Les sentiments sont partagés, oscillent entre colère et lassitude, révolte et soumission aux faits accomplis. Mais le dénominateur commun est là, omniprésent, accablant : un écœurement général, une répulsion incontrôlable qui équivaut au pire des désaveux, un mépris souverain que le citoyen manifeste désormais à l'égard d'une classe politique démonétisée qui l'asservit à ses folles ambitions et l'entraîne dans le cercle vicieux des règlements de comptes.
Alors que l'embrasement gagne toute la région, que les citadelles de l'obscurantisme s'élèvent dans les déserts de l'inculture et que les nouveaux barbares frappent à nos portes, le Liban, impuissant, voit s'effondrer les derniers murs de protection face aux fossoyeurs d'un État à la dérive, navire fantôme abandonné et par son capitaine et par son équipage.
Parlement aux abonnés absents, Conseil des ministres otage des états d'âme de ses membres et magistrature suprême soumise aux caprices de présidentiables englués dans leurs pitoyables ambitions : voilà où nous en sommes aujourd'hui, voilà à quoi est réduit le fameux Liban-message dont on s'est si longtemps gargarisé...
Chaque jour qui passe sans que les députés ne se décident à élire un nouveau chef de l'État est une insulte supplémentaire infligée au citoyen ; chaque jour qui passe sans que ces mêmes députés ne se décident à légiférer est un coup de poignard enfoncé encore plus profondément dans le corps social et dans le corps enseignant ; chaque jour qui passe sans que le gouvernement ne se décide à sauver l'Université libanaise, à nommer les personnes compétentes aux fonctions adéquates est une incitation de plus à la déculturation, à l'exode des dernières têtes pensantes du pays.
Mais qu'attendent donc tous ces manitous de la politique politicienne pour accomplir ce pour lequel ils sont payés ? Que l'Arabie saoudite se réconcilie avec l'Iran ? Que Téhéran se rabiboche avec Washington ? Que Maliki et Assad rejoignent ben Ali dans son exil doré ou que le Hezbollah découvre enfin les grandes vertus du giron étatique ?
Assez donc de mensonges et de tromperies, assez de promesses fastidieuses et de rengaines lassantes, assez de fanfaronnades et d'anathèmes : le pays se disloque et les sauveteurs autoproclamés, chacun installé dans sa propre tour d'ivoire, continuent à claironner que le salut passe inévitablement par eux.
On en viendrait presque à souhaiter qu'un gros cataclysme survienne pour les ramener à la raison, un « big bang » qui les secouerait comme fétu de paille et réveillerait leur conscience, un tsunami ravageur qui aurait un effet purificateur. Mais ne rêvons pas trop : ils seraient encore là, fulminant au-dessus des ruines, lançant leurs imprécations et s'accusant mutuellement d'avoir provoqué la catastrophe, de s'être acoquinés avec le diable...
Situation désespérée donc ? Pas forcément : tant que le Liban est au fond de l'abîme il n'a d'autre choix que de remonter la pente. On se console évidemment comme on peut...
Dégagez !
OLJ / Par Nagib AOUN, le 21 juillet 2014 à 00h00
Dégagez des crocodiles insensibles qui sont nos députés pour les pousser à élire un nouveau chef de l'État , ils ne le feront pas . L'important pour eux , rester et renouveler dans ce vide effarant leur mandat et contre la volonté du peuple qui lui aussi est paresseux .
15 h 41, le 21 juillet 2014