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Moyen Orient et Monde - Séisme au Népal

« Au moment où je vous parle, il y a encore un tremblement, c’est hallucinant »

Trois jours après la catastrophe qui a endeuillé le pays, quatre témoins relatent leur histoire.

Une fillette sur les marches d’un temple à Katmandou. Photo Edwin Harb Kadri

Siddhartha Kafle, 21 ans, réside à Katmandou. Lors des premières secousses de magnitude 7.8 survenues samedi à 11 heures, il donnait une présentation devant un groupe d'étudiants au dernier étage de l'immeuble d'une académie pour la recherche et le développement entrepreneurial. « Au début, j'ai cru que quelqu'un bougeait ma chaise derrière moi, mais au bout de quelques secondes, nous avons vu le bâtiment, de l'intérieur, tanguer tantôt vers la droite puis vers la gauche de manière violente », raconte-t-il à L'Orient-Le Jour. La panique envahit alors tous ceux qui se trouvaient dans l'édifice, et il n'aura pas fallu plus de 10 secondes à M. Kafle pour dévaler les escaliers et se retrouver à l'extérieur, autour d'habitants médusés. Des bâtiments entiers s'écroulaient sous les yeux de l'étudiant-chercheur et de ses collègues. Les rues devenaient rapidement noires de monde, remplies de ceux qui avaient eu la chance d'avoir pu échapper à temps aux murs qui s'effondraient. « C'était terrible. Plus de 50 personnes se trouvaient dans l'immeuble voisin et elles ont toutes péri », confie-t-il. En l'espace de deux jours, « nous avons ressenti plus de 100 secousses, et au moment où je vous parle (hier au soir), il y a encore un tremblement, c'est hallucinant ». La communication s'interrompera là.

À près de 200 km au nord-est de Katmandou, à Pokhara, Madan Rana, étudiant de l'université Tribhuvan, dort depuis trois nuits dans la rue, à même le sol. « Nous sommes épuisés, nous n'avons que très peu dormi depuis 72 heures et sommes encore sous le choc », parvient-il à souligner, alors que la ligne grésille et s'interrompt constamment. « Je ne parviens pas à charger la batterie de mon portable. Nous sommes livrés à nous-mêmes », explique-t-il encore sous le coup de l'émotion. Les maisons familiales à Bhoje au nord-ouest de Pokhara, où il réside, ne sont plus qu'un tas de ruines. « Nous sommes complètement déboussolés. Les gens craquent et s'effondrent en larmes autour de nous », dit-il.

Carmen Breidy, photographe, accompagnait une classe de 23 collégiens du Lycée français international à Dubaï, en voyage à Katmandou, au profit de l'ONG Smile for Hope. Samedi, dernier jour du périple et jour du drame, le groupe et les trois accompagnateurs étaient attablés au restaurant. « Tout a commencé à trembler et ce fut la panique totale. Heureusement, trois Iraniens qui déjeunaient à côté de nous nous ont vite expliqué quoi faire, car ils ont l'habitude des séismes dans leur pays : se mettre sous les tables, boire beaucoup d'eau », rapporte Mme Breidy. La rue de l'établissement étant très étroite, en sortir et risquer que des pans de murs s'écroulent est alors impensable. S'ensuivent deux jours cloîtrés dans la salle de bal de l'hôtel, avec des sorties du bâtiment toutes les heures, durant chaque réplique. Les élèves et leurs accompagnateurs sont arrivés à Dubaï hier, après avoir trouvé un vol assez rapidement, alors que « plus de 6 000 personnes patientaient fébrilement à l'aéroport de Katmandou ».
Carmen Breidy se dit épuisée mais heureuse d'avoir rejoint son mari Charly, saine et sauve. « Les enfants se portent bien. Je pense qu'ils ont la capacité de mieux digérer le trauma que nous », confie-t-elle.

(Diaporama : Népal : les images du désastre)

 

Trek pour la bonne cause
Ce qui se devait d'être une échappée mémorable au sommet du Imja Tse (6 189 mètres d'altitude), à quelques kilomètres de l'Everest, a tourné en véritable cauchemar pour Ala Lababidi. Ce jeune Syrien expatrié à Dubaï, arrivé jeudi au Népal, gravissait pour la première fois l'un des monts les plus hauts du pays, afin de collecter des fonds pour un projet d'aide aux enfants syriens. À l'heure même de la première secousse, M. Lababidi se restaurait avec le sherpa dans un « Tea House », alors que son guide fumait une cigarette à l'extérieur en admirant le panorama. C'est en voyant son sherpa prendre ses jambes à son cou que, dans un instinct de survie ultime, le jeune Syrien s'est extirpé à temps de la modeste bicoque qui s'est écroulée quelques secondes plus tard. Peu de temps après, des hélicoptères ont commencé à survoler la zone. Après deux jours dans l'attente et l'angoisse à Lukla, il n'a pu rejoindre la capitale qu'hier matin, après avoir rassuré sa famille disséminée entre Beyrouth, les États-Unis et l'Europe. Il confie également qu'il est continuellement sur le qui-vive depuis le drame. « Pour être honnête, je suis encore totalement paniqué, mais j'essaie de savoir comment aider la population », explique-t-il. « C'est un capharnaüm pas possible à Katmandou. Il n'y a que très peu de postes de secours en place, les gens sont livrés à eux-mêmes. Et tous les touristes que je croise ne pensent qu'à prendre un avion au plus vite », affirme M. Lababidi qui a décidé de rester jusqu'à jeudi pour se rendre utile. Il a trouvé une chambre dans un hôtel au « cinquième étage », ce qui ne le rassure guère.
Aider à tout prix. La solidarité dont fait preuve ce jeune Syrien est ressentie jusqu'à Beyrouth. Edwin Harb Kadri, cinéaste libanais, partira au Népal, un pays qui lui tient à cœur, dans quelques jours. « J'ai essayé de convaincre des amis de se joindre à moi en tant que volontaires. Les ONG que j'ai contactées, telles que la Croix-Rouge britannique, m'ont averti qu'elles appréciaient ma demande, mais ne pouvaient accueillir plus de volontaires que ceux déjà sur place », affirme Edwin, qui, toutefois, s'entête à partir seul.

 

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