant avec les Français le contrôle de la compagnie du canal. Ce qui provoquera plus tard la colère d'un autre colonel, Gamal Abdel Nasser.

Nasser, architecte du coup d'état qui renversera la monarchie en 1952, prend le pouvoir en 1954. Et comme tout dirigeant égyptien, il rêve d'un projet pharaonique pour asseoir sa gloire : le barrage d'Assouan.
Mais le champion du panarabisme peine à obtenir des financements à l'étranger, d'autant que la Grande-Bretagne et la France ne décolèrent pas face à son soutien aux indépendantistes algériens et à son attitude belliqueuse vis-à-vis d'Israël.

Les revenus du canal, eux, continuent de s'empiler dans les coffres de Londres et de Paris.
Le 26 juillet 1956, lors d'une adresse à la nation, Nasser raconte un entretien qu'il a eu avec Eugene Black, le patron de la Banque mondiale, auprès de qui il tente d'obtenir des financements pour le barrage d'Assouan. "J'ai regardé M. Black, installé devant moi sur une chaise, et je me suis dit que j'étais assis devant Ferdinand de Lesseps", tonne Nasser, qui lance une opération pour nationaliser le canal, baptisée Lesseps.

Nom de code Lesseps
En prononçant le patronyme du consul de France, Nasser donne le feu vert à ses troupes qui attendent le signal pour reprendre le contrôle du canal, qui sera nationalisé, marquant ainsi l'arrivée dans les caisses égyptiennes de l'argent de Suez pour financer le barrage d'Assouan.

Furieuses, la Grande-Bretagne et la France, soutenues par Israël, s'accordent en secret sur un plan militaire: Israël envahira l'Egypte, procurant ainsi un prétexte à Paris et à Londres pour y envoyer des troupes afin de séparer les belligérants, et tenter par la même occasion de regagner le contrôle du canal.
L'opération est lancée en octobre 1956. Mais les Etats-Unis, craignant une confrontation plus grave avec l'Union Soviétique, soutien de Nasser, y mettent un terme.

Jeudi, le président Sissi inaugurait une nouvelle voie du canal, longue de 72 kilomètres, qui permettra, selon les autorités, de doubler le trafic. Il est arrivé à la cérémonie à bord d'un yacht qui appartenait à la famille royale, et qui avait transporté l'impératrice Eugénie, l'épouse de Napoléon III, lors de l'inauguration de 1869. Le président François Hollande est l'invité d'honneur de la cérémonie. Mais les autorités le répètent sans cesse: cette fois-ci, ce sont les Egyptiens eux-mêmes qui ont financé les travaux, en achetant des participations.

Au XIXe siècle, un Français convainc un souverain égyptien complexé par son obésité qu'un canal reliant la Méditerranée à la mer Rouge lui apporterait la gloire. Un siècle et demi plus tard, le président Abdel Fattah al-Sissi veut y laisser sa marque en élargissant le canal de Suez.Saïd Pacha, vice-roi d'Egypte et du Soudan de 1854 à 1863, n'a pas vécu assez longtemps pour assister...

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