Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a condamné lundi, lors d'un discours prononcé à l'occasion de la journée des "cadres martyrs", la décapitation de 21 chrétiens coptes égyptiens en Libye, revendiquée par le groupe Etat islamique (EI) et a présenté ses condoléances aux familles des victimes. Dans son discours retransmis par vidéoconférence lors d'une cérémonie organisée dans la banlieue sud de Beyrouth, il a dénoncé un crime "odieux et barbare qu'aucun cœur et conscience ne peut supporter".
Le chef du parti chiite a par la suite présenté ses condoléances à la famille de Rafic Hariri pour la dixième commémoration de l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais.
D'emblée, Hassan Nasrallah a indiqué que la majeure partie de son discours concernera la région et qu'il allait rapidement évoquer les dossiers locaux. Il a ainsi dit soutenir l'appel à "adopter une stratégie nationale de défense pour lutter contre le terrorisme".
Le leader chiite a en outre salué le plan de sécurité visant à mettre un terme à la violence qui sévit dans la Békaa, appliqué depuis quelques jours par l'armée libanaise et les forces de sécurité. Appelant à renforcer et soutenir ce plan qui a, selon lui, tardé à être adopté par l'Etat, le leader chiite a souligné la nécessité de l'accompagner d'un plan de développement. Selon lui, le volet sécuritaire de ce plan ne suffit pas.
Le secrétaire général du Hezbollah a ensuite évoqué le document d'entente signé il y a neuf ans entre le parti chiite et le Courant patriotique libre, appelant à renforcer cette entente et à signer des documents similaires sur le plan national.
Sur l'élection présidentielle, Hassan Nasrallah a appelé à "relancer les efforts internes" dans le but de mettre fin à la vacance à la magistrature suprême, et à ne pas "attendre en vain les développements dans la région". Dans ce contexte, le chef du Hezbollah a invité certains pays du Golfe à "lever leur veto et à permettre l'élection d'un président".
Le chef du parti chiite a enfin assuré que le dialogue entre le Hezbollah et le courant du Futur se poursuivra. Selon lui, ce dialogue "a déjà abouti à des résultats positifs dans la limite des attentes". Ce dialogue avait été lancé il y a quelques semaines dans le but de contenir les tensions confessionnelles entre sunnites et chiites.
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La menace takfiriste
Après ce bref passage sur les grandes questions locales, Hassan Nasrallah a abordé le volet régional de son discours en estimant que "le Liban n'est pas isolé et ne peut être distancié des crises qui secouent cette région". "Le Liban est aujourd'hui plus que jamais affecté par ce qui se passe dans la région, a-t-il martelé. Celui qui veut décider du sort du Liban doit être présent dans la région".
Il s'agit d'une première réponse à l'ancien Premier ministre Saad Hariri qui avait martelé lors de son discours, samedi, que "le Liban ne fait pas partie de l'axe irano-syrien et ne servira jamais de carte politique".
Revenant sur ses récentes critiques du régime bahreïni, Hassan Nasrallah a lancé : "Celui qui a politiquement et militairement interféré en Syrie n'a pas le droit de critiquer notre avis politique et pacifique concernant la révolte au Bahreïn". Il y a près d'un mois, les propos de Hassan Nasrallah avaient failli provoquer une crise diplomatique entre Beyrouth et Manama. Le chef du parti chiite avait accusé le pays du Golfe de réprimer "l'opposition dans la violence" et de pratiquer "à grande échelle la naturalisation d'étrangers pour changer l'équilibre démographique communautaire dans le pays au détriment des chiites".
Hassan Nasrallah a évoqué par la suite la plus grande menace à laquelle la région fait face : les courants takfiristes, notamment le groupe Etat islamique. "Israël est le seul pays à ne pas considérer l'EI et le Front al-Nosra comme une menace, a lancé le chef du Hezbollah. Tout ce qui sert l'hégémonie israélienne et américaine sur la région, Daech (acronyme arabe de l'EI) le fait".
Outre l'Irak et la Syrie, le danger de l'EI n'épargne plus aucun pays de la région, a poursuivi le leader chiite. "Face à cette énorme menace terroriste, nous appelons tous les peuples et pays arabes à l'unité, a-t-il déclaré. Nous sommes capables de détruire l'EI qu'il soit soutenu par le Mossad ou par les Etats-Unis". Selon lui, "il faut mener cette bataille politique et militaire contre le terrorisme pour défendre le véritable islam, et non une confession particulière".
"Accompagnez-nous en Syrie"
Dans le même contexte, le leader chiite a estimé qu'il ne faut pas différencier entre l'EI et le Front al-Nosra (branche syrienne d'el-Qaëda). Selon lui, les deux organisations font partie d'un même courant et "on ne peut pas combattre l'une et soutenir l'autre". Et de lancer : "Le gouvernement jordanien et les pays du Golfe ne peuvent combattre Daech en Irak et soutenir al-Nosra en Syrie". Hassan Nasrallah a dans ce cadre appelé "certains pays arabes à avoir une approche différente des dossiers régionaux car ils sont menacés".
Évoquant enfin le conflit syrien, Hassan Nasrallah a lancé une deuxième pique à Saad Hariri qui avait critiqué samedi le parti chiite et son intervention militaire en Syrie, l'appelant à mettre fin à son implication dans le conflit. "J'invite ceux qui nous appellent à nous retirer de Syrie à nous accompagner en Syrie et dans tout endroit pour combattre la menace terroriste", a-il martelé. "Nous n'avons pas parlé de l'Irak auparavant mais nous avons une présence limitée depuis que ce pays traverse une phase sensible", a-t-il ajouté, révélant pour la première fois que le parti chiite combattait également en Irak contre les jihadistes.
Le chef du Hezbollah a enfin appelé à une coopération entre les gouvernement libanais et syrien et entre les armées libanaise et syrienne dans les dossiers sécuritaire et humanitaire (en référence aux réfugiés syriens au Liban).
Les rivaux du Hezbollah l'accusent d'entraîner le Liban dans le bourbier syrien, après une série d'attentats sanglants à travers le pays et le rapt de soldats libanais (dont quatre ont été exécutés) par des jihadistes en riposte à l'implication du parti chiite dans les combats contre les rebelles et les jihadistes sunnites.
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commentaires (10)
"Présent", mais évanescent et sortant de temps en temps comme lui d'une lampe à huile magique mais maudite ? Non, äâïynéhhh, merci !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
07 h 56, le 18 février 2015