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Liban - Interview

Le père d’Élie Warraq à « L’OLJ » : Mon fils est innocent, il sera sûrement relâché

Tony Warraq retrace avec une très grande émotion l'itinéraire de son fils, arrêté pour terrorisme et qui se serait converti à l'islam. Écartelé entre la colère et le déni, le père reste convaincu de son innocence. Son arrestation l'aura sauvé in extremis, estime-t-il.

Élie Warraq... Que de points d’interrogation !

Élie Warraq, jeune chrétien du Akkar, fait partie des trois hommes arrêtés mercredi à Tripoli par les services de renseignements de l'armée. Ils planifiaient des attentats terroristes dans le Nord, qui devaient faire suite au double attentat perpétré la semaine dernière à Baal Mohsen.
Si Élie se démarque des autres prévenus par son appartenance religieuse, son itinéraire et son embrigadement, finement dissimulé, rappellent les parcours des jeunes musulmans qui se sont ralliés au terrorisme. Le choc des parents, leur confusion, leur indignation tourmentée, et surtout leur dignité sont les mêmes. C'est l'humain qui s'érige face à l'insoutenable horreur. Et c'est cet humanisme meurtri mais tenace qui s'est exprimé dans les larmes de Tony Warraq, le père de Élie, dans son entretien à L'Orient-Le Jour.

Originaire du village de Charbila dans le Akkar, Élie Warraq avait grandi dans le quartier de Qobbé à Tripoli avant de déménager avec ses parents à Majdaliya, dans le Akkar, il y a près de quatre ans. Il multipliait néanmoins ses va-et-vient à Tripoli. Âgé de 22 ans, célibataire, sans diplôme universitaire, il avait rejoint temporairement les Forces de sécurité intérieure, dont il s'était retiré par lassitude, semble-t-il, ou manque de motivation. Afin de meubler des journées plates, il avait multiplié les petits boulots. Il lui arrivait de prêter assistance à son père, Tony Warraq, un vieux travailleur respecté dans le domaine de la construction et ancien président du syndicat des ouvriers de Tripoli, qui n'a pratiquement plus décroché de nouveaux projets depuis trois ans.

« J'avais été élu à la tête du syndicat par 460 voix sunnites, contre quarante chrétiennes », relève Tony Warraq, qui se dit « laïc et croyant ». « Mes enfants sont généreux, ils ont grandi dans l'aisance, avant que mon travail ne régresse. Ils ont surtout été éduqués au respect des valeurs », ajoute Tony. Il rapporte que son fils avait un groupe d'amis « très respectables à Tripoli », sans donner plus de détails sur les connaissances récentes qu'il a pu se faire. « C'est sur Internet que Élie a sans doute découvert ces groupes suspects. Savez-vous tout ce qu'on peut trouver sur la Toile ? » s'indigne-t-il.
C'est en effet dans un cybercafé à Tripoli, où il avait été employé, que Élie avait fini par passer le plus clair de son temps. Il a effectué parallèlement deux voyages successifs en Turquie, le premier de deux semaines et le second de près d'un mois. Son père n'était pas au courant de son voyage en Syrie, dans le Qalamoun, où il avait été formé.

Qu'est-ce qui a mal tourné dans l'itinéraire de ce jeune homme ? Quel détail a pu échapper à ses proches, et qu'est-ce qu'ils auraient pu faire ? Leur fils est-il vraiment coupable ? Quelle mutation a pu se produire dans l'esprit de ce jeune sans histoire, chrétien, frère aîné d'un soldat militaire, qui a grandi dans la diversité et a envisagé récemment de tenter sa chance en Australie, où vivent sa grand-mère et ses tantes paternelles ?
Les réponses sobres de Tony sur l'affaire feignent d'abord un certain apaisement. « Au moins, Élie a été arrêté avant d'avoir entrepris quoi que ce soit, grâce à Dieu », relève-t-il, remerciant plus d'une fois les services de renseignements de l'armée pour leur travail. Pour lui, l'innocence de son fils ne fait pas de doute. « Il n'avait aucune arme, aucune munition, aucun instrument en sa possession au moment de son arrestation », croit-il savoir. « Je suis certain qu'il sera relâché. Son arrestation nous a donné l'occasion de regarder vers l'avenir, d'envisager un nouvel avenir pour lui », ajoute-t-il.

(Lire aussi : Le credo des jihadistes : semer le chaos pour mieux régner)

Des voyages en Turquie
Il alimente son élan en répétant de temps à autre quelques mots simples sur les qualités de son fils. « Élie est calme et poli, il ne mécontente personne, bien au contraire. Il est aimé de tous, vous pouvez vous renseigner. » Il ajoute ensuite que son fils a « l'étoffe des hommes honnêtes et aimables ». Lorsque son père le réprimandait, il lui tendait le cou en lui déclarant sa disposition à recevoir sa claque en cas de faute de sa part.

Au fur et à mesure que ses liens se renforçaient avec « certaines personnes proches des groupes terroristes », selon son père, il semblait trouver le moyen de se dérober à tout débat, tout questionnement de ses proches. Ainsi, lorsqu'il s'est fait pousser une barbichette il y a quelques mois, son père lui a adressé un blâme affectif, auquel il a rétorqué, calmement, en invoquant « une tendance actuelle chez les jeunes à se faire pousser une barbe. Tu aurais préféré que je me rase la tête ? »

Il avait justifié ses deux voyages en Turquie avec un ami par « une envie d'escapade ». Il avait même envoyé à sa famille des photos de l'hôtel et effectué plusieurs conversations avec ses proches via Internet.
Au cours des deux derniers mois ayant précédé son arrestation, il avait quitté le domicile familial. Ses proches l'avaient perdu de vue. Il leur avait clairement signifié de ne pas le suivre, ce qui explique l'absence de tentative de leur part de retracer son adresse. Ils parvenaient néanmoins à le joindre par téléphone, et avaient essayé en vain de le convaincre de célébrer Noël avec eux.

« Élie prend chaque année l'initiative de ramener le sapin du grenier. Il est le premier à accourir pour le décorer », décrit Tony. Sauf cette année... À cette précision qu'il a omise, il répond en riant. « Oui, sauf cette année. » Et sa voix s'aggrave d'un coup. « Écoutez, je suis très gêné par cette affaire... jusqu'à cet instant, je n'y crois pas. C'est à la télé que j'ai appris l'arrestation de mon fils. Et, depuis, je ne dors pas. Ce que je ressens, je ne le souhaite à personne, même pas à un ennemi. Je voyais dans les médias ces parents de personnes arrêtées pour terrorisme qui désavouaient leur fils. Maintenant, c'est moi qui me retrouve dans cette situation. Mais je le dis et le répète : mon fils est un homme de valeurs. Il l'est toujours. Il est innocent. Je ne l'abandonnerai pas. »
Il juge très peu probable sa conversion à l'islam, que certains de ses proches rapportent. « Il y a des exagérations médiatiques... ».

C'est seulement lorsqu'il est interrogé sur la montée islamiste que Tony Warraq lâche toute sa colère. Les images de « violence au Liban et dans la région » se succèdent dans ses mots, à un rythme accéléré. « Les massacres dans les écoles, les enfants tués en Syrie et en Irak, les décapitations... comme si le monde touchait à sa fin », déplore-t-il, avant de s'interroger, avec une indignation marquée : « Mais qu'est-ce qui pourrait conduire une personne à assassiner un innocent ? Ils leur incrustent des idées dans leur cerveau comme avec un pic, c'est effrayant. »

Et son fils Élie dans ce tourbillon de l'inintelligible ? Quelle est la première chose qu'il lui dira lorsqu'il le reverra pour la première fois depuis deux mois au siège du tribunal militaire ?
Tony Warraq se tait. Son silence couve ses larmes. Il ne réussit à formuler qu'une excuse furtive... et une réponse où survit un espoir : « Chaque chose en son temps »...

 

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Élie Warraq, jeune chrétien du Akkar, fait partie des trois hommes arrêtés mercredi à Tripoli par les services de renseignements de l'armée. Ils planifiaient des attentats terroristes dans le Nord, qui devaient faire suite au double attentat perpétré la semaine dernière à Baal Mohsen.Si Élie se démarque des autres prévenus par son appartenance religieuse, son itinéraire...

commentaires (5)

C'est bien tirste de voir un jeune chrétien dans les rangs de ces islamo-salafistes. Qu'est-ce qui a pu le convaincre? l'argent? L'anti-Assadisme des criminels? travaille-t-il pour quelque service étranger? Le saura-t-on?

Ali Farhat

16 h 35, le 17 janvier 2015

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Commentaires (5)

  • C'est bien tirste de voir un jeune chrétien dans les rangs de ces islamo-salafistes. Qu'est-ce qui a pu le convaincre? l'argent? L'anti-Assadisme des criminels? travaille-t-il pour quelque service étranger? Le saura-t-on?

    Ali Farhat

    16 h 35, le 17 janvier 2015

  • Triste de voir nos jeunes subir tout ce lavage de cerveau .

    Sabbagha Antoine

    11 h 55, le 17 janvier 2015

  • Tous les jeunes recrutés de par le monde par les jihadites sont innocents... Elie et les milliers d'autres... Ils sont tous happés dans les filets d'une monstrueuse machine à nuire, diaboliquement fabriquée, par des individus qui se frottent les mains face aux résultats obtenus. Le mode de recrutement, subtil et perfide, est celui des sectes, qui travaillent sournoisement pour faire un maximum de dégâts. C'est un mouvement mené par les forces du mal. Aujour'dhui, on lui a donné le visage de jihadistes, mais il pourrait tout aussi bien s'agir d'une autre religion, voire d'aucune religion...

    NAUFAL SORAYA

    10 h 12, le 17 janvier 2015

  • C'est seulement lorsqu'il est interrogé sur la guerre bääSSiste contre le Liban, que Tony aurait dû lâcher toute sa colère ! Les images de violence au Liban se seraient succédé dans ses mots, à un rythme accéléré. "Les massacres dans les écoles et les rues, les enfants tués chez nous ici au Liban, les émasculations comme si le monde touchait à sa fin", déplorerait-t-il, avant de s'interroger alors, avec une indignation marquée : "Mais qu'est -ce qui pourrait conduire un pro-bääSSiste et un bääSSiste à assassiner un pur Libanais ? Ils leur incrustent des idées bääSSdiotes dans leur cerveau comme avec un pic bääSSyriaNique, c'est effrayant."

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    06 h 46, le 17 janvier 2015

  • SE CONVERTIR ET CROIRE SONT LES DROITS DE CHACUN... MAIS SE CONVERTIR POUR ALLER COMETTRE DES CRIMES CONTRE L'HUMANITÉ... çA C'EST LE COMBLE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    06 h 13, le 17 janvier 2015

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