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Liban - Rencontre

Tammam Salam : Mon gouvernement n’est pas là pour remplir le vide

Le Grand Sérail est redevenu une ruche, s'activant presque sans interruption pour tenter de régler les nombreux dossiers en suspens depuis onze mois. Après tout ce temps perdu, son nouveau locataire Tammam Salam apparaît comme un homme providentiel.

Tammam Salam entouré d’une délégation élargie de l’ordre des journalistes. Photo Dalati et Nohra

Il y a ceux qui l'aiment pour sa famille et pour ce qu'il représente et ceux qui voient en lui celui qui va remettre le pays sur les rails. Face à tous ces espoirs placés en lui, le Premier ministre, Tammam Salam, reste modeste, conscient de l'ampleur de la responsabilité mais aussi confiant dans une certaine forme de sagesse chez les Libanais. Devant une délégation élargie de l'ordre des jounalistes, menée par Élias Aoun, M. Salam dresse un premier bilan (positif) de l'action de son gouvernement, mais ajoutant que cet élan dynamique pourrait difficilement se poursuivre si l'échéance présidentielle n'est pas respectée. Il affirme aussi que son gouvernement n'est pas là « pour remplir le vide ».

Tammam Salam commence par insister sur le rôle des médias, lançant non sans humour la phrase suivante : « Avant, le Liban était soumis au féodalisme politique. Désormais, il est soumis à celui des médias. » M. Salam précise ensuite que le Grand Sérail est le centre du pouvoir au Liban, mais c'est aussi celui de la sagesse et il est au service du pays.

Selon lui, la véritable raison de la naissance de son gouvernement est l'état d'épuisement dans lequel se sont trouvées toutes les parties internes. « Elles ont compris, dit-il, que le pays est sur le point de s'effondrer et qu'on ne peut plus continuer comme cela. Elles ont donc accepté l'idée de faire des concessions pour que le gouvernement puisse voir le jour. » Pour confirmer ses dires, M. Salam raconte que lors de son premier jour au Sérail après la formation du gouvernement, une journaliste lui a lancé : « Nous ne voulons rien de vous. Seulement, laissez-nous souffler. » Il ajoute que cette phrase l'a beaucoup marqué parce qu'elle exprime un état d'esprit général.

M. Salam assure que l'État ne peut pas avoir du pouvoir sans le prestige qui va avec. Or au cours des derniers mois, le prestige de l'État était bafoué. « Tripoli hier me rappelait Beyrouth en 1975. À ce moment-là, il s'agissait aussi d'envoyer l'armée se déployer au centre-ville entre les belligérants. Mais finalement la décision n'a pas été prise, car il y avait des craintes pour son unité. Aujourd'hui, la décision a été prise, bien qu'il y avait des risques de provoquer un bain de sang. Mais l'armée a montré son unité et sa cohésion, et toutes les parties politiques ont appuyé la décision. C'est une grande réalisation et "ce monstre" qui était en train de dévorer la ville s'est effondré rapidement. Mais il faut préserver et protéger cette réalisation », affirme-t-il.

Commentant les scènes de retrouvailles entre les habitants de Jabal Mohsen et de Bab el-Tebbaneh, le Premier ministre reprend une citation de son père Saëb Salam qui avait déclaré en 1990 : « Si les Libanais sont livrés à eux-mêmes, je crains qu'ils ne s'étouffent à force de s'étreindre... »

C'est d'ailleurs cela le leitmotiv du Premier ministre : laisser les Libanais entre eux pour qu'ils puissent élire un président, tout comme ils ont réussi à s'entendre pour former un gouvernement. M. Salam reconnaît toutefois que l'appui de la communauté internationale a largement contribué à faciliter la naissance du gouvernement, mais, au final, ce sont les Libanais qui ont trouvé l'accord, alors que jusqu'à présent, il fallait des visites au Liban d'émissaires étrangers et même parfois des rencontres à l'étranger (une allusion à l'accord de Doha) pour aboutir à des accords ou élire un président. Cette fois, donc, l'intervention étrangère n'a pas été directe.

M. Salam ne veut pas être trop optimiste, mais il mise sur l'épuisement de toutes les parties internes et sur le fait qu'elles ont compris que le pays était au bord de l'effondrement. Il reconnaît aussi que le fossé est profond entre les différentes parties, de même que l'absence de confiance entre elles est presque totale. Il faut donc rétablir peu à peu cette confiance. Selon lui, l'élection d'un nouveau président à la date prévue permettra au Liban d'être réellement sur la bonne voie. Sinon, il y aura une « pause » qui, à la longue, pourrait devenir un pas en arrière.

Le Premier ministre rappelle que son gouvernement, qui n'est pas censé avoir une longue durée de vie, a été contraint de fixer une échelle des priorités pour agir. La sécurité s'est naturellement imposée comme primordiale. Il y a aussi le problème des réfugiés syriens qui ont dépassé hier le million de personnes enregistrées. Dans ce cas, il reconnaît que les promesses de la communauté internationale et des pays arabes n'ont pas été tenues. Mais, selon M. Salam, c'est aussi un peu la faute des Libanais qui affichaient leurs conflits et leurs divisions. « Aujourd'hui, si nous montrons que nous sommes sérieux, les aides pourraient être plus consistantes », dit-il, avant de préciser que ce dossier est en train d'avoir un effet boule de neige.

Tammam Salam reconnaît que les défis sont nombreux et qu'il ne suffit pas de régler les problèmes sécuritaires, même si c'est déjà un pas très important. Il faut aussi s'occuper des questions administratives et sociales. C'est pourquoi, il a d'ailleurs donné des instructions pour que l'État dans toutes ses institutions civiles se dirige vers Tripoli, pour que les habitants de cette ville comprennent que l'État ce n'est pas seulement l'autorité militaire. Et il ne cache pas sa satisfaction de voir que son gouvernement a réussi à nommer en une seule séance dix fonctionnaires à des postes-clés. Concernant la nouvelle échelle des salaires, il précise que le dossier est entre les mains du Parlement.

Tammam Salam affirme ne pas avoir de données sur un éventuel rapprochement entre l'Arabie saoudite et l'Iran, même s'il estime qu'un tel rapprochement aurait forcément des conséquences positives sur le Liban. Il précise aussi que le Liban et la région ont souffert de l'hégémonie américaine sur le monde, mais maintenant, le retour à une certaine bipolarisation pourrait être plus constructif... Tammam Salam n'aime pas toutefois se lancer dans des analyses régionales et stratégiques. Il a les pieds sur terre, principalement soucieux de soulager les souffrances des Libanais. Il se veut modeste, car il voit dans la modestie à la fois de la grandeur et de l'abnégation. Il ne promet pas monts et merveilles. Mais à sa manière, il a déjà fait des « miracles »...

 

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commentaires (6)

Il est donc là, pour évacuer le trop plein de compétences...?

M.V.

16 h 19, le 05 avril 2014

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Commentaires (6)

  • Il est donc là, pour évacuer le trop plein de compétences...?

    M.V.

    16 h 19, le 05 avril 2014

  • CORRECTION ! Merci : ".... quelques minutes de bonheur absolu d’une Fayroûz ou d’un Zaki Nassîf, sans oublier Wadîïh comme de bien entendu....".

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    15 h 02, le 05 avril 2014

  • SOUHAITONS QUE CE NE SOIT PAS LE VIDE QUI EST LÀ POUR LE REMPLIR ! J'ENTENDS COMME DES CHANTS DE COQ... GARDEZ BIEN LE POULAILLER !

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 05, le 05 avril 2014

  • Si on n’est pas l’intime d’un Yâ Salâm ou le familier d’un Chî Tamâm dont les Platitudes ne cessent de troubler la quiétude ambiante, on est décontenancé par un discours si déblatéré ! Ce style "d’acteurs" sont assurément des individus pour qui ce qui se conçoit bien s’énonce d'une façon claire. À cela près que les mots pour le dire leur arrivent non pas aisément, mais dans un assez triste état ! Et ressortent plus malmenés encore. On ne fait que deviner ce que signifie au juste leurs baratins, mais le "Exit Hariri", lui Hariri doit le savoir et s’alarmer! On s’inquiète pour cette façon "d’éructer", qui triture les phrases jusqu’à ne plus constituer qu’une gluante pâte. Un galimatias, ou un sabir levantin plat remontant dare-dare se suspendre dans un arbre… de la connaissance, pour y baragouiner comme n’importe quelle domestique "portée" ! Et que dirait Al-Akhtalé-Saghîr le bien nommé, certes désuet, mais qu’il serait dommage de zapper, lui qui doit bien dans sa tombe se retourner. Qu’y faire ? D’une part des psalmodies hachées menu et presque analphabètes ; et de l’autre, un discours stérilisé et tellement normé qu’il en devient sur le champ insipide et d’une parfaite nullité. Ou plutôt écouter quelques minutes de bonheur absolu d’une Fayroûz ou d’un Zaki Nassîf, fredonnant des bribes de leurs chansonnettes lavées à l’eau claire et pas frimeuses pour un sou peut-être ? Autant en profiter.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    09 h 27, le 05 avril 2014

  • Elle est de combien la "Moyenne d'Âge", au sein de cet "Ordre" ? !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    07 h 51, le 05 avril 2014

  • OU : QUAND L'ANALYSE OU BIEN LA NOUVELLE, SE PASSANT DE SOURCES ET D'AFFLUENTS, SONT SALUÉES POSITIVEMENT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    05 h 44, le 05 avril 2014

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