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Nos Lecteurs ont la Parole - Sofia FARHAT

L’espoir malgré tout

Le soleil se couche au rythme d'une nouvelle explosion à Beyrouth. Un coucher de soleil, un nuage de fumée. Et des regards, de moins en moins de regards ; dans un pays de plus en plus en ruine.
Peu – ou beaucoup – de personnes savent ce que c'est que de perdre une partie de soi dans chaque bombe qui tombe, dans chaque voiture piégée qui, en l'espace de quelques secondes, n'est plus. Des mères qui pleurent encore la mort de leur premier enfant; des amis qui pleurent encore leur amis et dont les larmes n'ont pas encore séché. Chasser l'âme d'un corps déjà en ruine... Une maison qui, tombée en milliers de morceaux, tente de se reconstruire. Le corps, lui, le pourra-t-il un jour ?
Un homme et une bombe. Nous pourrions pendant des heures et des heures débattre de ce qui les éloigne comme de ce qui les rapproche l'un de l'autre. La bombe peut tuer quelqu'un ou plusieurs. Mais elle fait également autre chose. Elle ouvre les yeux au frère qui a perdu sa sœur ; et en tuant une personne, elle en fait naître dix. De sorte qu'à la fin comme au début, il n'y ait plus qu'un homme face à une bombe. Une bombe qu'il a appris à dompter depuis qu'il est enfant – s'il l'a été un jour...
Oui, nous sommes les fils et les filles d'une interminable poésie des sens ; une poésie qui naît avec l'espoir et qui se complète quand s'ajoutent seuls des vers après chaque cri, chaque larme, chaque sourire.
À tous ceux qui ont disparu ces derniers jours, je dis : vous êtes toujours là. Trois choses dans ce monde demeurent une fois que nous sommes passés. La première est vos idées, vos rêves, qui deviennent les nôtres. La deuxième est votre espoir qui s'est dissous dans l'air que nous respirons maintenant. Le troisième est le sourire que vous nous avez confié un jour.
Et à vous qui osez détruire une jeunesse qui essaye de renaître et de se reconstruire, je dis : gardez vos bombes, nous gardons notre luth ; nous gardons les regards des personnes que nous aimions, que nous aimerons toujours, parce que vos bombes ne savent pas les tuer.
Explosez, criez, ricanez si cela vous amuse ; nous saurons chanter plus fort que vos cris, voir plus loin, voir tout court.
Parce qu'un luth ne se taira pas tant que le soleil se lève et se couche. Tant que la terre est mouillée et que la graine continue à germer, il chantera le ruissellement de l'eau, imitera la couleur rose des fleurs de l'amandier, qui, en ce début mars, recommence à fleurir.
Nous gardons espoir.

Sofia FARHAT

Le soleil se couche au rythme d'une nouvelle explosion à Beyrouth. Un coucher de soleil, un nuage de fumée. Et des regards, de moins en moins de regards ; dans un pays de plus en plus en ruine.Peu – ou beaucoup – de personnes savent ce que c'est que de perdre une partie de soi dans chaque bombe qui tombe, dans chaque voiture piégée qui, en l'espace de quelques secondes, n'est...

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