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Moyen Orient et Monde - Russie

Poutine se pose en tsar du XIXe siècle, en chantre de l’anti-impérialisme

Imperturbable malgré les nombreux dossiers chauds qu'il doit gérer actuellement, le président russe a tenu à rassurer sa population durant sa conférence de presse annuelle de fin d'année hier.

Maxim Zmeyev/Reuters Devant un millier de journalistes locaux et étrangers, le président russe Vladimir Poutine a joué à fond son meilleur rôle : tsar du XIXe siècle, chantre de l’anti-impérialisme, à coups d’autoritarisme, de sang-froid, détermination, chauvinisme, critique de « l’empire occidental », défense des valeurs religieuses et rappel, quand cela l’arrange, des règles du droit international. Le tout en distillant quelques détails sympathiques sur sa vie privée et en rassurant, envers et contre tout, sa population.

Vladimir Poutine est un homme de sang-froid. Capable de faire graviter autour de sa seule personne des dizaines de problématiques mondiales impliquant des données évolutives et complexes. Comme s'il adorait se positionner comme le centre du monde, comme l'objet de tous les regards. Comme s'il sautait sur une nouvelle occasion de profiter de ces moments de vives tensions et de profondes incertitudes pour prouver, à son peuple avant tout, au monde entier par la suite, sa détermination et sa maîtrise des événements.
Une nouvelle fois, hier, au cours de sa conférence de presse rituelle de fin d'année, devant un millier de journalistes russes et étrangers, l'homme fort du Kremlin se montrait flegmatique, quasiment imperturbable.

Malgré l'Ukraine, la Syrie, les critiques occidentales, les sanctions européennes, le rapprochement USA-Cuba, et surtout malgré la chute vertigineuse du rouble, M. Poutine récitait calmement sa partition, en parsemant, de façon calculée, un zest d'antioccidentalisme par-ci, un zest de chauvinisme par-là, le tout accompagné par quelques anecdotes bien placées qui n'ont pas manqué de séduire son public. Une scène d'autant plus surréaliste que, loin d'avancer des propositions concrètes visant à relancer l'économie russe et à la rendre moins dépendante de son secteur énergétique, l'ancien agent du KGB s'est contenté de vagues discours, promettant une sortie de crise d'ici à deux ans, et donnant l'impression que de toute façon, il ne pouvait en être autrement. En fait, Vladimir Poutine apparaît tellement convaincu de sa destinée et de celle de son pays que cela en devient presque fascinant.
Hier, il savait que ses propos seraient repris et commentés en détail par l'ensemble de la presse mondiale, mais il semble bien que pour lui l'important était ailleurs. Son discours, divisé entre un volet économique et un volet politique, avait probablement deux grands objectifs. Un : rassurer sa population après les journées noires de lundi et de mardi. Deux : défendre une nouvelle fois sa vision des relations internationales.

 

(Commentaire : Les principes d'attraction de Poutine)

 

La force du peuple
Au contraire de ses « partenaires occidentaux », comme il les appelle, le président russe peut s'appuyer sur une popularité difficilement contestable, mais aussi difficilement contestée, à l'intérieur de ses frontières. Afin de l'affaiblir et de créer un sentiment de contestation populaire, les États-Unis et l'Europe ont misé sur le poids des sanctions, cherchant certainement à rejouer l'épisode de l'implosion soviétique. Et, coïncidence politique diront les plus candides, il a fallu que le durcissement de ces sanctions intervienne au même moment que la chute des prix du pétrole, dont l'économie russe dépend très largement. Résultat logique et immédiat, le rouble perd une partie de sa valeur, réduisant ainsi le pouvoir d'achat des citoyens russes et mettant en avant le sérieux risque d'un effondrement de l'économie. Mais la stratégie occidentale comporte de nombreuses limites. En effet, le contexte d'interdépendance économique mondiale, ajouté au fait que la Russie a un très faible taux d'endettement et peut s'appuyer sur des réserves estimées à 450 milliards de dollars, remet sérieusement en doute l'idée d'un effondrement de l'économie russe, au moins à court et moyen terme.
Aussi, M. Poutine se voulait rassurant parce qu'il sait qu'il possède encore de sérieux atouts et qu'il est urgent, dans l'immédiat, de rassurer la population et surtout les investisseurs. De leur côté, les Occidentaux peuvent sérieusement craindre, exemples à l'appui, que les sanctions n'aient pas les effets escomptés et qu'ils n'aboutissent en fin de compte qu'au durcissement de la position russe en exacerbant son nationalisme et sa défiance envers la politique occidentale.

 

(Lire aussi : L'UE accentue encore la pression sur Moscou)

 

Sentiment d'humiliation
Vladimir Poutine n'est pas le chantre de l'antimondialisation, ni le porte-parole du tiers-monde. Lorsqu'il décrit l'Occident comme un « empire », il vise, avant toute chose, à protéger les intérêts de la Russie dans son espace d'influence. Car ce que les Russes ne peuvent plus supporter, c'est ce sentiment d'humiliation et d'encerclement par rapport à l'Occident depuis la fin de la guerre froide. M. Poutine l'a parfaitement compris et s'en sert allègrement, quitte à réduire son partenariat avec son voisin historique, l'Europe, au profit de l'extrême Asie. En témoigne l'annonce, il y a quelques semaines, de l'abandon du projet de gazoduc South Stream.
Le président russe défend une autre vision des relations internationales, profitant non seulement des carences et des nombreuses contradictions de la politique occidentale, mais aussi d'une propagande aux mécanismes bien huilés. Caricaturée comme un retour à la guerre froide, probablement par facilité d'analyse, cette nouvelle confrontation apparaît plutôt comme un profond désaccord sur les valeurs sociétales et sur les rapports de l'État à la mondialisation. Car loin d'être un héritier de l'URSS, encore plus loin d'être le « nouveau Hitler » comme l'avait désigné Hilary Clinton, Vladimir Poutine apparaît plutôt comme un homme du XIXe siècle : croyant, fier, nationaliste, romantique et belliciste. Et ce dernier se sert constamment de la diabolisation avec laquelle il est représenté, sans doute à tort, dans les médias occidentaux, pour se présenter comme le porte-parole de l'autre voie.
Pourtant, et malgré les discours provocants des deux parties, le principal ennemi désigné par la Russie actuellement est le même que la coalition combat en Irak et en Syrie : à savoir l'islam radical. Pas une nouvelle guerre froide donc, mais plutôt un bref aperçu d'un contrepoids politique plutôt sain pour l'équilibre général des relations internationales.

 

 

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commentaires (5)

TSAR ET CHANTRE ANTI IMPÉRIALISTE... çA NE VAS PAS !

LA LIBRE EXPRESSION

13 h 10, le 19 décembre 2014

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Commentaires (5)

  • TSAR ET CHANTRE ANTI IMPÉRIALISTE... çA NE VAS PAS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 10, le 19 décembre 2014

  • Il a bien raison ...! après les tribulations incertaines et hasardeuses de Bush père et fils au moyen orient...un contrepoids est nécessaire ...pour stopper les fadaises géo-orientales Made In USA...

    M.V.

    12 h 22, le 19 décembre 2014

  • Ils avaient v(e)anté le "génie du KGBiste nain Poutine dont ils étaient fous. Mais, désormais, ils le vouent aux gémonies et ils réclameront du sang surtout ! Pas celui du gnome, tout de même, mais peut-être celui de ses nabots suivistes. Car ses nains poutiniens, ils les imaginent déjà dépiautés de frais et ruisselants d’hémoglobine à peine givrée. Détrempant, éclaboussant les premiers de leurs rangs petits-russes. Leurs vibrisses, électrifiées par la fureur, se dressant vers leur "Mongolie" sis extrême-Sibérie. Ce sera magnifique ! Pas de quoi étonner le nain, qui fera malgré tout remarquer "qu’il y a toujours un moment dans la vie où les gens s’aperçoivent qu’ils m’adorent quand même." ! Et il n’est pas certain que la formule rituelle dont use, comme l’autre, le KGBiste nain Poutinien lorsqu’il traverse quelque turbulence ; "ça m’en touche une sans faire bouger l’autre !" ; sera encore opportune lorsque la population Saine Grand- Russe signifiera à ce "tsarévitch" de pacotille son éviction prochaine certaine. Il est vrai que le mot éviction apparaît comme accablant, alors qu’il ne fait référence qu’à un délit presque anodin, du moins si l’on se projette dans la déliquescence navrante du politique qui prévaut dans ce genre de milieu gnome, nabot et nain. Mais c’est précisément cette indulgence pour les prévarications, ce complaisant abaissement de la norme qui fait problème. Surtout quand sont mis en cause de soi-disant Grands-Russes poutiniens nains pareils.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    12 h 21, le 19 décembre 2014

  • Un petit tsar grotesque et ridicule aux gaffes irréparables sur le plan de la politique extérieure, et qui ne sait pas ce qu'il dit. Son "principal ennemi est l'islam radical" ? Et qu'est-ce qu'il a fait en Syrie par son soutien à la fois inconditionnel, aveugle, bête et même fou à la dictature la plus inimaginablement sanguinaire et honnie par le peuple syrien ? Sa sotte politique, conjuguée, il est vrai, à celle, fanatique et aveugle, de l'Iran, au salut et au cynisme de cette dictature, aussi bien qu'à la lâcheté et la vision courte d'Obama, a enfanté Daech et al-Nosra, qui incarnent l'islam le plus "radical", le plus terroriste et le plus criminel de l'histoire. L'histoire le dira, à mon humble avis : par ce biais, Poutine a indirectement une responsabilité immense et historique dans le génocide commis par Deach contre les chrétiens de Syrie et d l'Irak.

    Halim Abou Chacra

    06 h 27, le 19 décembre 2014

  • Merci pour ce commentaire , Analyse pertinente et plus que plausible. Dimitri Trad

    TRAD Dimitri

    05 h 26, le 19 décembre 2014

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