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Liban - Assassinat Hariri

TSL : un seul procès pour les cinq accusés, décide la chambre de première instance

La décision est enfin prise : il y aura un seul et non deux procès au Tribunal spécial pour le Liban, dans l'affaire de l'assassinat de Rafic Hariri. Aux yeux des juges de première instance qui siégeaient hier pour trancher cette question, la jonction du dossier visant Hassan Habib Merhi (le cinquième accusé) à celui visant Salim Jamil Ayache, Moustapha Amine Badreddine, Hussein Hassan Oneïssi et Assad Hassan Sabra évitera à la cour une redondance dans la présentation des preuves, un étirement inutile du processus judiciaire dans le temps et surtout des économies monstres. Cette mesure ne portera en aucun cas atteinte à la règle sacro-sainte du respect des droits des accusés et du temps nécessaire à la défense pour préparer ses dossiers, comme l'a expliqué le président de la chambre de première instance, David Re.


Cette décision est survenue à l'issue d'une journée d'audience au cours de laquelle la chambre de première instance a entendu les arguments de l'accusation, des conseils de la défense ainsi que du greffier et du chef du bureau de la défense. Une fois de plus, ce dernier aura reconquis son titre de juriste trublion.


« Si vos enfants seront appelés à revoir le procès dans vingt ans, comment pourriez-vous leur justifier l'invalidation du rôle du juge de la mise en état et de celui de la défense ? » s'est interrogé François Roux en s'adressant au procureur, Norman Farell.
« Les propos de M. Roux qui affirme que mes enfants auront honte de moi un jour sont quelque peu exagérés », a rétorqué le procureur, qui a assuré que l'accusation « ne demande pas l'abrogation du rôle du juge de la mise en état. M. Roux a mal compris. Nous cherchons simplement à appliquer la loi ».


Le procureur n'a d'ailleurs pas hésité à demander en cours de journée à ce que M. Roux soit empêché de s'exprimer durant l'audience, n'ayant pas de prérogative en ce sens, puisque ce sont les conseils des accusés qui le font. Une requête qui a soulevé la contestation collective des conseils de défense qui ont fait front pour exprimer leur solidarité avec M. Roux.


Autorisé par le juge Re à s'exprimer, M. Roux a tenu à ressusciter les principes jadis défendus par l'ancien président du TSL, Antonio Cassese, également consacrés dans le rapport du secrétaire général de l'ONU. Et de se lancer dans une tirade en faveur des droits des suspects et des accusés, plaidant la nécessité de garantir l'égalité des moyens entre la défense et l'accusation, sachant que celle-ci « bénéficie de moyens énormes », a-t-il fait remarquer.


« Nous sommes simplement en train d'évoquer des propositions et des remarques. Nous ne cherchons à sacrifier les droits de quiconque. Nous soutenons toutefois le droit des accusés à un procès qui se déroule dans un laps de temps raisonnable », a rétorqué M. Farell.
Avant d'ajouter : « Les craintes du chef du bureau de la défense sont injustifiées, car une grande partie des procédures de mise en état concernant M. Merhi ont déjà été prises. »
Cet échange n'était qu'un échantillon du bras de fer qui a eu lieu entre les deux parties, marqué par des moments de tension alternés d'une dose d'humour à laquelle le juge Re a souvent contribué, usant souvent de son rôle d'arbitre pour replacer le débat dans son contexte et remettre le train sur les rails.


L'accusation, qui avait présenté ses arguments en faveur de la jonction des deux dossiers, a mis en exergue les nombreux liens entre les deux instances (Merhi et les quatre autres accusés), rappelant que les preuves et documents dans les deux cas « sont similaires à 99 % ».
Bien que ne contestant pas a priori le principe de la jonction, la défense a plaidé tout au long de la journée en faveur de la réhabilitation du rôle du juge et par là même de la phase de mise en état, une période nécessaire en termes de temps et permettant aux conseils de M. Merhi de se familiariser avec le dossier et la procédure.
La défense n'a pas hésité d'ailleurs à comparer le cheminement des deux instances à celui d'un TGV (train à grande vitesse) qui doit être rattrapé par un train à vitesse normale. Une image visant à rappeler que le cas Merhi est venu se greffer, en dernière minute, à celui des quatre autres accusés, dont la procédure a déjà sérieusement avancé.


Les conseils de M. Merhi ont en outre insisté sur le risque de conflit d'intérêt entre les deux dossiers et sur le facteur temps, fondamental à leurs yeux, pour préparer leur défense. « La jonction est certes la procédure la plus appropriée, à deux réserves près, la première étant en conflit d'intérêts avec la seconde instance », a affirmé Mohammad Oueini, avant d'ajouter : « Nous aspirons à un procès respectueux du principe d'équité, et du temps et des moyens nécessaires » accordé à la défense. Il a demandé à ce propos que la période restante de mise en état puisse se dérouler devant le juge de la mise en état et non devant la chambre de première instance.


Des arguments auxquels l'un des juges présents ne s'est pas privé de répondre, en faisant remarquer en substance qu'il semble plus approprié de dire que « le conflit d'intérêts est à rechercher entre les conseils plutôt qu'entre les accusés ».


Bref, autant d'effets de manche qui n'auront pas pour autant éclipsé l'unique point d'entente sur lequel l'ensemble des parties est acculé, à s'entendre : toute prolongation injustifiée d'une procédure déjà assez complexe ne peut qu'être préjudiciable aux intérêts de l'accusation aussi bien que de la défense, sans parler des victimes.
C'est le greffier qui a tenu à le rappeler sans ambages hier : « La tenue de deux procès (au lieu d'un) requiert des ressources financières additionnelles qui peuvent atteindre 10 millions d'euros et prolongera de manière substantielle le procès en l'affaire Ayache et autres. »
« Compte tenu des circonstances, l'intérêt de la justice commande la jonction des deux affaires. La chambre de première instance a par conséquent déclaré que celles-ci seraient jointes et que les accusés seraient jugés en vertu d'un unique acte d'accusation », a conclu David Re en rendant sa décision.


Rappelons toutefois que la décision prise hier par la chambre de première instance reste à ce stade une décision orale. Une décision écrite sera rendue très prochainement, a annoncé le TSL dans un communiqué publié en soirée.
L'audience, qui se poursuivra aujourd'hui, à partir de 10h (heure d'Europe centrale), permettra à la chambre d'envisager les modalités applicables à la suite de la procédure et notamment la durée de la suspension nécessaire, pour permettre aux conseils de Hassan Habib Merhi de bénéficier du temps nécessaire à leur préparation.

 

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