Durant tout l'été, les baigneurs ont pu profiter de la belle plage de Ramlet el-Baïda, l'une des rares à rester ouvertes au public au Liban, la seule à Beyrouth. Profiter gratuitement de cette plage de sable deviendra-t-il bientôt un luxe que les Libanais ne pourront plus s'offrir ? Des bruits courent, en effet, que des sociétés ayant acquis la plus grande part des terrains privés de la plage ont présenté une demande au mohafez et au conseil municipal de Beyrouth pour être en mesure de clôturer leurs terrains privés et de rendre l'entrée à Ramlet el-Baïda payante. Les autorités n'ont visiblement pas encore répondu à cette demande et envisageraient plusieurs options, dont l'expropriation. La circulation de telles rumeurs a causé un vif émoi, notamment sur les réseaux sociaux.
Interrogé sur cette éventualité, le directeur de la plage publique de Ramlet el-Baïda, Nazih el-Rayess, membre de l'ONG « Cedar for Care », dit n'en avoir pas été notifié par le ministère des Transports. Il a entendu les rumeurs comme tout le monde et craint que « cette plage, qui est un exutoire pour des milliers de personnes d'horizons différents toutes les semaines, soit privatisée ».
Mohammad Ayoub, directeur exécutif de l'association Nahnoo, rappelle que « 80 % des terrains sur la plage de Ramlet el-Baïda sont privés, deux terrains appartenant à la municipalité ». Cette situation, rappelle-t-il, dure depuis l'ère ottomane, quand ces terrains ont été attribués à des familles beyrouthines qui devaient en prendre soin. Plus récemment, ils ont été vendus à des sociétés privées qui, elles, auraient d'autres visées, poursuit-il. « Nous pensons qu'une telle plage de sable ne peut tout simplement pas être une propriété privée, affirme le jeune homme. Pour nous, il est impensable de la fermer au public, c'est un domaine public et la seule plage qui nous reste : elle est emblématique et appartient au folklore beyrouthin. »
Le militant, pas vraiment surpris par les rumeurs qui circulent, assure que la réaction civile sera vive.
« Dans notre campagne, "Bayda Ramletna", que nous avons lancée pour protéger cette plage, nous avons formulé trois demandes : que le problème des égouts polluant la plage soit résolu, que les terrains privés soient expropriés par la municipalité de Beyrouth et que la plage, comme d'autres espaces publics, devienne plus facilement accessible », ajoute-t-il.
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Interrogé sur cette affaire, Rachid Achkar, membre du conseil municipal, souligne qu'il milite lui-même, au sein de la municipalité, pour l'expropriation des terrains de Ramlet el-Baïda, afin d'en faire une vraie plage publique. « J'ai fait faire un relevé topographique de la plage, nous apprend-il. Il faut savoir que les terrains privés ne constituent pas plus de la moitié de la largeur de la plage, le reste fait partie du domaine public, qui ne peut être fermé. Et les terrains qui sont propriété privée ne sont pas constructibles à moins d'un changement de la loi. »
Sur l'affaire des clôtures et de la fermeture de la plage, il dit ne pas être au courant d'une telle demande faite au conseil municipal. « Mais dans tous les cas, la plage ne peut pas être fermée, dit-il. Une clôture tout autour du site est impensable. Le terrain qui donne accès à la plage appartient à la municipalité et le domaine public sur la moitié de la largeur de la plage reste obligatoirement ouvert. Si une demande est faite, nous devons l'examiner pour décider si elle est conforme à la loi. Et même en cas de clôture pour les terrains privés seulement, celle-ci doit être conforme à des critères très stricts. »
Toutefois, la solution, pour lui, reste l'expropriation. « Décider d'exproprier 40 000 mètres carrés à Beyrouth de nos jours nécessite de plus amples discussions au sein du conseil municipal, voilà pourquoi ça prend du temps », souligne Rachid Achkar.
Pour Mohammad Ayoub, il est indispensable de mener une action civile en vue de prévenir une éventuelle fermeture de la plage au public, tout en soutenant l'option de l'expropriation par la municipalité. « Nous nous réunissons bientôt pour décider de notre plan d'action », dit-il.
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17 h 00, le 05 septembre 2014