"Nous ne mendions pas de l'argent, nous implorons le monde de prier pour la paix en Irak", martèle le père Boutros Chitou, venu à Lourdes de Bagdad avec quelques chrétiens irakiens, dont les souffrances face aux jihadistes étaient vendredi au cœur du pèlerinage de l'Assomption.
Pour la première fois, la ville de Sainte Bernadette a vécu au rythme de prières pour les chrétiens d'Orient: Syriens, Palestiniens, libanais, Egyptiens mais surtout Irakiens aujourd'hui menacés de génocide dans ce pays en guerre.
"Aujourd'hui des femmes et des hommes, des familles entières sont jetés sur les routes payant du prix de leur vie leur attachement à Jésus Christ" en Irak, a rappelé le principal récitant de la Prière du 15 août pour la France, instituée par Louis XIII, secondé par un jeune garçon, face à des milliers de pèlerins devant la grotte de Bernadette.
Dans cette atmosphère bon enfant en présence de 30.000 pèlerins, selon les organisateurs, et dont une bonne partie sont handicapés ou malades, les chrétiens d'Orient mais aussi des Français, portaient un signe distinctif: un t-shirt ou une pancarte arborant dans un cercle rouge le fameux "noune" (lettre N), que les jihadistes apposent comme cible sur les maisons chrétiennes d'Irak.
"Nous te prions Seigneur en particulier pour les chrétiens d'Orient et en particulier pour les chrétiens d'Irak, de Syrie, du Liban et d'Egypte, pour ceux qui subissent la répression au quotidien", avait déclaré l'évêque de Tarbes et Lourdes, Nicolas Brouwet lors de la grande messe de l'Assomption sur l'esplanade du sanctuaire à la mi-journée.
Et jeudi soir aussi, il avait évoqué pour la première fois durant la traditionnelle procession de Lourdes pour le 14, ces chrétiens martyrs du XXIe siècle dans des propos traduits jusqu'en araméen, la langue du Christ encore parlée par les chaldéens d'Irak, une des plus vieilles communautés chrétiennes orientales.
Le pape François avait, lui, exhorté le 27 juillet les belligérants du Proche-Orient à arrêter la guerre.
"Nous mourrons là-bas"
"Je pense que nous avons une tradition en France, une histoire avec l'Orient", déclarait récemment Mgr Brouwet. "La France est à la fois protectrice des lieux saints et d'une manière générale, elle a toujours été préoccupée par la présence des chrétiens dans cette région."
"C'est une joie immense, un grand réconfort pour nous", témoigne le père Boutros, 34 ans, en perpétuelle prière pour son pays.
Elias, installé maintenant avec ses trois frères et leur famille en France, reste dubitatif, tout comme la vingtaine de compatriotes réfugiés en Europe venus à Lourdes. "Rien n'arrêtera les jihadistes en Irak", dit-il entre deux prières.
"Ils ont donné quelques heures à ma belle-mère et sa fille pour quitter Qaraqosh", la plus grande ville chrétienne d'Irak, située non loin de Mossoul, dans le nord du pays. "En pleine nuit. En chemise de nuit", dit-il les larmes aux yeux.
Pour ce professeur de mathématiques de 51 ans, il n'y a plus rien à espérer de son pays. "Nous avons toujours été ballottés entre chiites et sunnites. Il vaut mieux que les chrétiens s'en aillent", dit ce père de quatre enfants, dont le dernier de neuf mois est né en France.
"Je prie ici avec les miens, pour les miens, pour qu'ils s'en aillent", dit-il. "Et s'ils devaient rester, s'il vous plaît, lance-t-il à la journaliste de l'AFP, écrivez-bien qu'une force internationale doit aller les protéger"...
Le père Boutros, originaire de Qaraqosh également mais qui officie à Bagdad, n'est pas de cet avis. "Nous voulons rester chez nous", affirme-t-il, tout comme ce Palestinien de Bethléem, Youssef, accompagné de son épouse au pèlerinage. "Nous ne partirons jamais. Nous mourrons là-bas, quoi qu'il arrive", dit-il en évoquant l'interminable guerre israélo-palestinienne.
En conclusion de cette journée à Lourdes, les chrétiens orientaux se sont retrouvés pour une messe en arabe pour la paix, célébrée en plein cœur du sanctuaire.
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