Le président syrien Bachar el-Assad a été réélu pour un mandat de sept ans avec 88,7 % des voix, a annoncé le président du Parlement, à la suite d'un scrutin controversé qualifié de « farce » par l'opposition et les pays occidentaux.
Les deux autres candidats qui lui servent de faire-valoir, Hassan al-Nouri et Maher al-Hajjar, ont obtenu respectivement 4,3 % et 3,2 %.
Le taux de participation a atteint 73,42 % contre 95,86 % en 2007 lors du référendum qui avait reconduit M. Assad, au pouvoir depuis 2000. Sur les 15,8 millions de personnes appelées à voter en pleine guerre civile, 11,6 millions ont participé au scrutin, a précisé Maged Khadra, le porte-parole de la Cour, et 442 108 bulletins nuls ont été recensés, soit 3,8 %.
Avant ces résultats définitifs, la presse officielle avait déjà annoncé une participation « très élevée » et une « victoire » de M. Assad, 48 ans. Selon le journal al-Watan, proche du pouvoir, le taux de participation « devrait se situer entre 70 et 80 % » dans sept des quatorze gouvernorats du pays ravagé par plus de trois ans de guerre. Bachar el-Assad « se dirige vers la victoire (...) étant donné le nombre important de personnes ayant voté » pour lui, avait aussi affirmé le journal.
À l'annonce des résultats, au moins trois personnes ont été tuées et des dizaines ont été blessées dans des tirs de joie des partisans d'Assad. Dans un communiqué, le président avait demandé en vain de s'abstenir de ce type de manifestation. « Notre expression de joie et d'enthousiasme découlant de notre sentiment national ne justifie pas les tirs en l'air qui menacent la vie des citoyens », a-t-il indiqué dans le communiqué diffusé par la télévision publique. Des tirs de joie ont été également entendus dans des secteurs de la capitale libanaise et des régions dominées par le Hezbollah.
Dans le même temps, les militants antirégime et des opposants en exil répétaient sur les réseaux sociaux le leitmotiv du printemps arabe : le peuple veut la chute du régime.
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130 obus de mortier
Malgré la guerre qui a fait plus de 162 000 morts, déraciné quelque neuf millions de personnes et laissé le pays en ruine, une partie de la population continue de soutenir M. Assad. « Des millions de Syriens sont sortis voter bravant le terrorisme et les voitures piégées pour affirmer la légalité d'un nouveau mandat de Bachar el-Assad qui durera jusqu'à 2021 », selon al-Watan.
« Face au complot, le peuple a choisi de reconduire ses dirigeants pour rétablir la sécurité, lutter contre le terrorisme et reconstruire le pays », a affirmé pour sa part le ministre syrien des Affaires étrangères Walid Moallem, cité dans la presse.
(Repère : La présidentielle syrienne en 6 points)
Paradoxalement, les rues étaient quasi désertes à Damas mardi en raison des nombreux obus tirés par les rebelles. « Plus de 130 obus de mortier ont été tirés sur Damas et ses environs », tuant trois personnes, et 19 personnes ont été tuées à Alep dans les zones tenues par le régime, a indiqué le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane.
Un haut responsable militaire a cependant affirmé que le régime avait « pris des mesures militaires secrètes pour empêcher les terroristes d'entraver le processus électoral. Ils ont centré leurs (actions) sur Damas et Alep, mais en votant massivement les gens ont défié le terrorisme et ceux qui le soutiennent ».
De son côté, la présidence syrienne a salué dans un communiqué « tous les Syriens ayant participé massivement à l'élection ».
L'Occident qui soutient l'opposition syrienne modérée, a dénoncé la tenue du scrutin dans un pays à feu et à sang. La chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton a qualifié l'élection d'« illégitime » et estimé qu'elle minait « les efforts politiques pour trouver une solution à cet horrible conflit ». Elle a également appelé le régime syrien à engager de « véritables négociations politiques ».
Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a dénoncé une « parodie de la démocratie » résumant les élections de mardi ainsi : « Les Syriens avaient le choix entre Bachar et Bachar. »
(Repère : La guerre en Syrie, victimes et drame humanitaire)
Affaiblir pour mieux contrôler
Sur un autre plan, la coordinatrice du désarmement chimique syrien pour l'ONU, Sigrid Kaag, a une nouvelle fois appelé hier la Syrie à évacuer ses derniers conteneurs d'armes chimiques. Elle a souligné qu'il était « primordial » que les États membres de l'Organisation internationale pour les armes chimiques (OIAC) maintiennent la pression sur Damas.
Parallèlement, des experts à Moscou semblent convaincus que les États-Unis prévoient de frapper la Syrie après s'être débarrassé de son arsenal chimique. Bien que cette frappe limitée n'aboutisse pas à la chute du régime, les experts estiment qu'elle affaiblira Bachar el-Assad et placera Alep sous contrôle des rebelles. Cette frappe permettra ainsi un rééquilibre des forces sur le terrain et poussera les deux parties à relancer les négociations de paix. Dans ce contexte, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a mis en garde contre un possible soutien américain à l'opposition armée surtout sur le plan militaire.
Pour mémoire
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LE THÉÂTRE A FERMÉ !
LA LIBRE EXPRESSION
22 h 41, le 05 juin 2014