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Liban

Kornet Chehwane, une communauté autour de son église

Le village s'apprête à fêter le centenaire de la construction de l'église Saints-Pierre-et-Paul.

L’intérieur de la nef de l’église : sentiment d’espace et d’accueil.

Un village comme tant d'autres au Liban dont l'histoire se confond avec celle de son église, voilà Kornet Chehwane, l'une des perles du Metn, qui fut fondé vraisemblablement au XVIIe siècle.
Le village sort de l'ombre au XVIIIe siècle, quand les archevêques maronites de Chypre s'en éprennent et le prennent pour siège. La décision sera à la base d'une renaissance éducative, culturelle et religieuse du village et de la région.
L'imposant édifice abritant l'archevêché sera construit par étapes. L'école Jésus et Marie, qu'il ne faut pas confondre avec l'actuel établissement, y voit le jour sous l'impulsion de Mgr Youssef Geagea. Commencée en 1843, elle est terminée en 1884 par Mgr Youssef el-Zoghbi (1883-1890), qui la rebaptise « École libanaise St-Joseph » – aujourd'hui Saint Joseph School – , une grande institution éducative dynamisée par un évêque d'exception, Mgr Élias Farah, d'heureuse mémoire.
C'est cette école qui, dès la fin du XIXe siècle, éduquera les enfants de Kornet Chehwane. On y vient de loin, attiré par sa réputation d'excellence. De fait, beaucoup d'hommes de lettres, de juristes, hauts fonctionnaires, professeurs, hommes d'église y seront formés. Tout le niveau éducatif des habitants du village en sera rehaussé. L'école assure aussi une formation chrétienne approfondie.
Cette prise de conscience des habitants de Kornet Chehwane leur inspire des projets de développement. L'une de leurs préoccupations principales est de le doter d'une grande église capable de recevoir le nombre croissant d'habitants de Kornet Chewane.

La première église Saint-Pierre
C'est que l'église Saint-Pierre, consacrée en juillet 1711 par Mgr Élias Mouhasseb, était devenue bien étroite, si l'on en croit les indications d'un vieux bréviaire découvert dans l'actuelle église. En 1907, moins de deux cents ans plus tard et sur l'emplacement de la première église, commence la construction de l'église Saints-Pierre-et-Paul. Elle se termine en 1912. La nef et les autels sont achevés en 1914, il y a de cela cent ans.

Les habitants de Kornet Chehwane
Entre-temps, l'apprentissage des langues à l'Ecole libanaise St-Joseph avait ouvert à la population la porte... de l'émigration. Entre 1884 et 1916, date à laquelle l'école ferma à cause de la Première Guerre mondiale, plus de 154 élèves des familles de Kornet Chehwane parmi les centaines d'autres de la région en sortent diplômés (voir l'ouvrage L'école St-Joseph du père Jean Rami).
Au début des années trente, selon des statistiques de l'archevêché maronite de Chypre, les habitants du village étaient au nombre de 450, alors que ceux qui avaient émigré était déjà de 550. L'émigration s'était en effet accélérée après l'ouverture des frontières maritimes, à la fin de la Première Guerre mondiale (1914-1918). Ceux qui avaient pu le faire avant la Grande Guerre avaient échappé, d'une certaine manière, à la famine qui décima une partie de la population de la Montagne.

Les années de construction
La construction de l'église (1907-1914) suscita un engouement extraordinaire des habitants. Toute la population, sous l'impulsion des prêtres issus des familles du village, s'engagea dans la levée des fonds et la conduite des travaux.
L'architecture retenue, dessinée par un prêtre de la Compagnie de Jésus, était avant-gardiste, très simple, mais avec un très haut plafond sans aucun pilier intérieur, ce qui donnait à la nef un volume remarquable et une grande capacité d'accueil.
Du livre des dépenses de l'époque, des faits remarquables ressortent : on peut considérer que tous les habitants de Kornet Chehwane, sans exception, ont participé d'une manière ou d'une autre à la construction soit en y contribuant matériellement, soit en y travaillant dans divers corps de métiers ou en rendant des services divers, pour les plus démunis. La population ne se doutait pas encore qu'à la fin de la construction de leur ouvrage, la Première Guerre mondiale allait emporter par la famine une partie d'entre eux et qu'une autre partie allait émigrer vers des cieux lointains et plus cléments.
Car à cette époque, le Mont-Liban était encore sous domination ottomane et spécifiquement sous le contrôle de la moutassarrifiya. Les moutassarrefs en poste durant la construction de l'église étaient Youssef pacha (1907-1912) puis Ohannès pacha (1912-1915). Durant la guerre de 1914 – 1918, le Mont-Liban fut placé sous le commandement de Jamal pacha, surnommé « l'assassin », qui sévit durement contre la population, instaura la loi martiale et soumis la Montagne à un blocus qui en décima par la faim la moitié au
moins de la population.

La construction, ses coûts et ses ressources
Pour évaluer de nos jours la valeur des travaux de construction de l'église, il faut apprécier la monnaie d'échange qui était en cours à l'époque. Sous l'Empire ottoman, la monnaie utilisée était la « livre or osmanli » frappée sous différents régimes par les sultans.
La livre or était subdivisée en 100 qerchs (piastres), et chaque qerch était subdivisée en 40 paras. Il y avait des livres or de 35,8 gr et de 36,08 gr, valant 500 qerchs chacune, et des livres or de 7,22 gr, valant 100 qerchs chacune. Les sous-divisions des livres or étaient d'une demi-livre or et d'un quart de livre or.
Pour donner une idée de la valeur or actuelle, il faut savoir qu'une livre-or de 7.22 g vaut aujourd'hui, selon le cours du métal (1 349 dollars l'once de 31,1 g) à peu près 313 USD.
Selon le père Élias Zoghbi (1865-1940), qui a tenu le livre des comptes de la construction de l'église – retrouvé par chance dans une poubelle et sauvé par une habitante de Kornet Chehwane –,
la construction de l'édifice aurait coûté 4 000 livres or, soit 1,2 million de dollars (en poids d'or seulement et non en valeur monétaire qui serait difficile à évaluer...)
Le livre des comptes reprend les recettes et les dépenses des années 1909 jusqu'en 1914. Les dépenses sont répertoriées par personne ayant travaillé dans la construction, par nombre de jours travaillés et par tarif journalier qui varie entre 3 qerchs et 25 qerchs la journée selon que l'ouvrier est plus ou moins qualifié.
Quelquefois, le travail est rémunéré par lot de travail comme ce fut le cas pour la construction de la flèche de l'église. Par ailleurs, les achats de matériaux sont répertoriés selon leur nature, bois, fer, peinture, etc.

Les revenus
Les revenus nécessaires à la construction de l'église sont également répertoriés. Ils sont de deux ordres : les donations et autres contributions, et les deniers du culte avec autres services et messes dites par les prêtres et prélats. En 1911, 150 donateurs des habitants de Kornet Chehwane principalement résidents et quelques émigrés, ainsi que le clergé et Mgr Boulos Awad ont contribué grandement aux dépenses de construction. Ceci nous montre l'engagement des habitants et du clergé issu du village pour faire aboutir ce projet.
Le document indique aussi que la majeure partie des travaux a été effectuée par des habitants de Kornet Chehwane et des villages environnants : Aïn Aar, Bhersaf, Beit Chabab, Aïn el-Safsaf, Aïn Alak, jusqu'à Beit Méry. Il donne une idée de l'enthousiasme qui prévalait durant la construction de l'église.
En 1912, les travaux nécessaires pour que l'église puisse accueillir les fidèles étaient terminés. Cependant, les travaux de dallage de la nef ainsi que les autels et sa peinture ne furent achevés qu'en 1914.

Le wakf de l'église
Deux cents ans après la construction de Saint-Pierre, les quatre familles fondatrices de Kornet Chehwane signèrent le document leur concédant des droits égaux dans la nouvelle église Saints-Pierre-et-Paul. Le document fut signé par : Farès Youssef Abi Karam, Richa Moussa Zaarour, Boulos Youssef Gébara, Sleimane Mikhaël Zoghbi et le père Élias Zaarour prêtre de la paroisse.
Depuis 100 ans, d'autres familles, qu'il est difficile de mentionner toutes, ont rejoint le village et ont contribué au développement de cette église et de son embellissement. Les festivités du centenaire seront marquées par la messe solennelle que célébrera, le 28 juin, veille de la fête des saints Pierre et Paul, à 19 heures, le patriarche maronite. La messe du dimanche, jour de la fête proprement dite, sera célébrée par Mgr Aad Abi Karam, l'un des trois évêques originaires de Kornet Chehwane.

Un village comme tant d'autres au Liban dont l'histoire se confond avec celle de son église, voilà Kornet Chehwane, l'une des perles du Metn, qui fut fondé vraisemblablement au XVIIe siècle.Le village sort de l'ombre au XVIIIe siècle, quand les archevêques maronites de Chypre s'en éprennent et le prennent pour siège. La décision sera à la base d'une renaissance éducative, culturelle et...

commentaires (1)

"Durant la guerre de 14 – 18, le Mont-Liban fut placé sous le commandement de Jamal pacha, surnommé « l'assassin », qui a soumis la Montagne à un blocus qui en décima par la faim la moitié au moins de la population." ! Huhummm. Mais qu'en est-il du blocus maritime de la "montaaagne", imposé lui par la Grande-Bretagne.... et de ses "répercussions" sur la "décimation de la moitié - aussi - au moins de la population" !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

08 h 41, le 13 juin 2014

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Commentaires (1)

  • "Durant la guerre de 14 – 18, le Mont-Liban fut placé sous le commandement de Jamal pacha, surnommé « l'assassin », qui a soumis la Montagne à un blocus qui en décima par la faim la moitié au moins de la population." ! Huhummm. Mais qu'en est-il du blocus maritime de la "montaaagne", imposé lui par la Grande-Bretagne.... et de ses "répercussions" sur la "décimation de la moitié - aussi - au moins de la population" !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 41, le 13 juin 2014

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