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Nos Lecteurs ont la Parole - Carine CHAMMAS

Un Liban des 10 452 km2, uni et indivisible

40 ans... déjà... âge de la maturité, dit-on. Qu'avons-nous fait de ces 40 ans ? Qu'avons-nous fait de nos terreurs, de nos nuits blanches, de nos horreurs, de nos estomacs noués par l'angoisse ?Qu'avons-nous fait de nos espoirs, de nos rêves, de nos faux nouveaux départs ? Qu'avons-nous retenu de ce passé ?
Le temps a effacé les cicatrices physiques de la guerre. Les tours en béton et en verre ont remplacé les vieilles maisons criblées de trous, une fine poussière d'oubli s'est logée dans nos mémoires, tellement fine que le moindre bruit, le moindre choc nous fait sursauter, avec une sueur froide dans le dos. Nous avançons la main sur le cœur, les oreilles aux aguets et jamais sûrs de l'endroit où nous mettons les pieds... 40 ans que nous vivons en sursis, sur le fil du rasoir...
Dans le même temps, l'Europe commémore les 70 ans de la fin de la guerre. Quelle différence entre les deux tableaux. L'Allemagne grande perdante de la guerre, laissée en ruine, a pansé ses plaies, retroussé ses manches, traversé des années de privation, s'est reconstruite, a reconnu ses torts, demandé pardon. Elle est aujourd'hui le moteur de l'Europe. Les dictatures d'alors se sont écroulées, trop faibles face à l'épreuve du temps et à la volonté des peuples. Petit à petit, les témoins de ce passé s'en vont, la conscience tranquille, ayant transmis aux générations suivantes leurs souvenirs et surtout leur testament : plus jamais...
Nous ? Nous avons fermé les yeux sur ce passé dur ou honteux. Nous avons reconstruit les pierres, effaçant au passage notre patrimoine comme pour mieux éliminer tout ce qui pourrait nous ramener en arrière. Nous avons copié ces villes voisines que nos émigrations avaient construites, au lieu de nous différencier et de nous enrichir. Concentrés sur la pierre, nous avons oublié l'homme. Nous n'avons pas accompagné les protagonistes dans leurs chemins de désengagement. Nous les avons laissés seuls face à leurs cauchemars et à leurs interrogations. Aucun de nous n'a eu le courage d'assumer son passé, de reconnaître ses torts, de demander pardon. Est-ce tellement aveuglant de voir la réalité en face : tous coupables, tous responsables ?
Aucun de nous n'a raconté à ses enfants la peur, la honte, l'ignorance. Et l'école malheureusement n'a pu remplir nos silences, les livres d'histoire demeurant muets sur cette période. Et le pire, la plus grande honte de cette histoire, c'est que nos disparus, morts ou déportés, n'ont droit à aucune pensée. Leurs visages s'effacent doucement sur les photos en noir et blanc et leurs noms tombent dans l'oubli dans le silence le plus assourdissant. Leurs proches quittent ce monde un à un sans avoir su s'ils étaient vivants ou morts après avoir vécu 40 ans dans les larmes.
Aujourd'hui, tous les protagonistes étrangers de la guerre sont à leur tour en conflit et nous, nous attendons en nous regardant en chiens de faïence que les braises nous tombent dessus au lieu de nous rapprocher pour faire face.
Moi, avant de mourir, je voudrais voir mon Liban un, uni, indivisible. 10 452 km2 pour tous ses enfants.

40 ans... déjà... âge de la maturité, dit-on. Qu'avons-nous fait de ces 40 ans ? Qu'avons-nous fait de nos terreurs, de nos nuits blanches, de nos horreurs, de nos estomacs noués par l'angoisse ?Qu'avons-nous fait de nos espoirs, de nos rêves, de nos faux nouveaux départs ? Qu'avons-nous retenu de ce passé ?Le temps a effacé les cicatrices physiques de la guerre. Les tours en béton et...

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