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Liban - Éclairage

Les ministres du CPL peuvent-ils imposer un ordre du jour au gouvernement ?

Le Premier ministre Tammam Salam tente de redynamiser le gouvernement au sein duquel la cohabitation devient de plus en plus difficile. Mohammad Azakir/Reuters

Le Premier ministre Tammam Salam a convoqué le Conseil des ministres pour jeudi. Une réunion qui risque fort d'être orageuse, dans la mesure où les ministres du Courant patriotique libre (CPL) contestent non seulement l'ordre du jour établi, mais également la dernière décision du gouvernement de débloquer des fonds pour subventionner l'exportation par voie maritime de produits agricoles et industriels.
Leur argument : cette décision a été adoptée en dépit de leur opposition. Elle n'est pas applicable, parce qu'elle requiert la signature du président de la République et, par voie de conséquence, de tous les ministres, dans la mesure où, selon eux, les prérogatives présidentielles sont assumées par l'ensemble du gouvernement.

Cette argumentation tient-elle ? Le Premier ministre se fonde sur la Constitution pour souligner que « le président de la République est informé de l'ordre du jour. Son approbation n'est pas requise », ce à quoi le ministre (aouniste) de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, Élias Bou Saab, a répondu : « Nous sommes une composante principale du gouvernement et nous le contestons. C'est notre droit. »
Un spécialiste en droit constitutionnel explique à L'Orient-Le Jour qu'une « opposition d'une partie du gouvernement à l'ordre du jour est peut-être un droit, mais elle ne doit pas en principe entraver le fonctionnement du cabinet, qui assume les prérogatives du président de la République, d'autant que l'agenda est approuvé par le reste des composantes de l'exécutif ». « Le bloc opposant, poursuit-il, a eu le temps et la latitude de discuter les points de divergence. »
L'ordre du jour proposé par M. Salam porte sur des dossiers qui ne peuvent plus attendre, et qui sont d'une importance vitale pour le pays en cette situation de crise. L'opposition exprimée « revêt cependant un caractère capricieux », selon la même source, qui y voit « un moyen de pression pratiqué par les ministres du bloc Aoun, lesquels veulent à tout prix faire passer le dossier des nominations sécuritaires ». « Le pacte national est protégé tant que des ministres de toutes les confessions sont d'accord sur l'ordre du jour, poursuit le spécialiste. Dans le cas où tous les ministres d'une même confession s'opposeraient à une proposition prise au sein du gouvernement, le Premier ministre est tenu, à ce moment-là, de prendre en considération cette objection. »

 

(Lire aussi : Session extraordinaire : oui sur le principe, non au projet actuel, souligne Geagea)

 

Des positions contradictoires
C'est le cas pour la signature du décret d'ouverture d'une session extraordinaire de la Chambre. Le gouvernement n'a pas pu réunir, jeudi dernier, la majorité nécessaire, les ministres chrétiens, à l'exception de Nabil de Freige, n'ayant pas voulu signer le décret. « Les ministres chrétiens étaient intransigeants dans leur opposition et n'acceptent une séance extraordinaire du Parlement que si elle est consacrée en priorité à l'élection d'un président de la République. Cela menace le gouvernement d'une dérive communautaire, explique le juriste, et met en danger le pacte national. »

« Le Premier ministre est bien conscient que le gouvernement n'est pas viable sans un minimum d'entente entre ses composantes et ne pourra pas passer outre ce blocage chrétien », relève le juriste. Et de relever que le bloc aouniste ne peut pas en même temps provoquer un défaut de quorum pour empêcher l'élection d'un président, puis bloquer l'ouverture d'une session extraordinaire de la Chambre sous prétexte qu'il faut la signature d'un chef de l'État, et qu'ils ne signeront le décret que pour une session dont l'ordre du jour serait l'élection du président de la République...
« Le défaut d'une élection d'un président, quoique très grave, ne doit pas empêcher l'approbation de lois dans les domaines socio-économiques pour éviter l'effondrement de l'État, souligne encore le spécialiste. La mission qui incombe au Premier ministre, qui tente de redynamiser le gouvernement depuis jeudi dernier, est donc très délicate dans ce cas de figure, vu qu'il y a des décisions qu'il devient de moins en moins possible d'ajourner, notamment celles relatives aux protocoles d'application d'un bon nombre d'accords, ou encore le dossier des déchets ménagers. »

Et d'expliquer : « Les conditions dans lesquelles vivent les Libanais, qui sont à l'évidence désastreuses, constituent des circonstances exceptionnelles qui justifient la convocation de la Chambre à une séance consacrée, certes, en premier lieu, à l'élection d'un président de la République, condition sine qua non pour le déblocage de toutes les institutions étatiques. Mais si cela se révèle impossible, elle doit se réunir, en second lieu, non moins important par sa gravité, afin d'adopter des lois nécessaires à la survie de l'État. »
« L'interprétation du texte constitutionnel doit se faire dans la logique de la dynamique et non pas dans celle du blocage institutionnel, c'est-à-dire dans un esprit permettant le fonctionnement des institutions, poursuit la source précitée. Elle permet ainsi à la Chambre de se réunir lorsque les circonstances sont exceptionnelles, ce qui est le cas actuellement au Liban, à condition cependant que les lois adoptées soient intimement liées à cette situation d'exception. Il ne faut pas une législation de luxe ou accessoire. Il n'est permis de légiférer que sur les dossiers urgents quand la Chambre est convoquée en dehors des sessions ordinaires pour des circonstances exceptionnelles. Il appartient au Conseil constitutionnel de s'assurer de la conformité des législations adoptées aux circonstances exceptionnelles. Dans le cas où elles ne le sont pas, il peut être saisi par au moins dix députés », explique encore le juriste.
En tout état de cause, il revient aux organismes concernés de contrôle, seuls, de vérifier la constitutionnalité d'une décision gouvernementale ou d'une loi, insiste-t-il, avant de s'insurger contre les mouvements de pression envisagés pour imposer des décisions ou des mesures qui ne sont pas conformes aux textes en vigueur.

 

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Le Premier ministre Tammam Salam a convoqué le Conseil des ministres pour jeudi. Une réunion qui risque fort d'être orageuse, dans la mesure où les ministres du Courant patriotique libre (CPL) contestent non seulement l'ordre du jour établi, mais également la dernière décision du gouvernement de débloquer des fonds pour subventionner l'exportation par voie maritime de produits...

commentaires (5)

Michel Aoun brûle une forêt de cèdres pour allumer sa cigarette.

Un Libanais

12 h 32, le 07 juillet 2015

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Commentaires (5)

  • Michel Aoun brûle une forêt de cèdres pour allumer sa cigarette.

    Un Libanais

    12 h 32, le 07 juillet 2015

  • TROP DE POMMES SUR LA TABLE... MAIS... TOUTES DES POMMES DE DISCORDE... VOILÀ Où L'ABRUTISSEMENT INNÉ... DE NOS ABRUTIS... A CONDUIT LE PAYS !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 28, le 07 juillet 2015

  • Que nenni ! Si on est nul, on ne peut rien imposer.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    09 h 54, le 07 juillet 2015

  • faudra les tondres a la liberation

    George Khoury

    06 h 50, le 07 juillet 2015

  • L'opposition et la volonté de blocage de l'action du gouvernement par le clan Aouniste, nuit dangereusement au pays. Il est inadmissible qu'une faction minoritaire du gouvernement mette ainsi en péril le bon fonctionnement des institutions tout en entravant l'élection d'un nouveau Président de la République.

    Tony BASSILA

    06 h 40, le 07 juillet 2015

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