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Économie - Des villes et la crise - Reportage

À Byblos, le tourisme attend la paix...

Depuis le début de la guerre en Syrie, comment la crise se fait-elle ressentir sur l'économie des villes libanaises ?
Commerces, tourisme, agriculture, industrie, comment ces moteurs ont-ils été affectés ? Dans sa nouvelle rubrique, « Des villes et la crise », « L'Orient-Le Jour » propose tous les mois le portrait économique d'une ville face à la crise syrienne. Troisième étape : Byblos, joyau touristique.

Le souk de Byblos en mal de touristes.

Le soleil a beau briller de toutes ses forces en cette belle matinée d'avril, rien n'y fait. Les ruelles du vieux souk de Byblos demeurent désespérément vides, en mal de touristes.
Au son de Fayrouz, les commerçants s'occupent comme ils peuvent. Dimitri et Walid, chacun gérant d'une boutique de souvenirs, se disputent une partie de backgammon. « Il y a quelques années encore, les visiteurs se bousculaient ici, se rappelle le premier, c'était la belle époque ! Aujourd'hui, nous attendons tous la paix. »
« Les magasins ferment chacun à son tour, ajoute son adversaire. Nous devions déjà faire face à l'absence des touristes du Golfe après le boycott des pays arabes, aujourd'hui, il nous faut aussi composer avec les dernières vagues d'attentats qui font fuir les Libanais. »

 

« Byblos n'est rien sans ses touristes »
Même constat au guichet de la citadelle de la ville. Selon le responsable du site, les « entrées ont diminué de plus de moitié depuis le début de la crise syrienne. » « Il n'y a plus de touristes, répète-t-il. Plus de croisières Liban-Syrie-Jordanie. Les gens ont peur, les Libanais eux-mêmes n'osent plus sortir. Plus personne ne vient. »
Un peu plus bas dans la ruelle, Pierre Abi Saad, paléontologue et gérant d'une boutique de fossiles, dresse lui aussi un bilan alarmant. « Nous avons perdu plus de 80 % des visiteurs depuis le début de la crise syrienne. Aujourd'hui nous travaillons à peine à 10 %. » Selon le professionnel, même pendant la guerre civile, la situation n'était pas aussi grave. « Réussir à ne pas fermer est aujourd'hui notre unique objectif. Byblos ne vit que grâce aux touristes. Sans eux, nous ne sommes rien. »

 

 

 

 

Vers un autre tourisme...
Circonstances obligent, la ville de Jbeil essaie aujourd'hui de se tourner vers une autre forme de tourisme à destination des Libanais eux-mêmes. « L'économie de la ville repose à 60 % sur son activité touristique, or avec la crise syrienne ce chiffre est tombé à 20 % aujourd'hui », explique Ayoub Bark, vice-président du conseil municipal.
Avant la crise, la ville de Byblos attirait quelque 750 000 visiteurs par an contre 300 000 au commencement de la crise syrienne, estime l'élu. « Chaque touriste qui vient au Liban prévoit un passage obligé à Byblos, mais aujourd'hui, il n'y a plus de visiteurs étrangers au Liban... »
Alors la municipalité s'adapte et multiplie les investissements et partenariats dans l'optique de développer le tourisme interne.
Parmi les projets ayant pour but d'attirer davantage de Libanais figurent la restructuration du centre-ville financé par la Byblos Bank pour un coût de 2 millions de dollars, la création d'un centre d'informations touristiques et un partenariat avec le Festival de Byblos pour la projection de films en 3D lors de l'événement estival. « Ces investissements nous ont permis de ralentir un peu la chute libre de l'activité touristique », explique le vice-président de la municipalité.

 

Roger Eddé : Ne plus compter sur les touristes étrangers
La municipalité de Byblos n'est pas la seule à avoir dû adapter sa stratégie à l'absence de touristes étrangers. À Eddé Sands, complexe balnéaire haut de gamme, la direction a également dû réaménager son offre en réponse à l'absence de touristes arabes.
Les « cabanes » composées de quatre chambres avec salle de bains et salon étaient autrefois louées à 3 000 dollars la nuit par des familles du Golfe. « Aujourd'hui, nous avons bâti un mur pour séparer la villa en deux et pouvoir louer chaque chambre individuellement à 500 dollars la nuit », explique Brigitte Hage Chahine, responsable à Eddé Sands. « De même, le groupe avait lancé il y a trois ans la construction d'un bâtiment supplémentaire qui devait loger des suites luxueuses de 200 m2 pour attirer des touristes du Golfe, explique-t-elle. Aujourd'hui, l'espace a été transformé en complexe sportif. » « L'heure n'est plus au luxe du goût des touristes arabes, ajoute la responsable. Nous nous dirigeons davantage vers une offre plus standard à destination des Libanais. »
Une tendance confirmée par Roger Eddé, le propriétaire du groupe : « Les conséquences de la crise syrienne se font surtout ressentir au niveau des dépenses des clients », explique-t-il.
« Avant la crise, alors que l'on pouvait réaliser jusqu'à 45 000 dollars de chiffres d'affaires par jour pour une cabane, ce chiffre est aujourd'hui tombé à 5 000 dollars. La raison est l'absence de touristes arabes qui étaient les plus grands dépensiers. Aujourd'hui, il ne faut compter que sur les Libanais. Une différence dramatique pour l'établissement. »
Même la diaspora libanaise a fini par bouder son pays d'origine. « Nous avons enregistré une diminution de 70 % des Libanais de l'étranger. Il s'agissait d'une clientèle essentielle et régulière qui nous faisait une publicité qui n'a pas de prix. »

 

Les hôteliers obligés de s'adapter
C'est surtout pour les hôteliers que la situation est la plus difficile. « La crise syrienne a beaucoup affecté l'activité de notre établissement, confirme Mouna Mounzer, responsable marketing à Byblos sur mer. L'année dernière nous enregistrions un taux d'occupation de seulement 25 %, car comme le reste du secteur nous subissions l'absence de touristes étrangers au Liban. »
L'établissement a également dû s'adapter à la nouvelle donne. « Cette année, nous avons repensé notre stratégie marketing, poursuit la responsable, en réponse aux circonstances. »
L'hôtel s'est lui aussi focalisé sur le marché interne en développant des offres spéciales à l'intention des clients libanais. Stratégie plutôt payante puisque Byblos sur mer affiche cette année un taux d'occupation de 45 % sur la même période. « Cela nous a quelque peu compensé les pertes de l'an passé, conclut Mouna Mounzer, même si la situation est toujours difficile. »

 

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