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Moyen Orient et Monde - Conférence

« Le monde arabe doit assumer ses responsabilités ! »

Carnegie a organisé un débat consacré à la stratégie pour combattre l'État islamique. L'occasion de revenir sur les causes du phénomène, sur les responsabilités de chacun et sur les incohérences des politiques définies pour combattre cette organisation terroriste.

De la crise irakienne à la crise syrienne, en passant par la responsabilité des pays du Golfe, par les ambiguïtés de la politique turque, par les desseins de l'Iran, par les sources de la propagation et de la radicalisation des thèses islamistes, par l'injustice fomentée par la structure des sociétés arabes et par la corruption de ses leaders, par l'enchevêtrement entre les identités nationales et les identités communautaires dans ces même sociétés, par la lâcheté de leurs politiques dans le conflit israélo-palestinien, et enfin par les faiblesses de la stratégie américaine et les incohérences de la formation des membres de la coalition internationale; pratiquement tous les sujets ont été abordé par Lina Khatib, Sarkis Naoum et Yezid Sayigh à l'occasion de la conférence organisée par l'institut Carnegie consacrée à la stratégie pour combattre l'État islamique. Face à cette menace globale, les intervenants ont développé leurs multiples problématiques et apporté des éléments de réponse qui ont enthousiasmée l'auditoire du fait de leur précision et de leur pertinence.


« Ce n'est pas une véritable stratégie », explique d'entrée de jeu Lina Khatib, directrice de l'institut Carnegie à Beyrouth. Pour argumenter son opinion, elle énonce ce qu'elle considère être les points faibles de celle-ci : l'absence d'unité tant au niveau gouvernemental que militaire en Irak, la difficulté de combattre militairement une organisation qui n'est pas une armée conventionnelle, le risque de tuer des civils et d'encourager ainsi le ralliement de ces populations à l'EI, l'absence d'un pouvoir de transition et de réconciliation nationale en Syrie, le fait que ces frappes aériennes sont un cadeau pour Bachar el-Assad et enfin le danger des attaques terroristes qu'encourent les membres de la coalition, particulièrement les régimes du Golfe. Durant son exposé, Lina Khatib insiste particulièrement sur deux points. Elle précise que les frappes aériennes renforcent l'État islamique puisqu'elles lui permettent de présenter son action terroriste comme une guerre contre les croisés. Il prend ainsi la posture de victime et séduit de nouvelles recrues. Elle souligne aussi le fait que cette stratégie a pour conséquence de fragmenter encore davantage l'opposition syrienne. « En frappant également les jihadistes d'al-Nosra, qui ont pourtant des liens au niveau individuel avec les membres de l'Armée syrienne libre, on renforce la division de l'opposition et on encourage les membres d'al-Nosra à soutenir l'EI », précise-t-elle. « Il ne faut pas oublier qu'ils se trouvent, parmi les membres de la coalition, les principaux soutiens d'al-Nosra, à savoir le Qatar et l'Arabie saoudite. » Selon Lina Khatib, la stratégie pour lutter contre l'EI doit être politique. Il s'agit d'identifier les causes multiplies de son succès et de les combattre. « Or les frappes aériennes n'apportent aucune solution à ces nombreux problèmes », note-t-elle.


À son tour Sarkis Naoum, éditorialiste au quotidien an-Nahar, prend la parole. Et s'il ne fallait retenir qu'une phrase pour résumer son intervention tranchante et sans langue de bois, ce serait certainement celle-là : « Le monde arabe doit assumer ses responsabilités ! » M. Naoum débute son intervention en soulignant l'ironie de la situation. Le président américain Obama est critiqué lorsqu'il n'intervient pas, et il est à nouveau critiqué lorsqu'il intervient. Même s'il lui impute une part importante de responsabilité dans l'évolution des événements, il précise que cette fois-ci les pays arabes, particulièrement les régimes du Golfe, ne peuvent plus se cacher en attendant l'intervention américaine. « Ils ne sont pas innocents dans l'évolution de ces événements », précise-t-il. Si d'après lui il n'est pas possible d'éradiquer la menace de l'EI, il est nécessaire dans un premier temps de la contenir. « Il y avait ces dernières années deux visions de l'islam qui s'opposaient : l'une tendance Frères musulmans soutenue par le Qatar et la Turquie et l'autre plus traditionaliste ayant pour fer de lance l'Arabie saoudite et l'Égypte. L'apparition de cette troisième voie, représentée par l'EI, aura peut-être au moins le mérite de réconcilier les deux premières », ajoute-t-il enfin.


Le débat qui a suivi les interventions était tout aussi passionnant et animé. Ont été évoquées les questions du lien entre la Turquie et l'EI, la nécessité d'un dialogue entre l'Arabie saoudite et l'Iran pour endiguer la crise et l'urgence pour le monde arabe d'avoir un État leader autour duquel construire un projet commun. Du fait de leur présence dans la salle, Syriens, Koweïtiens, Américains, Européens et Libanais proposaient une véritable expérience sociologique représentative des craintes et des positions de chacun face à ce phénomène global.

 

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Commentaire

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commentaires (3)

MAIS ACTUELLEMENT... LES PLUS ABRUTIS !

LA LIBRE EXPRESSION

19 h 06, le 27 septembre 2014

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Commentaires (3)

  • MAIS ACTUELLEMENT... LES PLUS ABRUTIS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 06, le 27 septembre 2014

  • LE TITRE DIT TOUT. C'EST DE LÀ QUE TOUT A COMMENCÉ. ARABES MUSULMANS OU ARABES SUNNITES, CHIITES, ALAOUITES, DRUZES ? POURQUOI JE NE MENTIONNE PAS LES CHRÉTIENS ? ILS SONT DES ARABES... LES PLUS ARABES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 28, le 27 septembre 2014

  • Un point essentiel est évoqué par la directrice de l'institut Carnegie à Beyrouth, Lina Khatib. "Il s'agit, dit-elle, d'identifier les causes multiples du succès de l'Etat islamique" (ex-Daech). Et quelles sont ces causes ? Il semble qu'aucun des trois conférenciers ne le dit à l'occasion. Quelle doctrine et quelle idéologie font surgir des Daech dans le monde arabo-musulman ? Telle est la question fondamentale. Le 7 septembre le grand mufti d'Arabie saoudite, cheikh Abdel Aziz al-Chaikh, appelait les musulmans à "combattre l'Etat islamique, s'il combat les musulmans". Et s'il combat les non-musulmans comme les Yezidis et les chrétiens d'Irak et commet contre eux le génocide le plus barbare, c'est donc bien "Halal" ?! Pourquoi cette ambiguité ? Si l'on parle en toute franchise comme il est absolument nécessaire de le faire, deux points doivent être notés : 1-Il y a quelque chose dans la doctrine de l'islam qui suggère que tous les non-musulmans sont ennemis de l'islam, et il est nécessaire que ce "quelque chose" soit définitivement modifié et même supprimé. 2-Tant que cela n'est pas fait, des Daech vont surgir dans les sociétés arabo-musulmanes.

    Halim Abou Chacra

    05 h 55, le 26 septembre 2014

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