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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Pourquoi le Yémen reste l’effrayant reflet des enjeux régionaux présents et à venir...

Quel est le rôle de l'Iran dans l'avancée actuelle des houthis ? Quelles sont les revendications de ce mouvement ? Quels sont les autres acteurs intéressés dans l'évolution de cette situation ?

Une manifestation populaire contre l’occupation des houthis à Sanaa. Mohammad Huwais/AFP

À bien des égards l'évolution actuelle de la situation politique au Yémen est à la fois intéressante et inquiétante dans la compréhension des enjeux régionaux présents et à venir. Intéressante parce qu'elle représente un cas assez atypique depuis que les houthis, appartenant à la minorité zaydite, une branche du chiisme, se sont emparés de la capitale Sanaa dans un pays à majorité sunnite chaféite. Intéressante aussi parce qu'elle soulève les subtiles imbrications entre les stratégies tribales, locales et régionales dans l'implication de chacun des acteurs. Intéressante enfin parce qu'elle met en scène la confrontation doctrinale et militaire entre deux types d'islamisme, l'un sunnite et l'autre chiite. Et inquiétante parce que l'exacerbation communautaire se traduit par des actes d'extrêmes violences, et parce que les attentats-suicide, aussi terrorisants qu'anarchisants, sont devenus le lot quotidien de la population.


Comment expliquer une telle dégradation dans un pays qui avait pourtant entamé une logique de transition politique et de dialogue national après l'écartement de l'ancien président, ayant régné pendant 33 ans, Ali Abdallah Saleh ? Alors que la plupart des analystes mettent en avant le rôle de l'Iran, qui chercherait à équilibrer ses relations avec l'Arabie saoudite en réaction à l'avancée des jihadistes de l'État islamique sur le territoire de son allié irakien, il semble que la situation soit plus complexe et nécessite d'impliquer d'autres variables comme clés de lecture. Interrogé par L'Orient-Le Jour, Sami Dorlian, enseignant à l'Inalco et spécialiste du Yémen, livre une analyse minutieuse des causes, des enjeux et des conséquences des troubles qui agitent actuellement le pays. Il souligne, en premier lieu, que si les houthis occupent effectivement la capitale depuis le 21 septembre dernier, ils n'en ont pas pris pour autant le pouvoir. Cette avancée fulgurante s'est réalisée en plusieurs étapes qui doivent être rappelées selon l'auteur. Elle est d'abord le résultat de la scission de l'armée en 2011 sur fond de luttes politiques entre Ali Mohsen et Ali Abdallah Saleh, et de la décision de quitter la région de Saada, bastion des houthis, qui en a résulté. « À partir de là, les houthis ont pu contrôler la région. Ils sont passés d'une situation d'opprimés à une situation d'oppresseurs », analyse l'auteur de La mouvance zaydite dans le Yémen contemporain – Une modernisation avortée. Cette avancée répond ensuite à au moins deux impératifs pour les houthis : obtenir un accès à la mer Rouge, et surtout se positionner comme un acteur important au moment des négociations pour la formation du nouveau gouvernement.

 

La manœuvre de Saleh
Au-delà de ces données, l'avancée des houthis doit être surtout perçue comme une manœuvre de l'ancien président Ali Abdallah Saleh pour revenir sur la scène politique. « Il apparaît impossible que les houthis soient rentrés dans la capitale sans une contribution implicite et stratégique des réseaux, abondants, de l'ancien président Ali Abdallah Saleh », précise l'auteur. « M. Saleh, né zaydite mais ayant incarné pendant des décennies la sunnitisation du zaydisme, n'a cessé d'instrumentaliser les clivages identitaires au profit de ses intérêts politiques », ajoute encore M. Dorlian. L'ancien président n'aurait donc pas digéré sa mise à l'écart et miserait sur la perspective du chaos pour effectuer son retour. « Il pense que la confrontation entre el-Qaëda et les houthis accouchera d'une situation de désordre qui favorisera son retour au pouvoir en délégitimant le nouveau président Abd Rabo Mansour Hadi. Il ne pourra probablement pas redevenir président, mais il cherchera à occuper une place d'importance », argumente le chercheur.

 

(Lire aussi : L’affrontement entre houthis et el-Qaëda se rapproche)


Concernant l'implication des deux puissances rivales, l'Arabie saoudite et l'Iran, M. Dorlian reste assez prudent. « Le lien géopolitique qui unit l'Iran aux houthis est devenu une évidence au fil du temps, mais au plan doctrinal, les houthis restent très attachés à leur autonomie », explique-t-il. Quant à l'Arabie saoudite, « son inquiétude première est de monopoliser la scène sunnite et d'écarter les acteurs concurrents (Frères musulmans et jihadistes). De ce fait, la présence d'el-Qaëda apparaît au moins tout aussi menaçante que celle des houthis à ses yeux », note encore M. Dorlian.


L'élément nouveau, selon le chercheur, vient du fait qu'el-Qaëda au Yémen ne s'attaque plus seulement à des Occidentaux ou à des membres de l'armée, mais vise spécifiquement des zaydites. Cela pourrait correspondre à un recopiage du modèle de l'État islamique même s'il est encore trop tôt pour l'affirmer. Saleh cherche à ressusciter une confrontation entre les hauts plateaux zaydites et les basses terres chaféites qui ne rend plus compte de la situation depuis les années 60.


Finalement, dans ce jeu à trois entre un élément institutionnel et deux milices islamistes, dans l'implication ambiguë et intéressée des deux mastodontes du Golfe, dans l'éclatement des tensions communautaires, et dans ce cauchemar encore embryonnaire d'une nouvelle fitna, d'un choc des islamistes, dans tous ces aspects, le Yémen est une fenêtre passionnante et effrayante des enjeux régionaux présents et à venir.

 

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commentaires (3)

Le Yémen comme d'autres pays arabes quand on leur arrache leur dictateur ,le peuple redevient sauvage primitif .

Sabbagha Antoine

16 h 51, le 22 octobre 2014

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Commentaires (3)

  • Le Yémen comme d'autres pays arabes quand on leur arrache leur dictateur ,le peuple redevient sauvage primitif .

    Sabbagha Antoine

    16 h 51, le 22 octobre 2014

  • passonnante et effrayante dites-vous? c'est le monde de la terreur, un retour a l'age de la barbarie, qui risque de nous engloutir tous

    kindarji joseph

    07 h 43, le 22 octobre 2014

  • LA MAINMISE IRANIENNE SUR LE YÉMEN PAR MILICE... TOUJOURS DIVINE... INTERPOSÉE... CHANGE COMPLÈTEMENT LA DONNE DANS LA RÉGION. L'IRAN S'OCTROYANT, DANS LE JEU, UN JOCKER DE PREMIER ORDRE... BÉB EL MANDEB... POUR COMPENSER LA PERTE PLUS QUE PROBABLE DE LA SYRIE ! INDIRECTEMENT, DAESCH EN PROFITERA... ET L'ALLIAGE... ENCORE SANS BAGAGE TERRESTRE... S'Y DOTTERA ! LE JEU SERA DUR... ET LONG...

    LA LIBRE EXPRESSION

    06 h 16, le 22 octobre 2014

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