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Liban - La situation

Le gouvernement à la peine, mais pas en danger

« Je suis Charlie », titrait hier (en français dans le texte) notre confrère al-Moustaqbal, porte-parole d'un sunnisme libanais modéré de plus en plus sûr de lui et décomplexé à l'égard de la mouvance jihadiste, celle-là même qui, par ailleurs, commet les pires atrocités et ravage en ce XXIe siècle les rapports entre les hommes, les cultures et les religions.

Le chemin audacieux parcouru par l'organe de presse du courant du Futur n'est joint qu'à moitié par le secrétaire général du Hezbollah. Non seulement Hassan Nasrallah, qui s'est exprimé hier à la télévision, n'est pas Charlie, il va même jusqu'à tancer indirectement Charlie Hebdo en rappelant que ce magazine satirique avait nui, selon lui, au prophète Mohammad. Mais il considère néanmoins qu'au final, les terroristes « takfiristes » font davantage de tort au Prophète que des caricatures qui le représentent. Naturellement, le chef de la formation chiite n'a aucun mal à enfoncer ses ennemis sectaires, et surtout il le fait en prenant bien soin de ne montrer aucune espèce d'affinité avec la victime, en l'occurrence la France, l'Occident, et aussi la liberté de pensée et d'expression.


(Lire aussi : Condamnations du crime, solidarité avec la France et soutien au pluralisme : le Liban continue de réagir au carnage à « Charlie Hebdo »)


Mais il est si rare au Liban de voir des convergences d'opinions, fussent-elles partielles et diversement motivées, qu'il devient absolument nécessaire de s'y arrêter. Le péril jihadiste rapproche incontestablement les Libanais. Ce fait est avéré et il s'est déjà traduit par la prise de contact engagée depuis la fin de l'année 2014 entre les deux principales forces politiques du pays, le Futur et le Hezbollah. À en croire de bonnes sources, la dernière réunion tenue entre les deux parties a été jugée très positive au plan des mesures destinées à faire baisser les tensions confessionnelles, et l'on prépare activement un nouveau rendez-vous le 16 courant.
Dans les milieux des négociateurs, on souligne, en dépit des réserves médiatiques émises ici et là, qu'il n'y aura « pas de retour en arrière », autrement dit que le dialogue va se poursuivre quoi qu'il arrive.

 

(Lire aussi : Salam : Tout minidialogue nous rend optimistes)


Simultanément, et comme par un phénomène d'émulation, les préparatifs vont bon train pour un « sommet » entre les deux grands leaders chrétiens, Michel Aoun et Samir Geagea. C'est la première fois, il faut le dire, que les tractations entre les deux parties atteignent un tel degré de sérieux dans la recherche d'un ordre du jour commun et plus ou moins solide. Une nouvelle réunion est prévue aujourd'hui samedi dans le cadre de cet effort. Elle se tiendra à Maarab sous l'égide du chef des Forces libanaises et en présence des deux négociateurs, Ibrahim Kanaan pour le CPL et Melhem Riachi pour les FL. L'agence al-Markaziya croit savoir qu'au train où vont les choses, le « sommet » tant attendu pourrait avoir lieu au début du mois de février prochain, probablement avant la Saint-Maron.


(Lire aussi : La rencontre Aoun-Geagea, un grand événement, en dépit des apparences)


Il reste à constater qu'en dépit de cette fièvre du dialogue et des négociations qui s'est emparée dernièrement des protagonistes politiques libanais, le gouvernement en place connaît des heures difficiles, malgré l'extrême souplesse dont fait preuve depuis le début son chef, Tammam Salam.
Le gel du plan de gestion des déchets en raison des divergences qui sont apparues sur ce dossier lors du Conseil des ministres de jeudi dernier a conduit le Premier ministre, excédé, à ne pas fixer de date à une nouvelle réunion du cabinet avant qu'un accord ne soit trouvé en amont.
Des contacts ont été menés au cours des dernières trente-six heures pour clore ce dossier urgent, mais sans succès jusqu'ici. Cette situation a fait dire hier à nombre de ministres, parmi lesquels Boutros Harb et Rachid Derbas, que la paralysie totale guette le gouvernement, alors que l'ancien Premier ministre Nagib Mikati entrait dans la brèche ouverte et mitraillait le cabinet tout entier, l'accusant de « négliger ses responsabilités ».


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Les observateurs notent cependant qu'en dépit des risques majeurs qui pèsent sur l'efficience de l'action gouvernementale, les jours du cabinet ne sont guère en danger, comme l'a souligné hier le ministre Nabil de Freige, alors que son collègue Abdel Mottaleb Hennaoui faisait remarquer que s'il est difficile de trouver des solutions à froid aux problèmes qui se posent, il sera toujours temps de trouver des solutions à chaud.
La chute du gouvernement semble être, en effet, une « ligne rouge » internationale, en tout cas tant que la présidence de la République restera vacante. Partant de là, les protagonistes intérieurs libanais savent qu'ils ne pourront pas influer sur le sort du gouvernement. En revanche, les composantes gouvernementales tentent de profiter au maximum du statut inédit que leur accorde la vacance présidentielle et en vertu duquel chaque ministre est un monarque quasi absolu disposant du droit de veto sur toute décision gouvernementale.
Il y a une seule barre et vingt-quatre capitaines. Il faudra des trésors de souplesse, de savoir-faire et de patience pour continuer à naviguer avec un tel bateau ivre.

 

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DES ÂMES EN PEINE ? LA RIGOLADE !

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 18, le 10 janvier 2015

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Commentaires (3)

  • DES ÂMES EN PEINE ? LA RIGOLADE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 18, le 10 janvier 2015

  • La gouvernance des contradictions libanaises est périlleuse et Salam s'en tire au mieux mais en affirmant "Charlie" je pointe l'image d'une assemblée gouvernementale phallocrate qui en excluant la femme affirme l'un des socles du fondamentalisme!

    Beauchard Jacques

    10 h 48, le 10 janvier 2015

  • Le sentiment "moral" de la classe politique, n'a de base que la conscience d'être la représentante de la médiocrité étroite et bornée de toutes les autres classes libanaises. Ce ne sont donc pas seulement les zaïms libanais qui s’installent mal à propos dans leurs canabéééïyéhs-canapés, c’est chaque fraction de la société libanaise qui subit 1 défaite avant même d'avoir de victoire remporté. Elle élève sa "propre" barrière, avant d'avoir abattu la barrière qui la gêne ; et fait valoir toute l'étroitesse de ses vues, avant d'avoir pu faire valoir sa "propre" générosité. Ainsi, l'occasion même d'un grand rôle est toujours passée sous son nez avant d'avoir existé ; et chaque fraction libanaise, à l'instant où elle engage la lutte contre une fraction supérieure, reste impliquée dans la lutte contre une fraction inférieure. C'est pourquoi les nouveaux zaïms sont en lutte perpétuelle avec les anciens zaïms, la bureaucratie avec le clientélisme des vielles familles, ce "libanisme" classique avec eux tous, tandis que le petit libanais sans le sou commence à peine la lutte contre cette même "libanité" dorénavant en travers de ses pieds. Chaque faction libanaise ose à peine, en se plaçant à son point de vue, concevoir l'idée de son émancipation, que déjà le développement de la situation ainsi que le progrès de la pensée font voir que le point de vue de chaque faction est déjà suranné, ou du moins problématique et niais et assurément dépassé.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    07 h 34, le 10 janvier 2015

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