« Sans le Hezbollah, Daech serait aujourd'hui à Jounieh. » La phrase a été placée par un quotidien arabe dans la bouche du patriarche Raï. Le moment est particulièrement bien choisi. Le patriarche est absent du Liban. On peut librement le poignarder dans le dos. L'opinion est supposée avoir été émise au cours d'un entretien privé à Bkerké devant un cercle qui reste anonyme par l'une des personnes présentes. Serait-ce le patriarche ? Le flou est total. Mais la phrase conforte la stratégie de communication du Hezbollah, qui cherche depuis des mois à se positionner comme le bouclier protecteur des Libanais contre la barbarie jihadiste.
À Bkerké, les vicaires du patriarche, NN.SS. Boulos Sayah et Samir Mazloum, assurent n'avoir jamais entendu cette phrase dans la bouche du patriarche. On n'exclut pas non plus qu'il puisse s'agir d'un « ballon d'essai », histoire de prêcher le faux pour savoir le vrai. « En tout cas, il n'est pas rare d'entendre des avis comme celui-là dans les salons », assure une source ecclésiastique.
Nous y sommes. Les jugements de salon sont décoratifs. C'est du « prêt-à-penser ». Ils sont là pour remplacer la réflexion par le réflexe et la raison par la propagande.
Notre pays est au cœur d'une guerre régionale qui risque de devenir mondiale. Il est évident que le Liban court des risques. Mais est-ce bien les risques que cherchent à commercialiser ceux qui veulent nous maintenir sous le joug de leurs dogmes fondamentalistes importés de la République islamique d'Iran ?
Dans son ouvrage Le problème avec l'Occident, s'adressant à l'Occident, Charles Malek – mais qui le lit encore ? – a écrit en 1979 : « Vous pouvez gagner toutes les batailles, mais si vous perdez la bataille des idées, vous aurez perdu la guerre. Vous pouvez perdre toutes les batailles, mais si vous emportez la bataille des idées, vous aurez gagné la guerre. Ma crainte la plus profonde – et votre plus grand problème –, c'est que vous ne paraissez pas être en train de gagner la bataille des idées. » (page 462).
La bataille des idées. Voilà, sans négliger celui des armes, et nous faisons confiance à Jean Kahwagi là-dessus, le véritable aréopage où les Libanais gagneront leur guerre. Voilà aussi la profondeur à laquelle il faut nous battre et gagner. Cherchez la connaissance, fût-elle en Chine, dit un proverbe. N'allons pas si loin. Le Vatican suffira.
On apprenait hier que, profitant du synode sur la famille qui se tient en ce moment et de la présence des patriarches orientaux qui y participent, le pape a convoqué les cardinaux à un consistoire, le 20 octobre, pour parler de « la présence des chrétiens au Moyen-Orient ».
Cette belle initiative, François l'a déjà préparée en convoquant du 2 au 4 octobre au Vatican tous les nonces apostoliques de la région (Égypte, Terre sainte – Israël, Jérusalem et Palestine –, Jordanie, Irak, Iran, Liban, Syrie et Turquie). Lors de la première journée de la rencontre, le pape François a mis l'accent « sur la question du trafic d'armes qui est à la base de tant de problèmes et sur le drame humanitaire de tant de personnes ».
« Le pape a manifesté sa préoccupation pour les situations de guerre et pour le phénomène du terrorisme, pour lequel la vie de la personne n'a aucune valeur », a rapporté le porte-parole du Vatican, le P. Lombardi.
En trois jours, beaucoup de choses ont été dites, et l'espace manque ici pour les énumérer toutes. Redisant l'importance de la prière, le pape François a souhaité « des initiatives et des actions à plusieurs niveaux, afin de manifester la solidarité de toute l'Église envers les chrétiens du Moyen-Orient et d'impliquer la communauté internationale et tous les hommes de bonne volonté ».
Mgr Dominique Mamberti, secrétaire pour les Relations avec les États, a expliqué les principes de l'action du Saint-Siège, qui plaide pour rechercher la paix « à travers une solution régionale » et « au moyen du dialogue, et non par des choix unilatéraux imposés par la force ». Il a également réaffirmé la nécessité de combattre le fondamentalisme à la base du terrorisme, soulignant à ce sujet « le rôle important des responsables religieux » pour « favoriser le dialogue interreligieux ».
Pour sa part, le nonce apostolique en Israël a présenté un rapport sur le conflit israélo-palestinien, qui n'est « toujours pas résolu », alors qu'il est « central pour la stabilisation du Moyen-Orient et pour la paix dans la région ».
Le secrétaire du Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens, lui, a fait le point sur les rapports de l'Église catholique avec les autres Églises et confessions chrétiennes au Moyen-Orient.
Certes, il y a urgence militaire. Mais l'état d'urgence intellectuel n'est pas moins nécessaire. Unité de l'Église, règlement de la cause palestinienne, lutte contre tous les fondamentalismes, trafic d'armes, voilà certains des champs de réflexion et d'action où nous devons nous engager, loin des poncifs, loin de tout dogmatisme, loin de tout ce qui peut embrigader la pensée, pour gagner la bataille des idées et, grâce à elle, non seulement le Liban, mais aussi le monde arabe.
Liban - En toute liberté
État d’urgence
OLJ / Par Fady NOUN, le 08 octobre 2014 à 00h00
commentaires (7)
CORRECTION : POUR QU'IL Y AIT... ETC.. MERCI.
LA LIBRE EXPRESSION
09 h 48, le 09 octobre 2014