Le crochet interprété en total look chez Emergency Room. Photo DR
Il est au printemps ce que le tricot est à l’hiver. Avec la vague du fait main et du vintage qui submerge la mode, le crochet fait ces dernières années son plus grand retour depuis les 70’s, avec son petit frère hippie, le macramé. La différence entre les deux est technique : le crochet se trame à l’aide d’une aiguille recourbée, le macramé se noue avec les doigts. Robes, gilets, vestes, pantalons, maillots de bain, bralettes, chapeaux, étoles, accessoires, les articles abondent et se déclinent en fils de couleurs vives où s’expriment le talent et les envies de chaque artisan ou artisane. Autant que les pièces vestimentaires, de petites figurines en crochet, les amigurumis, figurines crochetées d’animaux ou de tout ce qu’on voudra, continuent à faire fureur depuis le succès mondial du personnage de Bernie Sanders avec ses moufles écolo, lors de la dernière présidentielle américaine.
Veste Mahalah par Jessica K. Photo DR
D’abord, le crochet, c’est simple, pour peu qu’on en saisisse la technique. Du fil, un crochet, un peu d’adresse et d’imagination, et le tour est joué. On se rapproche d’un idéal « Arts and Crafts », ce mouvement artistique parti des îles britanniques entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle pour conquérir le monde. Face à la révolution industrielle et au déclin esthétique qu’elle suscite, on assiste à un retour au fait main du textile à l’ébénisterie, de l’impression à l’horticulture, du bijou à l’argenterie et pratiquement tous les domaines possibles du travail artisanal. Mais l’attrait du crochet réside surtout dans son côté « vintage » qui fait penser à un art domestique, transmis de génération en génération. On part du « Granny Square », ou carré de grand-mère, un motif omniprésent dans l’imagerie collective. Et puis on attache les uns aux autres ces carrés où s’expriment les couleurs des chakras, qui peuvent être des ronds ou prendre la forme d’une fleur.
Cet été, le crochet est encore très présent dans les collections des grandes maisons comme Oscar de la Renta, Dolce & Gabbana ou La Double J. La robe « Rainbow » avec ses dégradés arc-en-ciel, est un best-seller chez Oscar de la Renta, tandis que le crochet offre chez Dolce & Gabbana une alternative plus brute et authentique à la dentelle sicilienne dont le duo de créateurs a fait sa signature, Domenico Dolce étant né au pied de l’Etna. La Double J, créée par J.J. Martin à Milan en 2015 sur le principe d’une mode heureuse, a commencé par la vente de pièces vintage avant de lancer une première collection où se décline l’excellence artisanale de toutes les régions d’Italie. Le crochet fait partie de ce sentiment joyeux avec ses couleurs bariolées et la touche bienveillante de la main qui le sous-tend.
Veste unisexe Sunflower @zazknits. Photo DR
Inséparables de l’idée des grandes vacances et de la belle saison, le crochet et le macramé sont indissociables des cabas de plage et des grands chapeaux mous qui procurent une belle ombre. Mais ils sont aussi symboles de liberté avec leurs couleurs joyeuses et leurs ajours qui laissent des fenêtres à la peau. Au Liban, une longue tradition domestique du crochet ne pouvait que donner lieu à des inspirations contemporaines. On en retrouve notamment, pour les sacs de ville et vestes kimonos unisexe, chez Zaz Knits (Instagram @zazknits). Déclinés en plusieurs couleurs, les sacs, pochettes et cabans de cette petite marque beyrouthine sont réalisés en petites séries et sur commande, donc personnalisables à souhait. Chez Jessika K., créatrice toujours en avance sur les tendances, la veste en crochet se décline en version rock avec le kimono court « Jagger » ou « Mahalah », soit en cardigan pop avec les modèles « Isabella » ou « Anya », soit encore en robe longue « Saskia », en microjupes ou en manteaux. Chez Emergency Room où la priorité est de fournir du travail aux femmes des communautés défavorisées, notamment à Tripoli, mais aussi de proposer une mode inclusive, libre et apportant une réponse pertinente aux problématiques de notre époque, le crochet vient lui aussi détourner le vêtement conventionnel et genré en chahutant le costume trois pièces, cravate comprise, et en jouant avec les possibilités techniques, avec des bonnets en forme de têtes d’animaux.
