Le président François Hollande a défendu samedi la liberté d'expression, une "valeur de la France", face aux manifestations de colère dans le monde musulman contre les caricatures du prophète Mahomet. "La France a des principes et des valeurs et ces valeurs c'est notamment la liberté d'expression", a martelé le président, déambulant sur le marché de Tulle (centre), ville dont il a été l'élu, pour montrer, a-t-il insisté, que "la vie continue" après les attaques contre Charlie Hebdo, une policière et une supérette casher qui ont fait 17 morts et choqué le pays.
Samedi, aux cris de "A bas la France", un millier de jeunes défilaient autour de la grande mosquée de Niamey, au Niger, et au moins dix églises ont été incendiées dans la capitale. A Zinder, deuxième ville du Niger, environ 300 chrétiens se trouvaient samedi sous protection militaire où de violentes manifestations contre la dernière caricature de Mahomet en Une de Charlie Hebdo avaient fait vendredi 4 morts et 45 blessés.
A Gaza, des inscriptions promettant "l'enfer" aux journalistes de Charlie Hebdo s'étalaient samedi sur le mur du centre culturel français. Le président afghan Ashraf Ghani a lui jugé "irresponsable" la publication d'un dessin du prophète. Vendredi, de nombreuses manifestations avaient rassemblé des milliers de musulmans dans le monde conspuant le journal et brûlant le drapeau français. Au Pakistan, deuxième pays musulman le plus peuplé au monde, la contestation avait tourné à l'affrontement devant le consulat français de Karachi où un photographe de l'AFP a été grièvement blessé.
Interrogé sur cette vague d'indignation, qui ont aussi touché le Mali, le Sénégal ou l'Algérie, le président Hollande a estimé que certains de ces pays "parfois, ne peuvent pas comprendre ce qu'est la liberté d'expression car ils en ont été privés". Mais "ces pays, on les a soutenus dans la lutte contre le terrorisme", a-t-il relevé.
(Lire aussi : Face à la menace terroriste, l'Europe passe sérieusement à l'action)
Patrouilles militaires à Anvers
Dans le contexte d'extrême tension suscité par les nouvelles caricatures du prophète publiées par Charlie Hebdo - qui sera finalement tiré à 7 millions d'exemplaires - et par crainte de nouveaux attentats jihadistes, plusieurs pays européens ont annoncé des mesures de sécurité inédites.
En Europe, plusieurs dispositifs exceptionnels sont progressivement déployés pour protéger les sites jugés sensibles. Après le démantèlement jeudi d'une cellule jihadiste qui planifiait des attentats, la Belgique a fait appel à l'armée pour la première fois depuis les années 80 : les premières patrouilles militaires sont apparues samedi matin dans les rues d'Anvers, où réside une communauté juive de 15 000 à 20 000 personnes. Jusqu'à 300 soldats, armés, seront progressivement mobilisés dans plusieurs villes, a indiqué le gouvernement belge. La mesure, annoncée vendredi, a été décidée pour un mois et pourra être renouvelée tant que le niveau d'alerte restera de 3, sur une échelle de 4.
A Athènes, au moins quatre hommes ont été arrêtés samedi dans le cadre de l'enquête sur la cellule jihadiste démantelée en Belgique. Les services de la police antiterroriste cherchent à vérifier si, comme ils le supposent, figurent bien parmi eux Abdelhamid Abaaoud, un Belge d'origine marocaine identifié par les médias belges comme le cerveau présumé des attentats déjoués jeudi, qui auraient été commandités depuis la Grèce.
En Grande-Bretagne, où le niveau d'alerte avait été relevé dès la fin août, pour la première fois en trois ans, les autorités envisagent d'armer les policiers devenus, selon le chef adjoint de Scotland Yard, Mark Rowley, une "cible délibérée" après le meurtre d'une policière à Paris et les projets de la cellule démantelée en Belgique. La plupart des policiers britanniques ne disposent pas d'armes, à l'image des fameux "Bobbies", équipés au mieux d'une matraque. Selon les médias, ils pourraient être plus nombreux à être dotés de pistolets Taser. Le Premier ministre britannique David Cameron a appelé les Britanniques à être "extrêmement vigilants" et à "prendre en considération tous les risques, en particulier pour les policiers". Selon M. Rowley, un nombre "sans précédent" d'attentats terroristes a été déjoué ces derniers mois au Royaume-Uni et le nombre d'arrestations (327) a été en hausse de 32% en 2014.
A Paris, les 12 suspects (huit hommes et quatre femmes) interpellés dans le cadre de l'enquête sur les attentats étaient toujours gardés à vue samedi matin. La police s'interroge sur un "possible soutien logistique" qu'ils auraient fourni. L'un des deux jihadistes responsables de l'attaque contre Charlie Hebdo, Saïd Kouachi, a été inhumé à Reims (nord-est) dans la nuit de vendredi à samedi, dans le plus grand secret et dans une tombe anonyme afin d'éviter d'en faire un lieu de pèlerinage. Le lieu des enterrements de son frère Chérif et de Amédy Coulibaly, auteur entre autres de la prise d'otages mortelle dans une supérette casher, restent à définir.
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commentaires (9)
La peur pour les juifs et la honte pour les musulmans de France voila ce qui demeure au lendemain du drame qui débute cette année. Certaines Synagogues doivent fermer pour la première fois depuis 1945 en attendant la protection de l’armée. L’islam de France est en pleine méditation sur la responsabilité de ses dignitaires religieux qui n’ont pas anticipé cette extrême radicalisation et alerté en conséquence les pouvoirs publics. Alors que les occidentaux répètent à qui veux entendre leur distinction entre l’islam moderne et celui du radicalisme et de l’obscurantisme, dans plusieurs pays où celui-ci est dominant les chrétiens sont à nouveaux persécutés. Leurs églises sont parfois massivement incendiées.. Ils deviennent les otages d’une population hystérique, ou l’enjeu est ce droit à l’opinion dans le monde libre. Ils sont à nouveau décrits comme cette cinquième colonne d’un occident responsable de tous les mots du tiers monde. Seule en Egypte une voix éclairée résonne : Sissi propose de poser le débat sans tabou.
ANDRE HALLAK
00 h 33, le 20 janvier 2015