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À La Une - Santé

La France rouvre à pas feutrés le débat sensible sur l'euthanasie

Pour la première fois, "une sédation profonde et terminale jusqu'au décès" des malades en phase terminale sera envisagée.

Selon deux sondages récents, neuf Français sur dix se disent favorables à l'euthanasie pour les personnes en état végétatif ou souffrant de "maladies insupportables et incurables". FRED DUFOUR/AFP/Getty Images files

La France rouvre à pas feutrés le débat sur l'euthanasie, à la faveur de propositions pour une nouvelle loi améliorant la prise en compte des souhaits des patients "en fin de vie" sans aller jusqu'au suicide assisté, susceptible de rallumer une nouvelle querelle sociétale. Le président socialiste François Hollande doit se prononcer vendredi sur des avancées pesées au trébuchet, proposées par deux députés, l'un de la majorité de gauche, l'autre de l'opposition de droite (UMP).

 

Parmi les mesures préconisées, appelées à être traduites dans une nouvelle loi au printemps 2015, devrait figurer l'obligation pour les médecins de se plier à un refus d'acharnement thérapeutique exprimé d'avance par un patient, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Pour la première fois, "une sédation profonde et terminale jusqu'au décès" des malades en phase terminale sera aussi envisagée.

M. Hollande, dont l'une des promesses de campagne en 2012 portait sur une "assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité", a défendu depuis la nécessité d'un "consensus" pour améliorer la législation sur la fin de vie en vigueur depuis 2005.

Cette loi dite Leonetti, du nom du médecin et député UMP Jean Leonetti, co-auteur avec son collègue socialiste Alain Claeys des propositions présentées vendredi, permet d'administrer des antidouleurs dans certains cas précis au point d'"abréger la vie". Mais elle reste mal comprise et mal appliquée par les médecins.

Le sujet est doublement sensible pour M. Hollande. Humainement : le président a justifié le mois dernier son désir d'avancer en évoquant le cas de sa mère, décédée il y a quelques années et qui a eu "une fin de vie extrêmement rude".

 

(Dossier : L'euthanasie, crime ou droit de mourir dans la dignité ?)

 

Politiquement plus encore : selon deux sondages récents, neuf Français sur dix se disent favorables à l'euthanasie pour les personnes en état végétatif ou souffrant de "maladies insupportables et incurables", mais le Comité national consultatif d'éthique, chargé d'éclairer les dirigeants du pays sur les grandes questions morales, a fait état au contraire fin octobre d'un "profond clivage" dans la société sur cette question comme sur l'assistance au suicide.
De quoi inciter à la prudence François Hollande, dont la grande réforme de société, le mariage homosexuel légalisé en mai 2013, continue d'être contestée par les milieux catholiques conservateurs et une partie de la droite, avec l'appui de l'ancien président Nicolas Sarkozy. "Après le +mariage pour tous+, il ne fera pas le +suicide pour tous+", a résumé ces derniers jours un fidèle du chef de l'Etat cité par le quotidien conservateur Le Figaro.

Sous le hashtag "#NonAUneLoiLeonettiDeGauche", l'Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), pro-euthanasie, mène campagne sur les réseaux sociaux "pour exiger que François Hollande tienne son engagement" de 2012.

 


Des cas douloureux

Le président socialiste de l'Assemblée nationale Claude Bartolone, a plaidé fin novembre en faveur d'une légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté pour les personnes majeures, incurables, inconscientes ou en phase terminale, qui en auraient d'avance "exprimé le souhait par écrit".

A l'opposé, des associations proches du mouvement de la Manif pour tous (MPT), qui a conduit la bataille contre le mariage homosexuel, se sont rassemblées sous le sigle "Soulager mais pas tuer". Leur pétition en ligne "contre la menace de l'euthanasie" revendiquait près de 23 000 signatures jeudi.

 

(Pour mémoire : Euthanasie : un manifeste relance le débat en France)

 

Deux affaires très médiatisées ont réveillé simultanément en juin la question de l'euthanasie en France: l'acquittement de Nicolas Bonnemaison, médecin urgentiste jugé pour avoir abrégé la vie de sept patients en phase terminale, et le douloureux cas de Vincent Lambert.

Le sort de ce tétraplégique de 38 ans, en état végétatif depuis six ans, déchire sa famille. A la demande de ses parents mais contre l'avis de son épouse et ses médecins, la Cour européenne des droits de l'Homme a ordonné son maintien en vie, en attendant de se prononcer sur le fond l'an prochain.

L'euthanasie n'est formellement légale en Europe que dans trois pays (Pays-Bas, Belgique, Luxembourg), mais d'autres pays autorisent ou tolèrent une forme d'aide à la mort, notamment la Suisse, un des rares pays à avoir légalisé le suicide assisté (la personne prend elle-même la dose mortelle).

 

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