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Culture - Festival al-Bustan

Un violoncelle et un piano pour parler de la vie au roi Ahiram

Écrin royal avec vestiges de la Phénicie, figurines de dieux grecs, mosaïques et chapiteaux avec protomé de taureau pour parler de la vie. Au Musée national de Beyrouth, le violoncelliste Alexander Buzlov et la pianiste Illinskaya ont croisé cordes et archet pour réveiller en douceur les vieilles pierres assoupies...

Un écrin royal pour un concert de grande qualité. Photo Roland Ragi

Un ballet de voitures rutilantes rue de Damas et une foule de mélomanes pour un concert au menu intelligemment concocté. Les voix de Beethoven, Schubert et Brahms ont défilé dans un éblouissant cortège de sonates devant un auditoire religieusement recueilli. Pas seulement pour ce cadre éclatant et serein où chuchoter même semble un sacrilège ou une hérésie, mais aussi devant le talent de maître de deux musiciens pour qui la musique est sans nul doute un nerf vital, totale possession, délectation profonde et souverain plaisir d'interprétation.
Des sonates taillées en joyaux sonores dans un emplacement malgré sa beauté et son prestige toutefois guère idéal pour l'acoustique.
D'abord cet opus de Beethoven, la troisième des cinq sonates pour violoncelle et piano du maître de Bonn et on nomme la Sonate n° 3 en la majeur op 69. Quatre mouvements alternant rythmes, cadences, timbres, nuances et contrastes pour une expression lumineuse – l'une des plus belles et plus puissantes œuvres de musique de chambre – où une indépendance accrue est accordée au violoncelle, tandis que le piano marque et souligne passion, aveux à contre-jour et cris légèrement réprimés.


Pour prendre le relais, dans le même sillage d'inspiration confidentielle et intimiste, la Sonate en la mineur dans sa ligne mélodique fluide et soyeuse. Narration typiquement schubertienne, mesurée entre ombre et lumière, rire et larme, révolte et résignation, petits emballements et harmonies en cadences calmes, rêveries et paysages baignés de tendresse. Avec cette fièvre romantique en plus, comme l'écho d'un siècle séduit et porté par les grandes exaltations.
En dernier lieu, après un entracte et une collation de nourritures terrestres pour accompagner celles de l'esprit, place à la Sonate n°1 en mi mineur op 38 de Johannes Brahms, dite aussi Sonate pastorale. Trois mouvements (allegro non troppo, allegretto quasi minuetto, allegro) où la part belle, surtout dès les premières mesures, est surtout donnée au violoncelle. Le piano a aussi des instants de grandes fureurs et de beauté dévoilée, car il ne faut pas l'oublier le père des sémillantes Danses hongroises était un virtuose accompli au clavier.
Dialogue furtif, vif, teinté délicatement de mélancolie mais parfois ombrageux entre les deux instruments sans pour autant jamais céder à la tentation de s'éloigner d'une certaine grâce, d'une certaine poésie, d'un certain ardent romantisme. Qualités essentielles de ce fils du Danube, musicien à la fois traditionaliste, innovateur et maître du contrepoint.

 

(Lire aussi: Oliver Poole, spectacle pour une entente avec le piano...)


Salve d'applaudissements d'un public nombreux. La salle, espace relativement restreint du hall d'entrée, était comble. Retour des musiciens après la révérence et, pour le bis, un «Andante» d'une sonate de Rachmaninov: lyrisme et grands effets sonores garantis pour la pérennité d'une magie qui s'est momentanément incrustée entre spots, rampe du grand escalier et le regard absent des statues en attente immémoriale...
Dans ce cadre habité de silence, de grandeur de l'histoire et de la majesté des souvenirs impérissables, la musique, tout en se frayant un chemin au cœur de chaque auditeur, a résonné doublement. C'est-à-dire au diapason des céramiques de terre cuite vernissée, de la statue votive du temple d'Eshmoun et du sarcophage du roi Ahiram.
Objets d'un monde englouti ressuscitant brusquement pour prêter, avec l'univers des vivants, oreille attentive...

 

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