Après Walid Joumblatt – selon l'article publié par Robert Fisk le vendredi dernier dans The Independent –, c'était hier au tour du président de la Chambre, Nabih Berry, de proclamer « la mort des accords de Sykes-Picot », au lendemain des derniers développements sur le terrain militaire irakien.
« Où en sommes-nous arrivés ? Nous regrettons l'époque de Sykes-Picot. Je l'ai dit il y a deux ans. Walid Joumblatt, lui, est à la recherche de leurs sépultures pour y réciter la fatiha et les fleurir », a indiqué M. Berry, qui s'exprimait hier au cours d'un déjeuner à Aïn el-Tiné en l'honneur du chef de la Fédération des Parlements arabes, le président de l'Assemblée nationale koweïtienne, Marzouk el-Ghanem.
« Dans chacune de nos nations, les germes de la discorde sévissent, à commencer par l'Irak. Continuerons-nous à morceler ce qui est déjà scindé ? Même l'islam (...), nous l'avons divisé, en dépit de son unité, et malgré les apostasies, la répression et les ténèbres », a-t-il dit, appelant les esprits à s'apaiser. « Ce n'est pas Dieu, et ce n'est pas le droit chemin », a-t-il ajouté.
Même climat de désolation du côté de l'uléma Ali Fadlallah, qui a exprimé le « choc » ressenti à la vue des images de massacres et d'exécutions dans certaines provinces irakiennes, des appels à l'invasion d'autres régions, ainsi que des atteintes aux symboles religieux. « L'Irak est entré dans une nouvelle ère, plus dangereuse que les précédentes. Le pays est désormais au bord du gouffre. Son unité est menacée. Des voix çà et là commencent à évoquer son morcellement, avec tout ce que cela signifie comme nouveaux massacres. Et cette blessure qui saigne peut s'étendre à toute la région », a indiqué l'uléma Fadlallah. « Face à ces images terribles et successives, nous appelons les différentes composantes du peuple irakien à rejeter rapidement ce qui se produit et à faire face à cette attaque, qui ne menace pas uniquement une communauté ou une composante du peuple irakien, mais qui vise à allumer le brasier d'une guerre sectaire et confessionnelle. Une guerre qui torpillera l'unité de l'Irak, son rôle et l'avenir de ses générations », a-t-il ajouté, appelant à une solution politique au conflit actuel.
Le député de la Jamaa islamiya, Imad el-Hout, a lui aussi mis en garde contre l'éventualité d'une guerre sectaire en Irak, appelant « toutes les forces qui entourent » ce pays à « œuvrer en faveur d'un rééquilibrage entre toutes les composantes irakiennes » au niveau des droits, ainsi qu'à la formation d'un cabinet d'union nationale. « Ce qui se produit en Irak n'est pas uniquement lié à Daech, mais aussi aux pratiques sectaires de Nouri el-Maliki. (...) Les sunnites se sont sentis marginalisés. Daech est mis au premier plan pour justifier ce que Maliki et le régime iranien sont en train de faire comme attaque sectaire – sans oublier les appels de Sistani aux chiites à se battre », a noté le député de Beyrouth dans un entretien à la radio al-Fajr.
Le Hezbollah et le Baas
Loin des appels à l'accalmie, le ton était nettement plus martial du côté du Hezbollah et de la branche libanaise du Baas prosyrien.
Le vice-secrétaire général du Hezbollah, cheikh Naïm Kassem, a ainsi affirmé hier que son parti « continuera à se battre sur le terrain pour l'étendard du droit », lors d'une cérémonie religieuse à Mousseitbé. Cheikh Kassem s'en est pris à « certains pays occidentaux et régionaux » qui « croient utiliser Daech (l'EIIL) pour leurs intérêts propres ». « Ils verront comment Daech se retournera contre eux et entrera dans leurs pays un par un. Nous entendrons parler de Daech dans chacun de leurs pays, aussi bien dans le monde arabo-islamique qu'occidental, à travers des attentats et des exactions (...) », a indiqué cheikh Kassem. « Ceux qui offrent un soutien politique au projet destructeur dans la région supporteront une responsabilité encore plus grande que les autres avec Daech. Cette organisation est née et a grandi dans le giron de l'arrogance et du pétrole, mais elle ne pourra pas réaliser des exploits. Elle peut détruire et se livrer à des exactions (...) », a-t-il ajouté, dénonçant « le silence » de certains pays arabes face aux crimes de l'EIIL, voire « leur soutien » à ses actes.
Plus directement, cheikh Kassem a accusé « les États-Unis et certains pays régionaux » d'être à l'origine de la présence des takfiristes dans la région, « qu'ils ont utilisés en Syrie et en Irak pour un rééquilibrage des forces et la mise en place du Nouveau Moyen-Orient ». « Cependant, ils ont échoué à nouveau en Syrie après un premier échec lors de la guerre de 2006 », a-t-il noté.
« Les événements actuels prouvent que le choix du Hezbollah de contribuer à empêcher la chute de la Syrie résistance était le bon. Sinon, l'axe takfiriste se serait étendu au Liban, d'une manière pire encore que ce qui se produit en Irak. » « (...) La solution, c'est la mise en place d'une alliance internationale et régionale contre le terrorisme takfiriste (...) », même si ce n'est qu'« à travers une vision commune » et « sans cadre organisationnel », a-t-il conclu.
Même rhétorique en substance chez le Baas, réuni hier sous la présidence de son chef régional Fayez Chokr, qui a estimé que ce qui se produit en Irak « s'inscrit dans la ligne du complot visant à frapper l'unité de la nation arabe et la morceler, au service du projet américano-sioniste et ses instruments takfiristes dans la nation arabe ». « Il s'agit d'une tentative de compenser les défaites de ce projet en Syrie et de rendre vie à ce dernier (...). Mais les masses arabes ont découvert la portée du complot perpétuel contre elles depuis plus de trois ans (...) et sont capables de faire face et de faire échec à ce dernier. (...) La défaite des agresseurs et de leurs maîtres n'est qu'une question de peu de temps », a ajouté le Baas dans son communiqué.
Le CPL
La situation en Irak a également été au centre de la réunion du bloc du Changement et de la Réforme, présidée hier à Rabieh par le chef du Courant patriotique libre, le général Michel Aoun.
À l'issue de la réunion, le secrétaire général du bloc, le député Ibrahim Kanaan, a rappelé que le général Aoun avait déjà mis en garde depuis le 23 février 2006 contre les dangers d'une discorde sunnito-chiite dans la région. M. Kanaan a replacé l'ouverture du général Aoun vis-à-vis du Hezbollah en 2006, puis maintenant vis-à-vis du courant du Futur, dans le cadre d'une « vision » visant à « protéger le Liban ».
« Les événements dans la région nous donnent une fois de plus raison et consolident notre stratégie, qui est dans l'intérêt du Liban, même si le général Aoun a été crucifié plus d'une fois, et nous avec lui, en raison de ce choix », a ajouté M. Kanaan.
PRIÈRE LIRE : POURQUOI N'AVAIENT-ELLES PAS CHOQUÉ ETC... MERCI.
14 h 24, le 18 juin 2014