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CD, DVD - Un peu plus de...

Like a virgin

Au début, il n'y a rien. Il n'y a rien qu'une page blanche où tout commence. Une page immaculée. Qui n'a pas vu sa blancheur obstruée par les mots, noircie par les lignes. Au début, il y a une page blanche impénétrable. Cette angoissante page blanche. Aujourd'hui, elle trône là, devant. Narguant les sujets, les verbes, les épithètes, les compléments. Elle fait un pied de nez aux points de suspension. Elle se moque du vocabulaire, de la grammaire et de l'orthographe. L'orthographe, aujourd'hui, elle s'en fout. Elle se fout des mots sans « s », d'un « er » à la place d'un « é ». Elle se fout de la ponctuation. Elle se fout des alinéas, des paragraphes, des chapitres et des points finaux. Aujourd'hui, la page blanche veut rester blanche. Elle ne me laissera pas aligner mes mots, trouver un titre, introduire, trouver une chute, compter les 4 000 et quelque 300 signes qui l'ornent chaque semaine. Cette fois, elle s'y oppose. Ça lui arrive de temps en temps. Ça lui arrive souvent quand elle sait qu'il n'y rien à dire. Ni sur le temps qu'il fait ou qu'il fera. La page blanche n'a pas envie de m'entendre converser comme les marins à l'aube de leur périple. Elle n'a pas envie de me voir parler du Liban ou des Libanais. Ils savent très bien le faire d'eux-mêmes. Elle ne m'autorisera pas à mettre mes idées en phrases. Elle sait que souvent les mots pervertissent la pensée. Qu'il n'y a jamais de mots justes. Ces mots que l'on croit adéquats tombent toujours à côté. Pas en deçà, juste à côté.
Écrire, c'est toujours déformer, raturer, corriger, effacer et, en somme, trahir. Pas de trahison aujourd'hui. Pas de séduction non plus avec des mots sophistiqués, des mots d'amour, des mots amers et doux. Pas d'erreurs, de mauvais mots. De mots blessants, mal compris. Des mots stupides, sans intérêt. Ces mots qu'on dit pour combler le silence, pour noyer dans le bruit ses craintes, pour boucher les trous. La page blanche veut le silence. Mon silence. Elle sait que je ne sais pas quoi écrire. À quoi ça servirait de dire des choses qu'on ne pense pas, comme on tait parfois ce qu'on pense. Aujourd'hui la page blanche ne veut pas perdre sa virginité. Elle a envie que je ne décroche pas un mot, ni en écorche. Elle ne veut pas de figures de style, de cette langue cassée. De ces phrases sans verbe. De ces métaphores, de ces mots libanais qui viennent flâner entre deux lignes. Elle ne veut pas d'ailleurs que j'écrive entre les lignes. La page blanche ne veut pas de message subliminal. Elle ne veut pas que je parle des autres pour parler de moi. Que j'en dise trop. Ou pas assez. Parce que l'écriture, c'est se complaire à sa personnalité pas à son style. On désespère d'écrire mal. De ne pas savoir accorder ce que l'on sent à ce qu'on écrit. De ne pas plaire. On veut toujours écrire mieux. On se relit, on retouche. On abandonne. On n'aime jamais. On ne s'aime jamais. On se trouve tour à tour plat, vide, vulgaire, vaniteux, vindicatif. La page blanche ne veut pas que les autres se méprennent. Qu'ils me lisent au premier degré ou pas. La page blanche ne pliera pas cette fois. Ni en deux et encore moins en quatre. Elle ne veut pas que je me couche sur le papier. Elle sait qu'il est pénible de trouver les mots justes. Elle n'aime pas qu'on les galvaude. Qu'ils perdent leur symbolique et leur sens. Le propre et le figuré. Elle n'a pas envie d'être salie par l'encre des autres. Qu'ils crachent sur son voile. Elle sait que les mots douloureux sont plus dans la vérité que les mots tendres. Qu'ils se croisent et s'entrecroisent. Vont dans la marge. Sautent des lignes. N'emploient pas de virgule ni de majuscule. Aujourd'hui, la page blanche ne veut pas de ça. Elle ne veut pas d'eux. Aujourd'hui, elle veut l'absence. L'absence des gros et des petits mots. C'est son mot d'ordre. Tu ne cafouilleras pas. Tu ne bredouilleras pas en pattes de mouche. Tu n'arrondiras pas tes lettres. Tu n'écriras pas à demi-mots. Parce qu'elle sait intimement cette garce que quelles que soient les joies et les douleurs qui viendront la noircir, sous nos ratures, elle restera blanche. On pourra jouer avec les mots autant que l'on veut. Faire des anagrammes et des oxymores, elle restera vierge. Et chaque fois, elle nous contemplera, le sourire en coin, nous rappelant qu'à n'importe quel instant, elle peut dire non. Et bien, la prochaine fois, je prendrai peut-être une feuille rose.

Au début, il n'y a rien. Il n'y a rien qu'une page blanche où tout commence. Une page immaculée. Qui n'a pas vu sa blancheur obstruée par les mots, noircie par les lignes. Au début, il y a une page blanche impénétrable. Cette angoissante page blanche. Aujourd'hui, elle trône là, devant. Narguant les sujets, les verbes, les épithètes, les compléments. Elle fait un pied de nez aux...
commentaires (3)

POURTANT LA PAGE BLANCHE LE DIT : AVEC LE NOMBRE CROISSANT DES JIHADISTES, DES DEUX FACES DE LA MÊME MONNAIE... PILE RÉPONDANT À FACE... LE PARADIS FERME SES PORTES POUR PÉNURIE DE VIERGES !

LA LIBRE EXPRESSION

13 h 54, le 19 juillet 2014

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Commentaires (3)

  • POURTANT LA PAGE BLANCHE LE DIT : AVEC LE NOMBRE CROISSANT DES JIHADISTES, DES DEUX FACES DE LA MÊME MONNAIE... PILE RÉPONDANT À FACE... LE PARADIS FERME SES PORTES POUR PÉNURIE DE VIERGES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 54, le 19 juillet 2014

  • Il faut faire flèche de tout bois et cesser de récuser à tout propos les moyens utilisés pour combattre la Bête immonde. Et notamment les articles qui auraient soi-disant pour inconvénient de dénaturer la sacro-sainte réalité, dont seuls rendraient compte les contributions irréfragables de "forgeronnes?". Mais il semble qu’elles devraient être entravées, précisément par l'obligation de rigueur auquel elles devraient être soumises. Faute de "sources?", elles devraient se limiter dans leurs affirmations. Ce qui leur fait renoncer à toute intuition. Rien de tel ne s'impose à la véritable de Äazoûr, à qui le vraisemblable suffit pour imaginer au moins le crédible. Et comment ne pas admettre la richesse féconde d'une telle liberté ? Pour s'immerger dans cette situation campagnarde, il vaut cent fois mieux lire ce genre d’article que les considérations partisanes d’autres…. "forgeronnes" ! Ce genre de Äazoûr, oui, avec toutes ses instinctives évocations de cette histoire libanaise qui catapultent vers l'essentiel. Et comment, sans lui, appréhender la face noire de cette mouise d’ici ? L'angoisse que ce genre d’article respire est intolérable. Car comment ne pas se dire : il parle de nous ? N'est-ce point-là l'effet qu’on recherche quand on répète qu'il faut tenter de transmettre l'ineffable aux générations suivantes ? Et qu’on a peur des mots à propos de la situation de ce pays. Pourtant, pour l’évoquer, on ne peut que se référer à la Médéa Äazoûré.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    07 h 44, le 19 juillet 2014

  • ET POURQUOI PAS ROUGE ? LE ROUGE... POUR LES NOUVELLES ROUGES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 30, le 19 juillet 2014

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