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Je n’aime pas les festivals

Je n'aime pas les festivals. Je le dis et l'assume haut et fort, au risque de buter, comme une mouche, sur la vitre de votre incompréhension. Au risque d'être dévisagée comme un Michel Aoun le serait s'il débarquait en plein meeting du 14 Mars. Au risque, enfin, de provoquer l'ire de leurs présidentes qui, on ne le dira jamais assez, font bien plus qu'elles ne le peuvent, menottées par la situation sécuritaire du pays et par un budget étatique rachitique. L'ire, également, de ces festivaliers, superbes dans leur détermination, eux aussi, à garder leur, notre pays vivant. Mais ce n'est pas bien grave...
Je n'aime pas les festivals. Parce qu'ils nous obligent, nous Libanais, à faire de la résistance culturelle. Alors que cette culture-là devrait être totalement acquise sans que l'on ne porte les armes. Sans canons, sans gueules de circonstance. Sans monter au front et psalmodier, comme un vieux couplet sur vinyle éraflé, l'urgence de « décréter une armée de l'art et de marcher à l'unisson », ou de « braver les menaces et d'y aller, même au péril de nos vies ». Il est vrai, certes, que la vie au Liban n'a jamais été un long fleuve tranquille, plutôt une « danse sur un cratère de volcan en éruption ».
Je n'aime pas les festivals. Parce que leur programmation, depuis quelque temps, nous rappelle que notre pays est en régression. On dirait que ces festivals, qui se tiennent sur un fil de rasoir, sont juste assez bons pour une brochette de stars en pleine courbe descendante, pour des has-been à la recherche d'une nouvelle reconnaissance, ou pour quelques moyennes pointures qui osent s'y produire juste pour défier ces Cassandre qui prédisent à tour de bras déclin et mort de toute activité culturelle au Liban. Bien sûr, et heureusement, il y a des exceptions. Qui confirment la règle...
Je n'aime pas les festivals. Parce que, comme disait l'autre, « la musique est le refuge des âmes ulcérées par le bonheur ». Et celles qui sont cabossées, dynamitées par le malheur ? Où est leur abri ? Devraient-elles, elles aussi, se coltiner les transports en commun, les parkings bondés, les manakiche au saj, les vapeurs de hamburgers sur le grill ? Quelqu'un a dit colonie de vacances ? Où sont passés les lieux bucoliques ou marins, jadis bien (p)réservés ? Les soirées où l'on pouvait se laisser emporter par la langueur d'une voix sublime sans que la rêverie ne soit interrompue par une sonnerie de portable ou par l'ombre de trois bouches faisant la moue selfiste ?
Je n'aime pas les festivals. Comme une grande sœur en voudrait à sa cadette parce qu'elle sait qu'elle est capable de faire mieux, d'exceller dans un domaine où l'art sera roi. Comme une sœur qui sait, tout au fond d'elle-même, que la frénésie ambiante n'est que sursauts de survie et non pas carence originelle.
Je n'aime pas les festivals. Parce que, souvent, on a des envies de prendre la clé des champs. Ou celle des songes. De rêver, comme aux belles heures de gloire récente, d'un Sting ou d'une Nina Simone à Baalbeck, d'un Elton John ou d'un Placido Domingo à Beiteddine, d'un Michel Legrand ou d'un Chucho Valdés à Byblos. Mais non. Même si trop de festivals tuent les festivals, festivalons jusqu'à l'ivresse parce que, sans doute, il en restera toujours quelque chose.
Je n'aime pas les festivals. Je les adore. Tels qu'ils ont été un jour. Tels qu'ils reviendront sans aucun doute.

Je n'aime pas les festivals. Je le dis et l'assume haut et fort, au risque de buter, comme une mouche, sur la vitre de votre incompréhension. Au risque d'être dévisagée comme un Michel Aoun le serait s'il débarquait en plein meeting du 14 Mars. Au risque, enfin, de provoquer l'ire de leurs présidentes qui, on ne le dira jamais assez, font bien plus qu'elles ne le peuvent, menottées par la...

commentaires (3)

POURTANT... ON OUBLIE UN PEU LA MERDE DANS LAQUELLE ON NAGE... GRACE AUX ABRUTIS ÉLUS QU'ON A PORTÉ À L'ÉTOILE ET AILLEURS...

LA LIBRE EXPRESSION

18 h 04, le 03 juillet 2015

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Commentaires (3)

  • POURTANT... ON OUBLIE UN PEU LA MERDE DANS LAQUELLE ON NAGE... GRACE AUX ABRUTIS ÉLUS QU'ON A PORTÉ À L'ÉTOILE ET AILLEURS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 04, le 03 juillet 2015

  • Vivement les Miles Davis, les Nureyev et Margot Fontain, les Rostropovitch et autres Alvin Ailey, Von Karayan et bien d'autres geants qui s'y produisaient ici-meme, au faite de leur gloire ... un autre temps, de culture et d'ouverture ...

    Remy Martin

    08 h 52, le 03 juillet 2015

  • Madame, les festivals actuels sont une légitime et salutaire tricherie en vue de nous faire oublier pour un moment la "régression" et la décadence politiques, morales, économiques et sociales dans lesquelles baigne ce pays. Cela dit, à vous, avec cet Edito, on fait semblant de vous "dévisager". Mais "si Michel Aoun débarquait dans un meeting du 14 Mars", j'imagine que celui-ci le huerait durant vingt quatre heures, ce qui gâcherait le meeting du 14 Mars.

    Halim Abou Chacra

    04 h 49, le 03 juillet 2015

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