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Liban - Catastrophe naturelle

Au Népal pendant le séisme, des Libanais racontent l’enfer

Plusieurs groupes de Libanais se trouvaient au Népal durant le séisme dévastateur de samedi dernier. Voici le récit de deux témoins du drame.

Les clients d’un hôtel à Katmandou, parmi eux des Libanais, s’arrangeant comme ils peuvent pour dormir dans un endroit sûr. Photo Cyma Hammoud

Un samedi matin comme un autre, à Katmandou. À midi, le 25 avril, la vie de la capitale du Népal devait basculer dans l'horreur, avec un séisme de magnitude 7,9 degrés sur l'échelle de Richter. Pour Cyma Hammoud et cinq de ses amies (dont trois Libanaises), parties au Népal assister au mariage d'une collègue indienne, c'était le début d'un long cauchemar.
« Le mariage avait eu lieu jeudi et vendredi, nous avions prolongé notre séjour pour visiter la ville, raconte la jeune femme de 26 ans, qui habite Dubaï et travaille dans le domaine du marketing au sein d'une grande société. Nous partagions une chambre à trois. Ce samedi matin, au lieu du tourisme, nous faisions la grasse matinée. La violente secousse nous a réveillées. »
« En bonnes Libanaises, nous avons d'abord cru à une explosion ou une guerre, poursuit-elle. Quand nous avons compris qu'il s'agissait d'un séisme, nous nous sommes abritées dans l'embrasure d'une porte. La secousse a duré cinquante secondes qui nous ont semblé une heure. Quand la terre s'est calmée, nous avons dévalé l'escalier, car nous étions au dernier étage de l'hôtel. Nous nous sommes retrouvées dans le jardin, en pyjama. »
La jeune femme profite d'un instant opportun, où les télécommunications sont encore opérationnelles, pour rassurer son fiancé. « Sous le choc, notre premier réflexe a été de tenter de joindre nos proches, se souvient-elle. Le second a été d'appeler les compagnies aériennes pour nous assurer d'obtenir des billets. Le personnel de l'hôtel avait baissé les bras, incapable de nous aider. » Les jeunes femmes passent la nuit avec les invités et la famille des mariés dans le jardin, se débrouillant comme elles peuvent. « Nous nous sommes approvisionnés dans les minibars, il n'y avait plus rien à manger à l'hôtel », raconte-t-elle.

Le même jour, Hassan Rifaï, jeune publicitaire de 24 ans, se trouvait avec ses amis dans la montagne népalaise à Nouakot. « Nous avions pris l'avion pour le Népal sur un coup de tête, dit-il. Nous n'avions pas vraiment de plan. À notre arrivée, nous avions le choix de nous diriger vers Pokhara, une localité paradisiaque très prisée par les touristes, ou alors de nous rendre à Nouakot, plus proche de la capitale. Nous avons pris la seconde option : une chance, l'épicentre du séisme se trouvait à Pokhara. »
Quand le séisme a eu lieu, le groupe prenait son petit déjeuner dans le jardin de la maison d'hôte où il avait passé la nuit, profitant d'un panorama superbe. « La secousse était effrayante, très forte et interminable, se souvient-il. La maison d'hôte où nous étions n'était pas très solide. Elle a subi des dégâts énormes. Heureusement, il n'y a pas eu de victime. Notre réaction a été de courir vers la forêt, loin de tout bâtiment, et de nous assurer que nous étions tous sains et saufs. Cette nuit-là, nous avons dormi à la belle étoile. »
La région où se trouvaient les jeunes hommes est rurale et peu peuplée. « Mais nous avons pu observer au loin des maisons effondrées dans les villages environnants, dit Hassan. La nature, si verte avant le séisme, était devenue brune de poussière. »


(Diaporama : Népal : les images du désastre)

 

L'apocalypse à l'aéroport
Hassan et ses amis avaient un seul souci : regagner la capitale et l'aéroport. « Mais quand nous avons constaté la détresse de certains villageois, nous leur avons prêté notre bus, raconte-t-il. Le véhicule est revenu nous chercher le lendemain. La route était abominable : il nous fallait déblayer les rocs et les troncs d'arbres à tout bout de champ. Là aussi, nous l'avions échappé belle. Une puissante réplique a secoué le Népal ce jour-là, mais nous avions heureusement dépassé cette route dangereuse et étions arrivés à l'hôtel pour y passer une nuit. Nous avons vu l'imposant bâtiment vaciller sous nos yeux. »
Pour Cyma et ses amies, la route vers l'aéroport, dimanche, a été une véritable révélation. « Durant les heures que nous avons passées dans le complexe touristique avec la famille de la mariée, nous avons réussi à garder notre calme, dit-elle. Dehors, nous avons été frappées de plein fouet par l'ampleur de la dévastation. Des maisons détruites, des centaines de Népalais errant dans les rues... Nous avons vu de loin la tour historique que nous étions censées visiter, samedi matin, à moitié effondrée. Un supermarché, qui nous avait été recommandé à l'hôtel, effondré lui aussi. Sous le choc, nous étions toutes incapables de prononcer le moindre mot. »
Les deux témoins décrivent la même scène apocalyptique à l'aéroport : des files d'attente interminables, un chaos indescriptible, des centaines de voyageurs dormant à même le sol, une incertitude concernant les vols disponibles, etc. « À l'aéroport, nous avons rencontré des groupes qui étaient là depuis le séisme, raconte Hassan. Certains n'avaient même plus d'argent liquide faute de distributeurs de billets. L'avion que nous devions prendre n'a pas pu atterrir, il est reparti vers l'Inde. Nous avons fini par trouver des billets sur d'autres vols. »
Cyma et ses amies ont été prises de panique à la vue du chaos dans l'aéroport de Katmandou. « Le plus terrible, c'est les rumeurs qui circulaient sur la fermeture de l'aéroport, sur des émeutes... se souvient-elle. Nous sommes entrées en contact avec le siège de notre compagnie en Inde, avec l'ambassade du Liban, également en Inde, ainsi qu'avec les ambassades du Canada et d'Australie, mais personne ne pouvait rien pour nous. Finalement, ce sont des diplomates saoudiens présents sur place qui nous ont fourni des sièges sur un vol d'Air Arabia, dix heures plus tard. »


(Lire aussi : « Au moment où je vous parle, il y a encore un tremblement, c'est hallucinant »)

 

« J'ai mal pour les Népalais qui restent en enfer »
Curieusement, Cyma n'a ressenti l'ampleur de ce qu'elle venait de vivre que quand elle est arrivée chez elle, à Dubaï. « De fatigue, j'ai dû dormir huit heures d'affilée, dit-elle. Puis tout m'est revenu. C'est seulement à ce moment-là que je me suis rendu compte du danger que j'avais frôlé. J'ai pensé à mes proches que j'ai failli ne plus revoir et j'ai éclaté en sanglots. » Comme Hassan, elle dit avoir mal pour les Népalais qui restent, eux, en enfer. Cyma compte même organiser, avec ses amis, un dîner pour collecter des fonds au profit de ce pays blessé.
De la compassion pour le Népal, Joe Ingea en a à en revendre. Ce randonneur chevronné se trouvait dans ce pays cette semaine-là. Il est rentré vendredi dans la soirée, échappant de peu au séisme : « C'est la deuxième fois que je visitais ce pays, auquel je suis très attaché. Les montagnes sont extraordinaires. Je suis particulièrement marqué par le sourire de ces gens. »
Joe Ingea a entendu la mauvaise nouvelle à son retour et n'en a pas cru ses oreilles. « Dans les bulletins télévisés, j'ai reconnu un bon nombre d'endroits où je venais de séjourner, notamment à Katmandou et Pokhara, raconte-t-il. Tout est dévasté. » La douleur des Népalais traverse des milliers de kilomètres pour l'atteindre en plein cœur. « Je pense à tous ces visages qui ont croisé mon chemin, et je me demande s'ils ont échappé à la catastrophe », murmure-t-il d'une voix émue.

 

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