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À La Une - Reportage

Une présidentielle "à la syrienne" en plein cœur du Liban

L'ambassadeur Ali Abdel Karim Ali évoque un deuxième jour de vote pour endiguer la ruée pro-Bachar.

Ce 28 mai, les Syriens résidant au Liban étaient appelés à voter en avance, dans le cadre de la présidentielle syrienne prévue le 3 juin. L'afflux de Syriens a provoqué des embouteillages monstres sur toutes les routes menant à l'ambassade de Syrie, qui se trouve à Baabda (est de Beyrouth). Photo Hanaa Jabbour Gemayel

Des hommes, beaucoup, des femmes aussi, certaines enceintes, des enfants, des personnes âgées... Des milliers de Syriens affluaient ce matin vers l'ambassade de Syrie au Liban, pour voter en avance dans le cadre de la présidentielle syrienne du 3 juin. Un afflux massif qui a causé de gigantesques embouteillages sur les routes menant à l'ambassade, qui se trouve à Baabda (est de Beyrouth), non loin du ministère libanais de la Défense.

En milieu de matinée, l'autoroute menant du rond-point Sayyad à Baabda était ainsi quasiment bloquée. Sur la route, des vans, des taxis en surchauffe, des bus, remplis d'électeurs syriens. Selon le ministère syrien des Affaires Étrangères, 40.000 citoyens sont inscrits sur les listes électorales au Liban.

Face à l'ampleur de l'embouteillage, un officier ds FSI avoue son impuissance. L'armée libanaise, elle, multipliait les contrôles aux nombreux barrages installés dans le secteur, confisquant tout ce qui peut être utilisé dans d'éventuelles bagarres, comme les tiges en bois des drapeaux. Vers midi, les autorités ont décidé de dévier la circulation vers des routes intérieures. Beaucoup d'électeurs syriens, eux, ont choisi de finir à pied.

 

 

Dans la foule, des drapeaux syriens mais aussi du Hezbollah, dont les hommes se battent aux côtés de l'armée du régime en Syrie. Beaucoup de portraits du président Bachar el-Assad, et une foison de slogans à sa gloire : "Nous sommes tes hommes Bachar", "Par le sang, nous votons Bachar". Aussi, sur le bord de la route, un groupe d'hommes portant des tee-shirts noir sur lesquels l'on peut lire "Les lions d'Assad au Liban".

 

Sur la route menant à l'ambassade de Syrie. Photo Pierre Sawaya

 

Difficile de trouver, parmi les milliers de personnes en route vers l'ambassade pour un scrutin qualifié de "farce" par l'opposition syrienne et ses alliés au sein de la communauté internationale, un électeur qui ne s'affiche pas pro-Bachar.

"Je vote pour Bachar, j'aime Bachar, c'est le meilleur, bien mieux que tous ceux qui tuent en Syrie", affirme à Lorientlejour.com Salah, un homme d'un trentaine d'année résidant au Liban et venu voter en famille.

Confronté à deux concurrents agréés par le régime et servant de faire-valoir, le député indépendant Maher al-Hajjar et l'homme d'affaires ayant appartenu à l'opposition tolérée, Hassan al-Nouri, Bachar el-Assad est certain de l'emporter dans les régions tenues par l'armée dans ce pays dévasté par plus de trois ans de guerre civile.

"Il n'y a pas d'alternative à Assad, il est le seul capable de calmer la situation dans le pays", renchérit Ali el-Hariri, un artisan syrien au Liban depuis 15 ans. « Il est très important que la Syrie soit stable, car notre pays est un acteur régional. Si la Syrie est calme, toute la région est calme", poursuit-il, coincé, comme tout le monde, sur la route de l'ambassade.

Samer el-Hayek est venu, lui, voter avec des amis. Mais il a perdu son groupe dans le chaos. Qu'à cela ne tienne, il continue la route vers l'ambassade avec sa fiancée, Khouloud. "Nous votons pour Bachar", dit-il, assurant être venu de sa propre initiative.

 

 Photo Pierre Sawaya

 

Selon certains témoignages, tous les électeurs ne sont toutefois pas venus de leur plein gré. Contacté par L'Orient-Le Jour, un industriel libanais assure que  des opérations de ramassage d'ouvriers syriens ont été effectuées, notamment dans la région de Nahr el-Mott, au nord de Beyrouth.  Selon ce témoin, qui souhaite garder l'anonymat, des hommes, dont il assure qu'ils étaient libanais et membres du Hezbollah, sont venus vers 9h rassembler une centaine d'employés syriens travaillant dans certaines usines de cette région industrielle. Ils ont pris leurs papiers d'identité, et les ont fait monter dans des vans, direction l'ambassade de Syrie. L'industriel souligne que les employés ne pouvaient pas vraiment refuser d'embarquer à bord des vans.

Sur la route de l'ambassade, on réfute ces rumeurs. Tout le monde assure n'avoir été ni pressé de voter, ni payé pour le faire.

 

Dans son quatre quatre, une Libanaise, coincée dans les embouteillages, semble sur le point de perdre ses nerfs, et klaxonne de manière hystérique.

Les encombrements ont commencé à six heures du matin, empêchant les étudiants devant passer leur bac français d'atteindre les lieux d'examen, et les élèves de la région n'ont pas pu gagner leurs écoles.

 

Le cauchemar sur les routes pourraient se prolonger, puisque l'ambassadeur de Syrie au Liban, Ali Abdel Karim Ali, a affirmé mercredi qu'en raison de l'affluence importante des électeurs, la chancellerie prévoit de prolonger les délais ou d'organiser un deuxième jour de vote. "Nous nous attendions à cette affluence. Le sentiment patriotique des Syriens chez eux et à l'étranger est grand. Cette affluence est l'expression du rejet de toute agression contre la Syrie", a-t-il ajouté. La télévision syrienne a interrompu à plusieurs reprises ses programmes pour diffuser des émissions en direct de Beyrouth, capitale d'un pays qui compte plus d'un million de réfugiés syriens.

 

Tous les pays n'autorisent pas les Syriens à voter. Les autorités de Damas ont ainsi affirmé mardi que les Émirats arabes unis voulaient interdire aux Syriens de voter dans les ambassades sur leur sol pour l'élection présidentielle du 3 juin, après une décision similaire prise par la France, l'Allemagne et la Belgique.

Le quotidien al-Watan, proche du pouvoir de Damas, a annoncé que 200.000 Syriens, sur 3 millions de réfugiés ou d'expatriés, sont inscrits dans 39 ambassades. Il s'agit d'"un chiffre relativement acceptable, si nous prenons en compte le fait que la France, l'Allemagne et la Belgique ont interdit aux Syriens" de voter sur leur territoire, a commenté le journal.

 

Évoquant l'élection présidentielle en Syrie, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a affirmé dimanche, dans un discours à l'occasion du 14e anniversaire du retrait israélien du Sud-Liban : "Les intimidations et les railleries de ceux qui s'appellent les amis de la Syrie ne pourront pas empêcher ou stopper" la tenue du scrutin.

 

 Photo Pierre Sawaya

 

En avril, le président de la Commission électorale syrienne a précisé que les autorités de Damas ont réduit le droit de vote des réfugiés syriens à ceux ayant franchi légalement la frontière pour se rendre dans un pays voisin. "Les Syriens ayant quitté la Syrie d'une manière illégale n'ont pas le droit de voter dans les pays hôtes", a précisé le président de la Commission. "La loi électorale autorise les Syriens résidant à l'étranger de voter, seulement si leur séjour est légal", a-t-il ajouté.

Sur plus d'un million de réfugiés syriens au Liban, près de 88% sont entrés légalement par Masnaa, le poste-frontière avec le Liban et peuvent donc participer au vote, selon les organisations humanitaires. Si c'est également le cas en Jordanie, cela exclut de fait la grande majorité de ceux qui se trouvent en Turquie et en Irak.

En Syrie, la présidentielle se tiendra uniquement dans les zones tenues par le régime et selon une loi excluant de facto toute candidature dissidente. Face à deux candidats peu connus du public, la réélection du président Bachar el-Assad fait peu de doute. Le conflit en Syrie a fait plus de 160.000 morts et plus de neuf millions de réfugiés et de déplacés.

 

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