Le topo est on ne peut plus clair : une expectative librement consentie, totalement assumée. Le mot d'ordre qui s'ensuit est d'une banalité désarmante : il faut attendre. Rester à l'écoute des uns et des autres, lever le petit doigt pour vérifier la direction des vents et prendre son mal en patience... Le temps que les oracles rendent leur verdict.
Et c'est ainsi que Samir Geagea attend que Michel Aoun se décide, lequel ronge son frein en attendant que Saad Hariri sorte de sa réserve, lequel, lui aussi, ne sait toujours pas à quel étrier mettre le pied alors qu'Amine Gemayel s'efforce d'y voir un peu plus clair avant de se lancer dans la mêlée...
Quant aux autres, de Robert Ghanem à Boutros Harb, de Henri Hélou à Sleimane Frangié, ils jaugent les perspectives en fonction des décisions que prendront les ténors de base, lesquels entendent maintenir le suspense jusqu'à l'extrême limite du supportable. Entre-temps, tous, sans exception, proclament, bien évidemment, leur respect de la tradition démocratique, les uns en élisant domicile au Parlement, les autres en s'inscrivant aux abonnés absents.
Ainsi va le petit cercle du marounistan présidentiel : on s'épie, on se congratule, on lance des opérations-sauvetage et de temps à autre on se lance des piques façon de marquer son propre territoire. Assez bizarrement les plus forts en gueule se découvrent alors des talents de modérateur et de candidats de défi ils se métamorphosent en figures consensuelles.
Oubliés alors le passé, les accusations de malversations et de corruption, enterrées les haines farouches, celles mises au service de calculs rapidement démonétisés, et c'est dans des huis clos vite éventés que se façonnent les rêves d'accords bilatéraux pavant la voie royale menant à Baabda...
On s'espionne donc, on s'essaye aussi à la séduction, on laisse même entendre que des revirements fondamentaux, des retournements de veste peuvent être envisagés. Tout est dit, tout est sous-entendu et les cartes changent de mains dans une partie de poker menteur qui s'éternise et qui risque de laisser tout ce beau monde sur le carreau.
Les plus futés sont peut-être ceux qui gardent un profil bas, qui ne se manifestent pas et qui ne « crèvent pas l'écran » à chaque talk-show. Ces « hommes de l'ombre » ne sont pas ignorés par les sondages d'opinion et jouissent de parrainages occultes qui pourraient bien s'avérer payants.
Ainsi va le marounistan politique, celui qui laisse passer les occasions d'entente et enfonce davantage le pays dans une paralysie d'ordre institutionnel ; celui qui garde les portes largement ouvertes à toutes les interférences externes, qu'elles soient perse ou wahhabite, russe ou américaine. Et l'on s'étonne encore que le Hezbollah puisse continuer à dicter ses conditions et que l'Iran se permette de dire que ses frontières s'étendent jusqu'au Liban...
Finalement, pour enfoncer le clou, un dernier constat bien amer : c'est l'islam réuni, dans ses composantes chiite, sunnite et druze, qui tient, aujourd'hui, les leviers de la présidentielle. Les maronites, eux, n'auraient plus alors qu'à donner leur blanc-seing... Leur adhésion au fait accompli !
Et c'est ainsi que Samir Geagea attend...
Adhésion au fait accompli des maronites , une belle perle qui blesse mais trop réelle.
14 h 58, le 12 mai 2014