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Nos Lecteurs ont la Parole - Professeur Zeidan KARAM

Les génériques au Liban

Parler des génériques est un sujet crucial et polémique de nos jours. Dans cet article, j'essaierai de jouer le rôle du juge de paix entre les progénériques et les antigénériques au Liban. En Amérique, 80 % des médicaments sont des génériques et en France 70 %, sans que cette évolution n'ait posé de problèmes sanitaires. Chaque générique est comparé directement au médicament et non pas à un autre générique, ce qui réduit les risques de différence lorsqu'on passe d'un générique à un autre.
Dans un comprimé de médicament il y a le principe actif et un excipient (produit inactif qui donne au médicament sa forme de commercialisation). En principe, il ne devrait pas y avoir de différence concernant la toxicité entre le générique et le produit princeps. En Europe, en Amérique et dans d'autres pays, ce point est sous stricte surveillance par la pharmaco-vigilance assurée par les laboratoires de fabrication et surtout par les laboratoires de l'État qui surveillent de façon draconienne les sites de fabrication des produits princeps et surtout des génériques comme l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) en France, l'Agence européenne des médicaments et le FDA en Amérique.
Le générique est défini comme étant la copie identique ou équivalente du produit princeps. Il y a :
– Le générique « copie » associant la même quantité de produit actif, le même excipient ; générique fabriqué par le même laboratoire que celui du produit princeps.
– Le générique « essentiellement similaire » où l'excipient seul change.
– Le générique « assimilable » où l'ensemble des constituants peut être modifié.
Pour être autorisé à la vente, un générique doit être « bio-équivalent » au médicament « princeps », c'est-à-dire avoir la même concentration dans le sang, la même durée d'action et la même efficacité que le « princeps ». Ces conditions exigent des études scientifiques sérieuses sur de nombreuses personnes saines et malades sous l'égide des autorités sanitaires des États.
Le seul bénéfice attendu d'une prescription de générique est essentiellement financier. Généralement, le prix du générique est en moyenne inférieur de 40 % et plus à celui du médicament de marque, le « princeps ».
En France, les génériques permettront d'économiser 5,2 milliards d'euros par an en l'an 2020.
Pour moi, le générique est d'abord et avant tout une question de confiance. Si le trio médecin-pharmacien-patient est convaincu de la similitude du rapport bénéfice/risque, le générique sera indifférenciable du princeps dans la vie de tous les jours. L'essentiel est donc que le malade soit bien soigné et que le service assuré par les génériques soit identique à celui apporté par le produit princeps.
Si « la santé n'a pas de prix », je pense que dans le monde du générique, il faut surtout et toujours expliquer pour que le malade n'ait pas à se plaindre. Essayons donc de convaincre mais ne forçons pas un malade qui n'est pas convaincu.
Certains génériques doivent subir une surveillance très étroite, à savoir :
– les génériques d'antibiotiques par voie injectable. En cas d'inefficacité de ces produits, les conséquences peuvent être très graves.
– Dans l'épilepsie, la moindre erreur dans le principe actif génère des crises convulsives.
– Les antithyroïdiens de synthèse sont des médicaments à marge thérapeutique étroite et la moindre erreur n'est pas permise.
– Chez les personnes âgées, la substitution peut conduire à des erreurs.
– Dans les médicaments anti-rejets d'organes, la substitution est absolument exclue ainsi que pour les génériques anticancéreux.
Après cette mise au point, qu'en est-il des génériques au Liban ?
Après avoir assisté à une émission télévisée sur la MTV dirigée par M. Walid Abboud, en présence des présidents des ordres des médecins et des pharmaciens ainsi que du directeur du ministère de la Santé, je me croyais être devant l'écran télévisé de France 2 et j'étais sur le point d'oublier que j'étais devant une chaîne libanaise. Les responsables essayaient de faire croire aux contribuables que dans notre pays la surveillance des médicaments est identique à celle pratiquée dans les pays développés. Or au Liban, il n'y a aucun système de surveillance, comme en Europe ou en Amérique, des produits princeps et des génériques, et aucun suivi après leur mise sur le marché n'est assuré. La plupart des génériques sont importés de tous les coins de la planète, même de Chine, d'Inde et du Pakistan. Un second groupe est mis en comprimés ou en capsules par des laboratoires locaux privés à partir de produits actifs et d'excipients qui sont importés en général d'Europe, d'Amérique du Nord et d'Amérique latine. Dans ces laboratoires, il y a un contrôle local personnel et certains affirment qu'ils sont contrôlés par des audits qui viennent régulièrement d'Europe et d'Amérique.
Pire, que dire du nombre de génériques d'un même produit actif qui atteignent parfois des chiffres incompréhensibles. Prenons l'Atorvastatin dont le chef de file est le Lipitor. À ce jour, il y a 35 génériques de l'Atorvastatin. Pourquoi cette pléthore de la part des responsables au ministère de la Santé et à la CNSS. Il en est de même du Plavix qui a en face de lui 30 génériques de Clopidogrel. Même les pays sous-développés ne connaissent pas cette « folie ». Qui est l'autorité responsable de cette avalanche de génériques et d'autres sur le marché ? Tous ces génériques ont-ils été contrôlés par l'Agence nationale libanaise des médicaments (qui n'existe pas) sous l'égide du ministère de la Santé ? Trente-cinq génériques pour l'Atorvastatin ont-ils été sélectionnés dans l'intérêt des patients ?
Nous sommes au Liban, Messieurs les responsables ! Pensez-vous que le médecin et le patient libanais sont assez débiles pour vous croire ? Que le ministre de la Santé commence par mettre de l'ordre dans son équipe avant de se lancer dans des aventures qui pourraient nuire aux malades qu'il tente de protéger.
Personnellement, je prescris des génériques que j'ai étudiés et expérimentés au cours de mes années de pratique, et je ne serais pas d'accord qu'un pharmacien substitue un médicament princeps ou un générique contre un second générique que j'ignore.
L'ordonnance que je rédige est toujours bien réfléchie et bien pesée dans l'intérêt financier et médical du patient. Attendons la liste des génériques que les autorités sanitaires libanaises dresseront.
Je n'ai pas l'intention de révéler aux Libanais les vrais « profiteurs » du générique. Dans notre pays, nous sommes tous les jours bombardés par des scandales émanant du ministre de la Santé. À quand le tour de son ministère ?

Professeur Zeidan KARAM

Parler des génériques est un sujet crucial et polémique de nos jours. Dans cet article, j'essaierai de jouer le rôle du juge de paix entre les progénériques et les antigénériques au Liban. En Amérique, 80 % des médicaments sont des génériques et en France 70 %, sans que cette évolution n'ait posé de problèmes sanitaires. Chaque générique est comparé directement au...

commentaires (2)

Merci professeur Karam pour votre intervention appropriee. Certainement les points que vouys soulevez apparaissent d'une evidence que l'on pourrait difficilement contester. En l'absence d'une AGENCE NATIONALE LIBANAISE DES MEDICAMENTS le travail de controle sur les generiques apparait, meme a un novice en la matiere que je suis, herculeen, sinon impossible. Mais alors, pourquoi 70 ans se sont ecoules sans que nul n'ait songe a creer ce service? Y aurait-il au Liban un service de remplacement.? Nous serions reconnaissants au docteur Karam de nous le dire. D'autre part l'usage inconsidere de generiques risque d'avoir des consequences nefastes pour les patients. Qu'attendons-nous pour le reguler? Merci donc, de nouveau au docteur Karam pour avoir tire la sonnette d'alarme et merci au Ministre Abou Faour pour avoir ete le premier a signaler cette deficience dans le Systeme".

George Sabat

08 h 47, le 27 février 2015

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Commentaires (2)

  • Merci professeur Karam pour votre intervention appropriee. Certainement les points que vouys soulevez apparaissent d'une evidence que l'on pourrait difficilement contester. En l'absence d'une AGENCE NATIONALE LIBANAISE DES MEDICAMENTS le travail de controle sur les generiques apparait, meme a un novice en la matiere que je suis, herculeen, sinon impossible. Mais alors, pourquoi 70 ans se sont ecoules sans que nul n'ait songe a creer ce service? Y aurait-il au Liban un service de remplacement.? Nous serions reconnaissants au docteur Karam de nous le dire. D'autre part l'usage inconsidere de generiques risque d'avoir des consequences nefastes pour les patients. Qu'attendons-nous pour le reguler? Merci donc, de nouveau au docteur Karam pour avoir tire la sonnette d'alarme et merci au Ministre Abou Faour pour avoir ete le premier a signaler cette deficience dans le Systeme".

    George Sabat

    08 h 47, le 27 février 2015

  • Merci Mr. Le professeur pour cette mise au point....franchement quand on voit la pratique scandaleuse du corps medical au Liban...une voix comme la votre est franchement agreable a entendre...

    Houri Ziad

    19 h 21, le 26 février 2015

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