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Lifestyle - Tous les chats sont gris - Cocooning

Bien au chaud, alors que Zina s’éclate dehors

Semaine de grisaille et de pluie, semaine blueseuse et triste aussi, semaine venteuse en cette saison morte d'après fêtes. Retour sur comment les Libanais meublent leurs soirées en affrontant Zina.

On ne va pas se leurrer. Relater un happening nocturne, raconter une soirée mondaine, parler d'une party boum-boum ou annoncer l'ouverture d'un énième lieu de nuit serait totalement inapproprié cette semaine, sachant que le pays dans sa totalité n'avait que deux mots en bouche. Deux prénoms en l'occurrence. D'abord Charlie, qui résonne amèrement comme un Delta Charlie Delta en échos depuis Paris. Et puis surtout, l'autre, comme un glaçon qui grince entre les dents : Zina. Xina pour les intimes. Zina, c'est comme ça qu'on a baptisé la tempête qui frappe le Liban depuis le week-end dernier. Zina, la star absolue du moment, la seule à enflammer les nuits, comme une (re)montée d'adrénaline après la folie furieuse des soirées des fêtes. Zina, le prétexte idéal pour se poser et reposer son portefeuille après un lourd mois de décembre où nuit et jour n'ont fait qu'un. Zina ou l'occasion de retrouver les saveurs simples de ces soirs à ne rien faire, en solitaire et surtout ensemble.

À la lecture des sites météo et autres applications qui annonçaient unanimement de la neige à Beyrouth, on a commencé par troquer la paire de stilettos achetées la semaine dernière par, au mieux, des UGGS et, au pire, des pantoufles en microfibres volées aux Four Seasons. On s'est ensuite procuré Télé 7 jours en espérant que le dish ne nous jouera pas de mauvais tours. Avec un marqueur jaune, on a souligné les programmes TV à ne pas manquer. Une rétrospective Truffaut sur Arte, les prédictions astrologiques de Maguy Farah ou, dans un registre plus léger, les premiers épisodes doublés en dialecte TF1 de l'addictive série How to Get Away with Murder. Sauf que mercredi, après qu'ils ont flingué Charlie, notre Charlie, le Charlie de tous, à défaut de trouver les mots pour décrire la lâcheté, la saloperie, la folie des assassins, on s'est retrouvé l'appétit coupé et le ventre noué, zappant entre Canal + et France 2.


(Lire aussi : Zina partie, place au froid et au verglas ; amélioration prévue aujourd'hui)


Dans un registre plus gai, l'Épiphanie tombait mardi dernier. Et qui dit Épiphanie dit réunion en famille ou entre copains ; à une, deux puis trois reprises, pour une dégustation des galettes de la ville puis l'élection de la meilleure d'entre toutes. Le plus jeune de la fratrie s'est donc caché sous la table, comme le veut le rituel, et a distribué les morceaux de frangipane aux amandes avant que le roi et la reine ne s'étouffent avec une fève en porcelaine ou made in China, couronnes clouées sur la tête. Ensuite, toute cette petite famille (de sang ou de cœur) s'est installée autour de la sobya ou de la table en bois de cèdre ; s'est tue, interpellée par le bruit violent du vent, comme si une soucoupe volante venait de se poser dans les rues de Beyrouth. Entre deux coups de tonnerre et deux coupures de courant, on a quand même réussi à placer deux séries de valets et d'as au quatorze, malgré la lenteur du cousin français débutant, qui aurait préféré, lui, jouer au pouilleux massacreur. On ne connaissait pas.

On (ré)apprend à discuter, à couper le son et s'entendre rigoler. Rigoler, beaucoup rigoler. On prend plaisir à remplacer le gin ou la vodka par un bon vin rouge ou une infusion anis/cannelle/piment. On revoit la vidéo du passage de Deneuve et Ardant en duel aux infos de France 2 chez Pujadas, malgré le wi-fi qui n'en fait qu'à sa tête. On apprend que demain les écoles seront fermées, et on autorise le petit à rester avec nous. D'ailleurs, les générations se confondent, se mélangent. On partage nos souvenirs d'hiver, nos souvenirs tout court, qu'importent leurs dates et leurs époques. On oublie ce qui se passe ailleurs, on est en plein Joy of Missing Out (JOMO). On se prête des bouquins, on s'échange des films, on se recommande des séries. On traîne un peu sur Facebook et Instagram, on commente des statuts et des photos. Et au moment de partir, lorsqu'on se rend compte qu'il pleut trop fort et que les routes vers chez nous sont probablement bloquées par la neige et la grêle, on décide de transformer cette soirée en pyjama party, et dormir ensemble, comme à l'époque des classes de neige. En pensant quand même à ceux qui, cette nuit, dorment dehors.

 

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