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Moyen Orient et Monde - Religion

François en Terre sainte : le voyage de l’espérance

La Jordanie, comme la Palestine et Israël se préparent à accueillir le pape François. REUTERS/Muhammad Hamed

Le pape entame samedi une visite de trois jours en Terre sainte qui le conduira au mont Nébo et à Béthanie, en Jordanie, à Bethléem (basilique de la Nativité) et à Jérusalem (Saint-Sépulcre et Cénacle).
La Jordanie, comme le Liban, fait partie de la Terre sainte. Le mont Nébo, c'est la montagne d'où, selon la Tradition, Moïse a contemplé, au-delà du Jourdain, une Terre promise qu'il n'allait pas fouler lui-même, une terre « où coulent le lait et le miel ». Hélas, sur cette terre promise, beaucoup de sang innocent aussi a coulé. On sait aujourd'hui, à la lumière de la Révélation chrétienne qui nous a fait passer de la lettre à l'esprit, que la « terre promise » devait être comprise spirituellement comme le socle inébranlable d'une alliance entre Dieu et les hommes, dont le territoire n'était que l'image périssable et passagère.
Bien entendu, si l'on tient quand même aux lieux physiques qui ont été le théâtre de l'histoire sainte et que le Christ a foulés, c'est comme à des pièces à conviction d'une histoire réelle, d'autant plus précieuses que l'historicité même de Jésus a été jadis contestée, dans des thèses qui n'ont pas tenu la route.

 

(Repère : Les grandes étapes du pape François en Terre sainte)

 

Les deux Alliances
Le pape se rendra ensuite à l'endroit du Jourdain où Jésus a reçu le baptême de Jean. C'est le lieu où s'est effectué la transition entre une histoire sainte et l'autre, entre l'alliance fondée sur le mont Sinaï et l'alliance scellée au Golgotha, puis transmise mystiquement dans l'Eucharistie. C'est le lieu d'où la mission du Christ, investi par l'Esprit Saint, a pris son élan ; où sa vie publique et sa prédication ont commencé.
Bethléem, c'est le lieu de l'incarnation. Celui de l'entrée de la Personne de Dieu dans l'histoire. Non pas d'un prophète ou d'un fondateur de religion, mais du Verbe créateur en personne, de celui « par qui tout a été fait » et sans qui « rien de ce qui est fait n'a été fait ».
Accessoirement, c'est le lieu de l'un des récits fondateurs les plus lucratifs de l'économie mondiale, celui de la fête de Noël, fête du don réciproque et des cadeaux qu'on a dissociée de ses racines chrétiennes. C'est l'inépuisable imagerie de la naissance dans une pauvre étable, annoncée par des anges, d'un enfant qui sera un jour adulé par les foules, puis abattu par un tyran et enfin justifié et ressuscité par Dieu pour devenir le Prince de la Paix, le Roi de Salem.

 

 

 

Jérusalem, épicentre de trois eschatologies
Et enfin le pape se rendra à Jérusalem, épicentre de trois eschatologies distinctes qui ne se superposent que pour mieux se contredire. Ce sera l'apogée de son voyage. Jérusalem, c'est la ville où David a assis sa royauté terrestre ; c'est le marchepied du voyage nocturne du Prophète emporté vers le Ciel ; c'est surtout, pour le pape, le lieu où Jésus s'est offert pour nos péchés et où cette offrande a marqué la grande mutation historique qu'est la résurrection, le triomphe sur la mort physique. Ce triomphe est un événement impensable en termes rationnels, d'où son absolue et perpétuelle nouveauté qui ne peut être appréhendée que dans la foi, et en rapport étroit et permanent avec la Personne du Christ, l'universel concret, modèle de conduite et visage de Dieu.

 

(Lire aussi : Juifs et musulmans attendent François avec des préjugés très favorables)

 

La Jérusalem de l'histoire
La Jérusalem de l'histoire et de la politique internationale ne touche que de très loin ces sommets mystiques. Là, nous retombons dans l'événementiel. La grande question qui se pose à cet égard est la suivante : comment faire de Jérusalem un lieu d'espérance et non une pierre d'achoppement ? Comment gérer cette ville trois fois sainte, et mille fois déchirée, ce trésor qui vient de plus loin et va plus loin que nous, et qui ressemble à un bijou de famille dont on est le gardien et non le propriétaire ? Comment être à la hauteur d'une Jérusalem qui est au sens littéral « ville de paix », et dont nous avons fait le symbole par excellence du rôle pervers que les religions jouent comme sources de violence ?
Répondre à ces questions est plus simple qu'on ne le pense. Faire de Jérusalem un lieu d'espérance passe aujourd'hui par les droits nationaux des Palestiniens, par la liberté d'accès aux lieux saints des trois croyances monothéistes. Et surtout, pour la foi chrétienne, par le biais de l'œcuménisme, la recherche de l'unité visible perdue entre l'Église d'Occident et l'Église d'Orient.

 

(Repère : Les chrétiens de Terre sainte : communautés diverses dans une région troublée)

 

Devoir d'espérance
Pour sa part, François accomplira son devoir d'espérance. À Jérusalem, au Saint-Sépulcre même, il donnera au patriarche œcuménique Bartolomeo le baiser de paix que Paul VI a donné à Athénagoras, cinquante ans plus tôt. Une accolade qui s'accompagna de la levée des excommunications réciproque que les deux Églises avaient prononcées l'une contre l'autre.
C'est ce geste d'espérance, cette volonté d'unité qui est la véritable raison d'être du voyage de François en Terre sainte. Dans sa récente exhortation apostolique, La Joie de l'Évangile, François, parlant de « l'option pour les pauvres », affirme : « L'option pour les pauvres est une catégorie théologique avant d'être culturelle, sociologique, politique ou philosophique » (198). Un peu plus haut dans le texte, il affirmait : « C'est un message si clair, si direct, si simple et éloquent qu'aucune herméneutique ecclésiale n'a le droit de le relativiser » (194).
Ne peut-on en dire autant du commandement d'unité ? N'est-il pas, lui aussi, une catégorie théologique de notre foi chrétienne ? N'est-ce pas d'unité que le Christ a parlé, quand il a prié : « Qu'ils soient un comme nous sommes un » ? Et n'est-ce pas d'unité que la piété populaire, le sensus fidelium, parle depuis les années 70, à partir des capitales arabes comme Le Caire, Beyrouth et Damas ?
Le monde ne peut pas vivre sans espérance. Nous ne pouvons vivre sur terre come une espèce animale de plus, coupés de toute transcendance. C'est aussi ce que vient dire François à Jérusalem, et qu'il dira spécifiquement aux musulmans sur l'Esplanade des Mosquées, et aux Juifs au Mur des Lamentations et à Yad Vashem, le monument aux morts de la Shoah.

 

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