S'il fallait compter le nombre de poissons que les hommes politiques libanais ont noyés tout au long de l'histoire mouvementée de notre pays, il ne resterait pas un seul poisson vivant dans l'océan de leurs bêtises, de leur irresponsabilité, des crimes commis contre les citoyens.
Maintenant que le gouvernement Salam est enfin constitué, voilà nos hommes politiques qui se gargarisent déjà des progrès accomplis dans l'énoncé de la déclaration ministérielle, un texte édulcoré qui ne sera bien évidemment que de la poudre aux yeux destinée à éluder les vrais problèmes et, par conséquent, à maintenir sous le boisseau les sujets conflictuels qui leur exploseront un jour ou l'autre au visage.
La question fondamentale est d'ordre structurel et le chantier des réformes est tellement énorme qu'il devient plus aisé de se rabattre sur des solutions conjoncturelles qui bouchent les petits trous mais laissent ouverte la plaie béante. Une hémorragie qui liquéfie chaque jour un peu plus un État pris en otage, contraint de traiter en position de faiblesse avec les hordes du fait accompli.
À force de tergiverser, de tourner autour du pot, et de guerres intestines en aventures meurtrières, de compromissions en espaces vitaux abandonnés aux milices successives, la légalité a progressivement perdu l'autorité indispensable à tout État de droit.
Soyons clairs : le Liban d'aujourd'hui, dans la structure politique héritée de l'ancienne puissance mandataire, n'est plus viable, n'a plus d'avenir. C'est d'un nouveau pacte national que le Liban a urgemment besoin, un pacte fondateur d'une République réinventée qui ne serait plus à la traîne, abandonnée dans une gare d'attente désaffectée alors que le train du progrès fonce à toute allure vers l'avenir de toutes les promesses.
Triste, bien pathétique est aujourd'hui le pays du Cèdre livré aux appétits gourmands de ses communautés, toujours assujetti à la règle infâme du partage du gâteau, contraint d'attendre le bon vouloir de parrains étrangers pour tenter de survivre, perpétuant ainsi les causes mêmes de sa lente agonie.
Si elle a lieu, l'élection présidentielle tant attendue amènera-t-elle à la tête de l'État l'homme providentiel qui osera enclencher le processus menant à la fondation d'une nouvelle République ? Celui qui prendra son courage à deux mains pour élaborer un pacte national salvateur qui contraindra toutes les parties à ne se mouvoir que dans le seul giron de l'État ?
Vœux pieux, me diriez-vous, à l'heure où les interférences externes sont plus dévastatrices que jamais, où le Hezbollah affiche haut et fort sa volonté de poursuivre sa guérilla non pas en terre libanaise occupée mais dans une Syrie saignée à blanc. Vœux pieux alors que les attentats-suicide se multiplient, attisant les haines, les soifs de vengeance. Vœux pieux à l'heure où les alliances ne se font et ne se défont qu'en fonction d'ambitions personnelles, de gains conjoncturels... le temps d'un mandat parlementaire ou même présidentiel.
À nos portes, dans notre environnement immédiat, le morcellement frappe plus d'un pays, abat sournoisement l'édifice hérité de l'accord de Sykes-Picot. Faut-il donc que la contagion, la contamination pour être plus précis, nous rattrape, nous replonge dans les affres des replis géographiques et confessionnels pour la simple raison que les intérêts communautaires et extranationaux prévalent toujours sur l'intérêt national ?
C'en sera fait alors de nos rêves d'une nation moderne, de nos aspirations légitimes à une République rénovée où le citoyen n'évoluera, ne progressera qu'à l'ombre du seul État de droit...
Maintenant que le gouvernement Salam est enfin constitué, voilà nos hommes politiques qui se gargarisent...
L'État de droit ne verra jamais le jour avec toutes ces tribus qui nous gouvernent , et surtout le choix des ministres qui pensent à leurs commissions avant de signer tout projet.
15 h 15, le 24 février 2014