Cette semaine a été marquante pour la Russie. L'effondrement du rouble a fait ressurgir le mauvais souvenir de la crise économique du pays de 1998, bien que le contexte soit différent. Le président Vladimir Poutine a donné avant-hier jeudi sa conférence traditionnelle de fin d'année, durant laquelle il est resté fermement campé sur ses positions concernant notamment la crise ukrainienne et l'Occident, avant de promettre une sortie de crise d'ici à deux ans pour son pays, qui ploie sous le poids des sanctions occidentales. Il semble que la position de la Russie, à court terme en tout cas, soit sérieusement secouée, sinon menacée. L'Orient-Le Jour a demandé à Tatiana Kastoueva-Jean, chercheuse à l'Institut français des relations internationales (Ifri) et spécialiste de la question, de décrypter un avenir proche incertain.
Au cours de sa conférence de presse jeudi, avec un début de semaine très dur pour le rouble, Vladimir Poutine a promis une sortie de la crise économique dans deux ans, sans toutefois donner de détails. Quelles pourraient être les cartes qu'il a en main ?
Le problème, déjà, c'est qu'il y a en Russie une crise réelle, majeure, et un président qui reste flou sur de possibles solutions tout en l'expliquant par des facteurs externes au pays. Et ce dernier ne va pas remonter la pente du jour au lendemain. Il y a bien entendu des réserves de sécurité, de stabilité, et de bien-être, et la dette de l'État est relativement faible (10 % à peu près), ce qui n'était pas le cas lors de la crise de 1998. En revanche, la dette des entreprises est, elle, très élevée, sans oublier l'impact des sanctions internationales qui affectent le pays. Il y a donc un besoin pressant de devises et de liquidités. En outre, le prix du pétrole est en baisse, alors que le budget russe dépend à 52 % des exportations énergétiques.
Ce contexte fait en sorte qu'il y a un manque de confiance de la part des investisseurs, mais cela avait commencé bien avant la crise actuelle, ou même la crise ukrainienne. Et Poutine ne semble pas avoir de plan précis ; il semblerait qu'il compte sur la reprise de l'économie mondiale. Nous assistons à la mort de l'émergence russe, prônée depuis des années.
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Un changement d'attitude, du reste très improbable, de Poutine sur l'Ukraine est-il néanmoins possible ?
Il n'y a rien qui laisse présager un changement profond à l'égard de l'Ukraine. On l'a vu lors de la conférence jeudi, lorsque Poutine a réaffirmé que la Russie a raison, et l'Occident a tort. En cas de changement, il est certain que les objectifs russes resteront fondamentalement les mêmes, à savoir continuer d'influencer l'agenda politique interne de Kiev. De même, le Kremlin continuera à déstabiliser les régions séparatistes de l'Est ukrainien, jusqu'à arriver à une fédéralisation des régions russophones.
Les pourparlers de paix pour régler la crise ukrainienne auront-ils un résultat quelconque, malgré les violations quotidiennes de la « trêve » ? Entre-t-on dans une sorte de « proche-orientalisation » du conflit et de son règlement ?
C'est difficile de prédire un scénario. Une option possible serait la fédéralisation. Mais les conditions de négociations sont très difficiles. Pour Kiev, les séparatistes sont des terroristes. Les régions séparatistes sont à présent quasiment coupées du reste du pays ; le gouvernement a en outre interrompu le versement des salaires et des retraites. Mais il continue en revanche d'approvisionner la région en gaz et énergie. Le fait de s'asseoir à la même table que les séparatistes, qui veulent une indépendance qui ne leur sera peut-être jamais accordée, reste tout de même difficile pour le gouvernement ukrainien. La Russie n'arrange pas les choses ; elle prétend ne pas intervenir tout en voulant être impliquée. Rien n'est joué, donc, mais il y a une toute petite lueur d'espoir que la situation s'arrange.
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La crise ukrainienne a contribué à l'isolement progressif diplomatique de la Russie sur la scène internationale. Le rapprochement américano-cubain va-t-il aggraver cette situation ?
Ce n'est pas forcément un jeu à somme nulle, dans le sens où ce qui est gagné par l'un n'est pas perdu par l'autre. Les relations entre Moscou et Cuba peuvent très bien demeurer ce qu'elles sont actuellement. Par contre, il y a certainement un regain de guerre froide à l'Est du globe, tandis qu'à l'Ouest, d'anciens murs tombent. La Russie est donc un peu plus isolée encore dans le monde actuel.
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commentaires (7)
DOMMAGE ! CAR LE MONDE A BESOIN DE PLUS D'UNE SUPER PUISSANCE... QUI... SEULE...EST ENCLINTE À L'INIQUITÉ !
LA LIBRE EXPRESSION
17 h 10, le 22 décembre 2014