Le député Marwan Hamadé a poursuivi hier son témoignage, devant la chambre de première instance du Tribunal spécial pour le Liban, sur les motifs politiques de l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri. Le député est revenu sur les étapes politiques déterminantes des derniers mois ayant précédé cet assassinat : le positionnement de Rafic Hariri contre la présence syrienne ne se prêtait alors plus à aucune réserve.
« Le président Rafic Hariri pariait en 2004 sur un gouvernement d'union nationale neutre, capable de rétablir l'équilibre au sein du système libanais et de barrer la route au régime syrien. Il a poursuivi ses efforts dans ce sens jusqu'à la mi-octobre... C'est alors que les événements ont commencé à s'accélérer », a déclaré le député.
Indiquant que « la Syrie était au courant des efforts de Rafic Hariri pour former un gouvernement d'union nationale », le député a précisé que « la Syrie a dressé des obstacles à la formation de ce gouvernement qui ne rejoint ni ses buts ni ceux de ses instruments au Liban ». « Toutes les listes (de noms, NDLR) présentées par le président Rafic Hariri ont reçu des remarques visant à entraver la formation du cabinet qu'il escomptait. Les événements ont ainsi progressé jusqu'à la troisième semaine d'octobre – et là, je ne fais que décrire historiquement les événements (étant à ce moment en phase de rétablissement de sa tentative d'assassinat, NDLR). Le 20 octobre, le président Rafic Hariri a été notifié qu'il n'est plus question de former un gouvernement et qu'il doit présenter sa démission dans les prochaines heures. » « Le matin du 20 octobre 2004, il a été notifié de la nécessité de démissionner », a-t-il encore affirmé.
Sorti du pouvoir, Rafic Hariri était pourtant « certain de sa victoire aux législatives de 2005 (...) et refusait de commettre la même erreur qu'en 2000, lorsqu'il avait accepté d'inclure sur sa liste des noms exigés par les Syriens, qu'on qualifiait d'ailleurs de dépôts syriens ».
Dès la fin d'octobre 2004, il intégrait le Rassemblement du Bristol, coordonnant ses démarches avec le député Walid Joumblatt. L'élaboration d'une loi électorale nouvelle, sujet de débat à l'hémicycle, était au cœur de cette coordination. Les deux hommes « s'échangeaient des visites régulières et se donnaient rendez-vous chaque dimanche soir à Koreitem ». Parmi les photos présentées hier, comme éléments de preuve, des réunions du Bristol, Marwan Hamadé s'est attardé sur une photo montrant une réunion élargie de la Rencontre démocratique, à laquelle prenaient part « trois députés du Futur, très proches de Rafic Hariri : Antoine Andraos, Mohammad Hajjar et Bassem Sabeh, ainsi qu'un député Kataëb, souriant, qui sera l'une des victimes des assassinats qui allaient s'ensuivre ». Une autre photo montre le député Walid Joumblatt, accompagné par Marwan Hamadé, en visite chez Rafic Hariri dans le cadre de leurs réunions dominicales.
La dernière réunion Hariri-Joumblatt avait eu lieu à la veille de la réunion parlementaire du 14 février. « Ce soir du 13 février 2004, le ministre Bassel Fleyhane, qui sera tué avec Rafic Hariri, avait annulé un voyage prévu à Genève, où il devait retrouver son épouse, pour la Saint-Valentin, afin de transmettre directement à Rafic Hariri des nouvelles inquiétantes sur sa sécurité. » Celles-ci ont fait suite à des mises en garde de même nature, faisant l'objet d'un « message transmis une semaine plus tôt par Terje Roed-Larsen de la part de Bachar el-Assad à Rafic Hariri ».
« Le président Hariri prenait ces menaces au sérieux mais estimait qu'ils n'oseraient pas perpétrer un acte dangereux qui les dépasse. Il pensait qu'il avait acquis une immunité grâce à son envergure arabe et internationale », a-t-il poursuivi. Il a indiqué que « Rafic Hariri ne nous informait pas de toutes les menaces qu'il recevait » et rapporté « les conseils que lui adressaient continuellement Walid Joumblatt de faire attention »...
Jusqu'à l'assassinat de Rafic Hariri, le camp syrien s'attelait à élaborer de nouvelles « blagues », selon l'expression de Marwan Hamadé.
Parmi ces « blagues », la visite à Beyrouth de Walid Moallem, alors vice-ministre syrien des Affaires étrangères, qui déclarait que « Damas ne s'ingère pas dans les affaires libanaises et se pose à égale distance de toutes les composantes du pays ».
Marwan Hamadé a également fustigé le comité militaire libano-syrien, qui « incarnait les intentions les plus dangereuses du régime syrien à l'égard du Liban en substituant les militaires aux politiques ». Selon lui, « la problématique des relations libano-syriennes a pris forme en 2000, après le retrait des troupes israéliennes ». La problématique était celle de la délimitation des frontières autour des fermes de Chebaa et sur le mécanisme de remise des armes détenues par les milices. Le président Hariri envisageait ce désarmement « par le dialogue » et œuvrait en 2004, avec Walid Joumblatt, pour « un apaisement » à ce niveau.
Enfin, le témoignage fourni hier par Marwan Hamadé sur sa tentative d'assassinat le 1er octobre 2004 a voulu démontrer les failles de l'enquête qui y a fait suite : « La confiscation par les services de renseignements syriens d'éléments dont disposaient les enquêteurs, selon des révélations qui m'avaient été faites par l'ancien ministre Élias Murr ; l'appel téléphonique de Rustom Ghazalé au général Marwan Zein, alors directeur des Forces de sécurité intérieure, insistant sur l'inutilité de l'enquête, la tentative d'assassinat étant, selon lui, soit l'œuvre des Israéliens, soit celle de Hamadé lui-même ; et enfin, des informations selon lesquelles la plaque d'immatriculation falsifiée retrouvée sur le site de l'attentat avait été fabriquée en banlieue sud... »
Aujourd'hui, le TSL répondra à la demande de l'accusation d'entendre le témoignage de Walid Joumblatt.
Liban - TSL
Hamadé : Terje Roed-Larsen a transmis des mises en garde de Assad à Rafic Hariri
La convocation de Walid Joumblatt comme témoin à La Haye sera décidée aujourd'hui.
OLJ / le 09 décembre 2014 à 00h00
Merci encore, Monsieur Marwan Hamade....
14 h 52, le 09 décembre 2014