La seconde tentative fut la bonne. Le 27 avril dernier, neuf Libanais âgés de 13 à 16 ans sont rentrés à Beyrouth, en provenance des États-Unis, avec un trophée en main. Ce trophée, il représente leur victoire à la First Lego League (FLL), une compétition internationale en robotique qui s'est tenue du 22 au 25 avril à Saint Louis, aux États-Unis. Cette compétition, soutenue par la Nasa, est ouverte aux jeunes de 9 à 16 ans et le fruit d'une collaboration entre FIRST (For Inspiration and Recognition of Science and Technology), une association dont le but est d'encourager les étudiants à devenir des ingénieurs, et Lego, la marque de jouets mondialement connue.
L'année dernière, les "Fast and Curious", nom que se sont donné les écoliers de l'équipe de la Cedars Cultural School de Kabrechmoun, dans la région de Aley, s'étaient hissés à la seconde place du podium de ce même concours. Pas satisfaits, ils avaient décidé de retenter leur chance. Bien leur en a pris.
« Nous sommes libanais et champions du monde en robotique ! Enfin ! » s'exclame Charbel Najjar, entraîneur des Fast and Curious, interrogé par L'Orient-Le Jour.
Lors du concours, retransmis en direct sur le site de la Nasa, les robots venus des quatre coins du monde devaient notamment remplir, devant un jury de 55 personnes présidé par Skip Gridely, ingénieur aérospatial, 18 missions en 2 minutes 30. Des missions relatives au thème de l'année : améliorer l'éducation. Construit en six mois à partir de pièces de Lego, le robot de l'équipe libanaise, équipé de quatre moteurs, d'« un cerveau » et de quatre capteurs, devait placer une balle dans un but, prendre cinq loupes et les poser en un lieu donné ou encore reconnaître des couleurs en leur associant des objets.
« Comme il s'agit de notre deuxième participation à cette compétition, nous avons corrigé nos erreurs, utilisé des techniques plus avancées permettant à notre robot de porter des choses lourdes et d'être plus rapide », explique Charbel, certifié entraîneur en robotique par l'université américaine Carnegie Melon.
L'équipe a aussi créé une application mobile pour les étudiants dyslexiques, elle sera bientôt disponible sur iOS et Android. Tous les membres de Fast and Curious ont également été interrogés oralement par le jury. Ils devaient, sans leur robot, être capables de répondre à des questions techniques et à des questions liées au travail de l'équipe.
Résultat : les jeunes Libanais se sont hissés sur la première place du podium, devant l'Espagne et les États-Unis. Ils ont battu les 105 meilleures équipes sélectionnées parmi les 44 124 équipes originaires de 80 pays dont les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne, le Japon, la Chine ainsi que la Jordanie, seul autre pays du Moyen-Orient. « Ils ont impressionné tous les juges, leur robot est rapide, eux sont curieux, il s'agit des Fast and Curious et ils sont les champions du monde », a annoncé le maître de la cérémonie de clôture avant de remettre leur trophée aux membres de l'équipe libanaise, applaudis par les milliers de spectateurs.
« Remporter une compétition mondiale n'est pas chose aisée, ça a été le résultat d'un travail acharné », explique Sally, 17 ans, assistante de l'entraîneur après avoir été membre de l'équipe. « Mais lorsqu'on est applaudi pendant plusieurs minutes par des milliers de personnes, on sait que ça en valait la peine », poursuit la jeune Libanaise. Pourquoi avoir tenté une seconde fois ce concours ? « Nous voulions prouver que les cerveaux libanais sont capables, malgré les circonstances difficiles, de réussir, nous voulions entrer dans l'histoire », répond-elle. Jana, 16 ans, a rejoint Fast and Curious cette année. Elle décrit la participation à la compétition comme la « meilleure expérience de sa vie ». « Nous étions tous unis par la robotique et par un seul but: rendre l'avenir de l'homme meilleur », souligne-t-elle.
La victoire a toutefois, pour les jeunes gens, un arrière-goût amer. « Nous sommes des rêveurs dans un pays où les rêves sont interdits », explique Sally, regrettant qu'elle et ses coéquipiers aient été « ignorés par le gouvernement. Il est triste d'accomplir quelque chose comme ça pour son pays sans être félicité », ajoute-t-elle, estimant que les politiciens sont plongés dans un « coma éternel ».
« À notre arrivée, on nous a ouvert le salon d'honneur de l'aéroport, mais personne n'était là pour nous recevoir, ajoute son coach. Que devons-nous faire de plus que ça ? Que devons-nous offrir de plus qu'une coupe du monde à notre pays ? J'espère qu'un jour, ces jeunes seront les leaders du Liban. Ce jour-là, je saurai que le pays est entre de bonnes mains. »
Les membres de l'équipe Fast and Curious: Sally Maddah (assistante de l'entraineur), Chadi Aridi, Jude el-Daroub, Sari Eid, Ribal Hamzi, Reem Malaeb, Wissam Malaeb, Jana Malaeb et Dany Tarabey.
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commentaires (8)
Ne pas se décourager, croire en vous, croire en nous, les libanais qui sommes heureux et fiers de vous voir porter ce pays au pinacle de l'intelligence du cœur et de l'esprit, tout le reste tombera comme des vieilles croûtes pétrifiées sur une peau jeune et saine.
Christine KHALIL
21 h 21, le 04 mai 2015