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Liban

Charbel Khalil traduit en justice : nouvelle polémique sur les drapeaux de l’islam

En dépit de son caractère ubuesque, la plainte déposée contre l'humoriste libanais Charbel Khalil n'en est pas moins une nouvelle violation des libertés publiques. Au nom de la protection des symboles religieux qui se sont avérés être, dans ce cas précis, le célèbre drapeau noir brandi par l'État islamique, les institutions religieuses se sont braquées contre un artiste qu'elles ont fini par traîner devant la justice.
Hier, Charbel Khalil, réalisateur de l'émission satirique Bassmat Watan, a comparu devant le procureur général, suite aux plaintes déposées contre lui par le mufti de la République Abdellatif Deriane ainsi que l'avocat Tarek Chandab. M. Khalil a toutefois été relâché sous caution d'élection de domicile. Le dossier devra être tranché par le procureur près la Cour de cassation, le juge Samir Hammoud.
Charbel Khalil avait posté il y a quelques jours sur son compte Twitter une caricature montrant une femme sur un lit, devant une bannière noire similaire à celles brandies par le groupe État islamique. L'image était légendée : « jihad al-nikah » (jihad du sexe).
Le mufti de la République avait estimé qu'une telle image nuit à l'islam et souhaité que le parquet ouvre une enquête à ce sujet et prenne des mesures contre Charbel Khalil et toute autre partie impliquée dans l'affaire. Le cheikh Deriane a estimé dans ce contexte que cette photo « peut susciter des conflits religieux et communautaires » et « porte atteinte à l'islam ».
Le tweet, qui n'était plus visible sur le compte de M. Khalil, a été retweeté par l'humoriste.
« Je veux remercier tous ceux qui sont venus ici en solidarité avec moi. Le droit est le plus fort, je n'ai pas menti (...). Je suis convaincu que le mufti n'a pas vu la photo lorsqu'il a décidé de porter plainte contre moi », a déclaré Charbel Khalil à la presse et ses supporters après avoir été entendu par le procureur.
Devant le Palais de justice, la communauté des artistes et acteurs s'est rassemblée autour de l'humoriste en signe de solidarité. Plusieurs activistes étaient également présents dont certains portaient des affiches où était écrit : « Je suis Charbel ».
Unanimement, ils ont exprimé leur révolte face à ce qu'ils considèrent être un outrage à la liberté d'expression, d'autant que, dans cette affaire, il est question du drapeau d'une organisation on ne peut plus condamnable, selon eux. « Les poseurs de bombes et tueurs de tous calibres sont lâchés dans la nature et des artistes comme Charbel Khalil sont interrogés », s'offusque l'un d'entre eux.
L'humoriste a également accusé Tarek Chandab d'avoir « une pensée daechiste », en référence au groupe de l'EI. Ibrahim Kanaan, avocat de Charbel Khalil et également député membre du Courant patriotique libre (CPL), a estimé qu'il s'agit d'une affaire qui concerne la liberté d'expression. « Charbel Khalil a présenté tous les documents prouvant qu'il respecte toutes les religions », a déclaré M. Kanaan.
Interrogé par L'Orient-Le Jour, l'humoriste affirme que l'affaire va au-delà du simple drapeau, assurant que ce sont ses programmes télévisés, Bassmat Watan, notamment, qui sont visés. « Ils cherchent à exercer une certaine intimidation sur moi. Ils attendaient le moindre prétexte pour avoir ma peau », dit-il.
La polémique ne devait pas s'arrêter à ce stade. Devant le procureur, M. Kanaan a renvoyé à une déclaration faite par le mufti de Tripoli cette fois-ci, le cheikh Malek Chaar, dans laquelle il précise, dit M. Kanaan, que les drapeaux noirs « ne sont pas les drapeaux de l'islam et n'ont par conséquent aucune signification religieuse ».
La réponse du dignitaire sunnite ne s'est pas fait attendre. Dans un long communiqué, le bureau du cheikh Chaar affirme que les propos de M. Kanaan « sont totalement faux ». « Tout le monde sait que ce drapeau est un drapeau musulman. L'objection faite par le mufti était seulement sur la couleur noire devenue désormais le symbole d'un groupe précis », dit-il.
Au tour de M. Kanaan de riposter. Dans un contre-communiqué, le député reproduit le texte intégral de l'interview du mufti, qui sera rediffusée en soirée par la LBCI.
Dans cet entretien, le mufti Chaar affirme ce qui suit : « Les drapeaux noirs sont devenus le symbole d'un groupe politique appelé Daech que l'ensemble des Libanais ont désavoué. Nous n'avons pas de drapeaux noirs, qui généralement sont brandis en temps de guerre, de même que nous ne sommes pas en guerre avec l'État », a-t-il dit. Et le mufti de conclure : « Personnellement, en tant que Libanais, en tant que musulman et en tant que mufti, je ne préconise pas que l'on lève ce drapeau dans aucune région libanaise. »
Rappelons que ce n'est pas la première fois que Charbel Khalil s'attire les foudres des responsables libanais. En 2006 et en 2013, son émission Bassmat Watan avait transgressé ce qui est considéré comme un « tabou », à savoir se livrer à l'imitation du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, dans le cadre d'un sketch télévisé.

Je. J.

En dépit de son caractère ubuesque, la plainte déposée contre l'humoriste libanais Charbel Khalil n'en est pas moins une nouvelle violation des libertés publiques. Au nom de la protection des symboles religieux qui se sont avérés être, dans ce cas précis, le célèbre drapeau noir brandi par l'État islamique, les institutions religieuses se sont braquées contre un artiste qu'elles ont...
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QUE LES FANATIQUES SE TOURNENT VERS L'EI... LES LEURS... QUI BAFOUENT LEURS SYMBOLES !

LA LIBRE EXPRESSION

17 h 17, le 24 février 2015

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Commentaires (2)

  • QUE LES FANATIQUES SE TOURNENT VERS L'EI... LES LEURS... QUI BAFOUENT LEURS SYMBOLES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 17, le 24 février 2015

  • Juste, une simple question : Quelle différence y-a-t-il entre zawâj al-moutääh et zawâj al-nikâh ? Merci.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 04, le 24 février 2015

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