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À La Une - Communication

Sur les réseaux sociaux, la propagande de l'EI évolue

Mi-septembre, un document officiel portant le tampon de l'Etat islamique a été diffusé en interne, qui demandait aux combattants de ne plus filmer ou photographier avec leur téléphone.

Une image tirée d'une vidéo postée par Aamaq News Agency, une chaîne YouTube postant des vidéos issues des régions contrôlées par le groupe Etat islamique. Cette image montrerait un combattant de l'EI à Kobané, ville syrienne kurde à la frontière syro-turque. AFP PHOTO / HO / Aamaq NEWS AGENCY

Des vidéos sur le web aux publications de ses combattants sur les réseaux sociaux, la propagande du groupe Etat islamique (EI) tend à évoluer pour prévenir la fuite d'informations stratégiques tout en voulant préserver son impact, notamment dans les médias.

 

Experts et journalistes s'accordent à voir un tournant dans la communication des jihadistes depuis leur offensive sur la ville kurde syrienne de Kobané, proche de la frontière turque, et l'engagement de la coalition internationale contre l'organisation.

Après avoir beaucoup utilisé les réseaux sociaux et plateformes internet pour vanter ses actions, l'EI semble avoir réalisé que les images diffusées par ses combattants pouvaient être à double tranchant, en permettant aux services secrets d'identifier ses forces et leur implantation. "Les réseaux sociaux ont beaucoup aidé au recrutement", relève le politologue germano-égyptien Abdelasiem El Difraoui, qui souligne la présence dans les rangs de l'organisation de nombreux Occidentaux "qui sont des +digital natives+ (nés avec internet) et donc très à l'aise avec ces outils". "Mais dès que ça a mis en danger la sécurité opérationnelle, ils ont resserré les boulons", note ce docteur en sciences politiques, auteur de "el-Qaëda par l'image" et "Carnets égyptiens".

 

Une image tirée d'une vidéo postée sur la chaîne youTube Aamaq News. Elle montrerait un combattant à Kobané. AFP PHOTO / HO / Aamaq NEWS

 

"Avant l'intervention de la coalition, il y avait une incitation à publier des photos (sur les réseaux sociaux). La consigne était +montrez une image positive de nous+ pour pousser à l'immigration et faciliter le recrutement", abonde David Thomson, journaliste à Radio France internationale (RFI) et auteur du livre "Les Français jihadistes". Désormais, le ton a changé, selon ce bon connaisseur du dossier. "Au début de l'offensive, mi-septembre, un document officiel d'une page qui porte le tampon de l'EI a été diffusé en interne. Il demande aux combattants de ne plus filmer ou photographier avec leur téléphone". La consigne, relève-t-il toutefois, "est appliquée avec une rigueur variable". Même s'ils font attention, ça n'empêche certains de poster des photos ou des selfies", note-t-il.

 

"Différents canaux de communication"

Le changement est également notable dans les vidéos diffusées en direction des médias.
"Depuis le début, par rapport à ce qu'on pouvait voir sur la Syrie, on ressent que les jihadistes évoluent dans leur façon de communiquer. Ils s'adaptent aux besoins des médias", constate Henry Bouvier, adjoint vidéo à la rédaction en chef de l'Agence France-Presse.

Les zones contrôlées par l'EI étant inaccessibles aux journalistes, il arrive que l'AFP reprenne, après un examen approfondi, certaines images tournées et mises en ligne par l'EI et les organisations affiliées, pour les transmettre aux autres médias.

 

Une autre image tirée d'une vidéo de Aamaq News Agency, censée elle aussi montrer des combattants de l'EI à Kobané. AFP PHOTO / HO / Aamaq NEWS AGENCY

 

A côté des vidéos de décapitation de journalistes et d'humanitaires occidentaux destinées à semer la terreur - que la plupart des médias, dont l'AFP, refusent de relayer -, celles diffusées par le groupe sur les combats à Kobané répondent plus aux codes du reportage. Destinées aux médias occidentaux, ces images sont diffusées notamment sur la chaîne YouTube Aamaq News, proche de l'EI. "Ils ont bien conscience que pour être repris, ils doivent respecter un certain nombre de codes", relève Henry Bouvier. "De plus en plus, quand ils le peuvent, ils montrent des plaques d'immatriculation ou des lieux identifiables, comme, récemment, le centre culturel de Kobané" pour permettre d'authentifier les images, note-t-il. "Ils tournent des images en style TV, sans musique, ni effets spéciaux. Même dans la manière de présenter les gens ou de parler, ils sont plus neutres et plus journalistiques", ajoute-t-il.

Directrice de l'information du groupe audiovisuel français Canal+, Céline Pigalle constatait récemment que les images de l'EI étaient "produites par une agence spécialement dédiée" avec "un grand professionnalisme".


Si ces vidéos se veulent informatives, d'autres films, destinés eux à la propagande, adoptent les codes cinématographiques d'Hollywood ou des jeux vidéo : ralentis, musique et effets visuels glorifient les entraînements ou les combats de l'EI.

"L'Etat islamique a différents canaux de communication : un interne avec un cryptage auquel il est très difficile d'accéder, un destiné à l'Occident, un pour les populations qui sont sous son contrôle", rappelle Abdelasiem El Difraoui.

 

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