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À La Une - Turquie

A la barre, les meneurs de la révolte de 2013 font le procès du régime Erdogan

Les 26 membres du collectif Taksim Solidarité risquent jusqu'à trente ans de réclusion criminelle.

Une manifestation contre le gouvernement Erdogan le 7 juin 2014 à Ankara. ADEM ALTAN/AFP

Les meneurs présumés de la révolte qui a fait vaciller le gouvernement turc en 2013 ont profité jeudi de l'ouverture de leur procès pour dénoncer les charges "ridicules" retenues contre eux et dénoncer la dérive autoritaire du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan.

Deux semaines après les violences qui ont marqué le premier anniversaire de la contestation, 26 membres du collectif Taksim Solidarité répondent devant une cour d'assises d'Istanbul de très lourdes charges, dont la participation à une "organisation criminelle", pour lesquelles ils risquent jusqu'à trente ans de réclusion criminelle.

Première à la barre, Mücella Yapici, 63 ans, a raillé devant ses juges l'acte d'accusation et plaidé l'acquittement général, sous les applaudissements de la salle.

"Vous ne pouvez pas créer une +organisation criminelle+ simplement en disant +je suis contre un centre commercial+. C'est totalement ridicule", a déclaré cette femme de 63 ans aux cheveux clairs et aux fines lunettes.
"Nous sommes tellement dans notre droit que nous avons engagé un mouvement de résistance qui est devenu exemplaire dans le monde entier et resté totalement pacifique", a poursuivi la responsable de la chambre des architectes d'Istanbul.

 

(Lire aussi : La Turquie d'Erdogan plus que jamais divisée à l'aube de l'élection présidentielle)

 

Sans précédent depuis l'arrivée de M. Erdogan au pouvoir en 2003, la fronde a débuté fin mai 2013 par la mobilisation d'une poignée de militants écologistes opposés à la destruction du parc Gezi, en lisière de l'emblématique place Taksim d'Istanbul.

Après la violente intervention des forces de l'ordre le 31 mai, ce combat s'est transformé en une vague de contestation contre la dérive jugée autoritaire et islamiste du régime.

Pendant trois semaines, plus de 3,5 millions de Turcs ont défilé dans une centaine de villes du pays, lors de manifestations sévèrement réprimées qui se sont soldées par au moins 8 morts, plus de 8.000 blessés et des milliers d'arrestations.

Dénonçant l'attitude d'un Premier ministre qui, a-t-elle dit, "s'est cru au-dessus des lois", Mme Yapici a renvoyé jeudi la violence policière à ses accusateurs. "J'ai été gazée à bout portant et les amis qui m'ont défendue ont été gravement blessés par la police", s'est-elle indignée, "si nous sommes une organisation criminelle, quel type d'organisation constitue la police, qui a tué douze de nos enfants ?"

 

"Procès de la honte"
Avant même d'entrer dans le palais de justice, protégé par un très discret service d'ordre, les accusés ont porté le fer contre le gouvernement.

"Ce procès restera une tache dans l'histoire de ce pays. C'est un procès de la honte et de l'embarras, presque un scandale", ont-ils déploré dans une déclaration lue devant près d'une centaine de militants de Taksim Solidarité.
"C'est Recep Tayyip Erdogan, qui continue à réprimer les manifestants sur les places, et son gouvernement (...) qui devrait être dans le box pour porter atteinte à la démocratie et à l'Etat de droit", ont-ils ajouté.

Depuis la révolte dite de Gezi, le régime islamo-conservateur a repris fermement la main et s'est appliqué à étouffer dans l'oeuf toute velléité de contestation.

Le 31 mai dernier, M. Erdogan a mobilisé plus de 20.000 policiers qui ont brutalement dispersé les rassemblements, interdits, de commémoration des émeutes de Gezi, procédant à plus de 300 arrestations rien qu'à Istanbul ou Ankara.

Mardi encore, le chef du gouvernement, qui s'apprête à annoncer sa candidature à la présidentielle d'août, a accusé les "gens de Gezi" d'être les agents d'un "complot" contre son régime, coupables d'avoir voulu "semer le chaos" dans le pays.
 

(Lire aussi : Ankara et Téhéran se promettent de coopérer pour mettre un terme aux conflits)

 

Dans ce contexte politique tendu, marqué par le vote d'une série de loi renforçant l'emprise du pouvoir sur la justice ou le réseaux sociaux, les accusés de Taksim Solidarité et leurs partisans redoutent d'être lourdement condamnés.

"C'est un procès spectacle, uniquement motivé par la rancune et la politique. Il doit être arrêté dès la première audience", a exigé Andrew Gardner, d'Amnesty International. "L'accusation a préparé un procès pour dire au reste du pays que les autorités poursuivront sans retenue tous ceux qui contestent et organisent de manifestations contre la politique du gouvernement", a-t-il accusé.

Dans un récent rapport, la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH) a dénoncé l'ambiance de "chasse aux sorcières" qui règne dans le pays.

Selon Amnesty International, plus de 5.500 personnes ont été renvoyées devant les tribunaux, parfois au titre de la loi antiterroriste, pour avoir participé à la fronde.

 

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