Dans une Syrie saignée à blanc et rongée par une crise humanitaire inouïe, le régime de Bachar el-Assad est à l'offensive pour regagner le terrain perdu face à une rébellion divisée, à l'aube de la quatrième année de guerre. Alors que le pays, labouré par les bombes et vidé de ses forces vives, se désintègre, aucune solution rapide ne se profile d'autant que les deux parrains des pourparlers de paix à Genève, les États-Unis et la Russie, sont en conflit à cause de la situation en Ukraine.
« Sans intervention occidentale, la guerre durera encore plusieurs années, et une telle intervention est très improbable tant qu'Obama est à la Maison-Blanche. Les choses pourraient changer après 2016 », estime Thomas Pierret, spécialiste de la Syrie et maître de conférence à l'Université d'Édimbourg.
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En effet, aucun des protagonistes ne semble avoir les moyens de l'emporter.
La stratégie du régime est de garder la haute main sur la « Syrie utile », à savoir la côte, les grandes villes et les grands axes. L'opposition contrôle plus de territoire mais le régime tient sous sa coupe les régions les plus peuplées. Il a avancé sur trois axes : dans le sud de Damas, où il a imposé des armistices à plusieurs localités rebelles assiégées et mourant de faim, dans la région montagneuse de Qalamoun, au nord de Damas, où il encercle Yabroud, et enfin au nord de la ville d'Alep, où il a progressé en tentant de prendre les rebelles en tenailles.
Dans le même temps, la rébellion se déchire. Une guerre sans merci oppose depuis janvier les rebelles, en majorité islamistes, et la branche officielle d'el-Qaëda en Syrie, le Front al-Nosra, aux impitoyables jihadistes de Daech (l'État islamique en Irak et au Levant, lié à el-Qaëda). Toutefois, le régime n'a pas les effectifs pour regagner le terrain perdu. Selon les experts, il y aurait 100 à 150 000 insurgés, dont 10 à 20 000 combattants étrangers répartis dans 2 000 groupes, mais le plus important est le Front islamique, une coalition de combattants islamistes. Face à eux, il y avait avant la crise 300 000 loyalistes, dont la moitié de conscrits, auxquels s'ajoutent des dizaines de milliers de supplétifs, mais selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), 50 000 sont morts en trois ans.
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« Aucun côté n'est en train de gagner. Assad peut peut-être garder la majeure partie du territoire et appliquer la politique de la terre brûlée dans les régions qui sont hors de son contrôle, mais il ne pourra jamais rétablir l'intégrité du pays sous son régime », explique Volker Perthes, directeur de l'Institut allemand de politique étrangère et des questions de sécurité basé à Berlin. Pour l'auteur de La Syrie sous Bachar, la désintégration du pays « n'est pas une possibilité mais une réalité, et si la guerre devait s'arrêter demain, cela prendrait plus d'une décennie avant que le pays ne se redresse ».
Le géographe spécialiste de la Syrie Fabrice Balanche envisage lui aussi, « en l'absence de victoire d'un camp sur l'autre, une partition de fait entre région kurde au Nord-Est, une région rebelle au Nord et une zone aux mains du régime au centre ». « En fait, il n'y a pas de bon scénario pour la Syrie. Assad va se rétablir lentement, mais à quel prix. Le pays mettra du temps à se rétablir, car les problèmes structuraux d'avant la crise vont s'ajouter à la reconstruction », ajoute-t-il.
Entre-temps, M. Assad ne chôme pas. Il a reçu hier une délégation parlementaire russe, devant laquelle il a déclaré que « la Russie avait rétabli l'équilibre dans les relations internationales, après de longues années d'hégémonie » des États-Unis, qualifiant le rôle de Moscou « d'essentiel et vital ». Il a également exprimé « l'estime du peuple syrien aux positions russes ». La délégation russe a pour sa part informé M. Assad qu'il avait été coopté à l'Académie des sciences Pierre le Grand pour « avoir renforcé les relations syro-russes ».
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commentaires (9)
Enfin! Enfin! Enfin!!!Il y a un logement prévu!!! à l'Académie des sciences Pierre le Grand pour « avoir renforcé les relations syro-russes ». Ah ces ex soviétiques ils ont pas perdu le nord...bientôt la valeur du Assad va baisser, dans les trocs internationaux, il pourra venir prendre des couleurs en Crimée!! qui sait! Ainsi les relations syro russes iront mieux...
CBG
13 h 22, le 13 mars 2014