L'équation du pouvoir au Liban semble devoir rester dépendante de la puissance des armes hors du cadre de l'État, tout comme elle fut tributaire, durant des années, de la tutelle syrienne.
La seule différence entre les deux, c'est que le tuteur syrien parvenait à imposer par ses décisions fermes une stabilité politique et sécuritaire durable dans le pays alors que la tutelle des armes joue plus fréquemment de l'instabilité.
À l'ombre de telles données, il est illusoire de croire que les règles démocratiques peuvent être appliquées au Liban, en particulier pour ce qui est du respect des résultats des urnes.
Conscient de cet état de fait, un ancien responsable estime que tout président qui accepterait de coexister avec ces données serait un dirigeant qui règne mais qui ne gouverne pas. D'ailleurs, c'est bien ce que paraît souhaiter le Hezbollah lorsqu'il répète qu'il rejette l'élection de tout président qui ne serait pas fidèle à la « résistance » et à ses armes.
En conservant son arsenal, le Hezb en tire une force politique qui lui permet de s'opposer à toute décision qui lui déplaît. C'est ce qui se passe depuis 2005 et qui est rendu possible par la couverture que lui fournit son alliance avec le général Michel Aoun.
Sans cette couverture, le parti chiite n'aurait pas été en mesure de neutraliser la démocratie parlementaire numérique et d'imposer la « démocratie consensuelle » à sa place. Il n'aurait pas pu passer outre les résultats des élections législatives ni imposer des formules gouvernementales dites d'« union nationale » dont les composantes ne sont unies en rien.
Sans le tandem Aoun-Nasrallah, il n'y aurait pas eu de vacance de la présidence après le départ de l'ancien chef d'État Émile Lahoud, en 2007-2008 ni après la fin du mandat de Michel Sleiman. On aurait au contraire assisté à des élections conformes à la Constitution et plus ou moins selon le scénario suivant : une compétition entre un candidat du 14 Mars et un autre du 8 Mars et, au cas où aucun d'entre eux ne parviendrait à l'emporter, un retrait des deux en faveur d'autres candidats capables de réunir la majorité de voix nécessaire.
Voici donc que le tandem Aoun-Nasrallah recommence le même jeu que six ans auparavant, alors même que le Hezbollah sait que le général Aoun a peu de chances d'accéder à la présidence. En fait, ce qu'il souhaite, c'est d'installer le vide pour parvenir à ses fins.
L'équation est donc la suivante, souligne l'ancien responsable : le Liban restera dans cette anomalie tant que le Hezbollah conservera ses armes et tant qu'il bénéficiera de la couverture du général Aoun. Inutile de dire qu'il ne serait jamais le parti de l'État. Par contre, l'État pourrait devenir l'État du parti...
Liban - Le commentaire
Le Liban reste soumis à la tutelle des armes
OLJ / Par Émile Khoury , le 03 juin 2014 à 00h00
LES UNS TONNENT... ET LES AUTRES CLAIRONNENT !!!
10 h 55, le 04 juin 2014