La visite du Pape en Jordanie ravive les espoirs des chrétiens... et du secteur touristique

« Nous nous trouvons ici non loin du lieu où l'Esprit Saint est descendu avec puissance sur Jésus de Nazareth, après que Jean l'ait baptisé dans le Jourdain ». C'est par ces mots que le Pape François a salué, samedi, les milliers de visiteurs venus à sa rencontre au stade national de Amman. Un message fort et chargé en symbolique pour les chrétiens de Jordanie, qui partagent avec Israël les rives du Jourdain, où Jésus fut baptisé. « Toutes les écritures et les références bibliques prouvent que le baptême a eu lieu du côté est du fleuve, c'est-à-dire sur le territoire jordanien d'aujourd'hui », explique Maria, une fervente croyante, venue à la cérémonie avec son mari, ses cinq enfants et ses neuf petits-enfants.

Le passage du Pape François en Jordanie, première étape de son délicat pèlerinage en Terre sainte, a lieu quarante ans après la visite du premier pape qui foula les terres du Royaume hachémite en 1964, Paul VI. Il fut suivi par les papes Jean-Paul II, en 2000, et Benoit XVI, en 2009. La Jordanie célèbre également cette année le 20e anniversaire de l'instauration, le 3 mars 1994, de relations diplomatiques avec le Vatican.

Vue du stade. Photo Marisol Rifai

Des drapeaux du Vatican et des affiches et pancartes géantes à l'effigie du pape accompagnent les visiteurs depuis l'aéroport jusqu'au cœur de Amman. Dans les halls des hôtels, qui affichent complets depuis plusieurs jours, se mêlent l'italien à l'espagnol ou même au coréen.

(Repère : Les chrétiens de Terre sainte : communautés diverses dans une région troublée)

Arrivé à l'aéroport de Amman vers 13 heures, le Pape a d'abord été reçu par le roi Abdallah II de Jordanie, avant de se diriger vers le stade où il a célébré une messe devant environ 30 000 personnes. « La paix doit être notre but ultime à tous, et pour espérer y arriver, nous devons faire preuve d'une grande tolérance et nous armer de beaucoup de patience. C'est grâce à de petits gestes quotidiens que chacun de nous peut s'accomplir, individuellement, a affirmé François. Je vous embrasse tous et adresse mes pensées les plus fortes aux réfugiés chrétiens venus en nombre de Syrie et d'Irak ».

Des drapeaux libanais, irakiens, kurdes, mais également argentins, français ou espagnols flottaient par centaines au dessus du stade et les croyants ont entamé allègrement une chanson de bienvenue en arabe, spécialement conçue pour l'occasion. Marina, étudiante égyptienne copte, fait partie d'une délégation de 17 personnes venues à la rencontre du Pape. « Je suis très émue, c'est un moment de grand bonheur pour tous les chrétiens d'Orient, surtout en cette période où nous nous sentons persécutés et menacés sur des terres que nous ne souhaitons pas quitter », affirme-t-elle.

Marina venue tout droit d'Egypte avec ses amis et sa famille. Photo Marisol Rifai

Relani, Sepali Wendy et cinq autres Philippines travaillent en Jordanie comme employées de maison. « Cette journée est indescriptible »; disent-elles à l'unisson. « Ici dans ce stade avec des chrétiens du monde entier, nous nous sentons pour la première fois depuis longtemps comme des êtres humains à égalité avec les autres », confie Relani.

Un grand nombre de Libanais étaient également au rendez-vous, comme Samia venue avec un groupe d'une cinquantaine de personnes. « Même si ne pouvons pas nous rendre en Israël, la Jordanie constitue également une terre sainte chargée d'histoire. Je considère ce voyage comme un pèlerinage et une grande chance pour la chrétienne que je suis », explique-t-elle.

Relani et ses amis acclamant le pape. Photo Marisol Rifai

De l'importance touristique de la visite du Pape
Mais au-delà de l'événement religieux en soi, c'est tout un pays qui espère tirer profit de la visite du pape pour redonner une plus grande visibilité à ses nombreux sites touristiques et religieux et redynamiser le secteur touristique, en baisse depuis le début des soulèvements dans la région. « Nous avons commencé à préparer la visite du Pape en décembre dernier et nous avons consacré un budget de plus d'un million de dollars au marketing de l'événement », explique à L'Orient-Le Jour le directeur exécutif du Comité du tourisme jordanien, Mohamad Abedel Razza' Arabiyat. « L'un de nos principaux marchés a été le Liban où nous avons affiché des pancartes pour annoncer la venue du Pape partout sur les grandes avenues et dans les centres commerciaux », raconte-t-il. Une brochure et une site web traduits en sept langues et spécialement dédiés à la visite du Pape ont par ailleurs été conçus, avec l'histoire et les références bibliques des 23 sites chrétiens de Jordanie.

Vue du stade avec drapeau libanais . Photo Marisol Rifai

La campagne semble avoir porté ses fruits, avec l'arrivée, pour la visite du pape, de cinq avions pleins en provenance de Beyrouth, plus de 1 000 visiteurs irakiens et environ 1 500 Européens. Mais c'est surtout à moyen et long termes que la Jordanie espère tirer profit de cette visite papale. «Nous espérons pouvoir attirer des visiteurs d'Amérique latine, des pays d'Europe de l'Est et des Coréens », indique M. Arabiyat. «Le message que nous voulons faire passer au monde est que la Jordanie est un pays sûr, aux richesses naturelles et historiques inestimables et où on peut vivre une expérience authentique », conclut-il.

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