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Économie - Liban - Table ronde

Le secteur privé à « L’OLJ » : Agir, et vite !

 « L'Orient-Le Jour », en coordination avec le Rassemblement des dirigeants et chefs d'entreprise libanais (RDCL), a organisé hier une table ronde avec plusieurs représentants du secteur privé. Après avoir dressé un bilan, alarmant, de l'année 2013, le secteur privé s'est penché sur des solutions potentielles à la crise qui pèse sur l'économie depuis plus de deux ans.

Autour de la table, dans les bureaux de « L’Orient-Le Jour » : Fouad el-Khazen, Fouad Zmokhol, Makram Sader, Joe Kanaan, Fady Gemayel, Paul Ariss et Assaad Mirza. Photo Michel Sayegh

L'année 2013 fut l'une des pires que le Liban ait connues au niveau économique. Tel était le constat alarmant de sept grands représentants du secteur privé, réunis hier dans les locaux de L'Orient-Le Jour, autour de la table ronde organisée en coordination avec le Rassemblement des dirigeants et chefs d'entreprise libanais (RDCL).

Tour à tour, Fouad Zmokhol, président du RDCL, Makram Sader, secrétaire général de l'Association des banques du Liban (ABL), Joe Kanaan, président-directeur général de Sodeco Gestion, Fouad el-Khazen, président du syndicat des entrepreneurs des travaux publics, Fady Gemayel, président des industries papetières, Paul Ariss, président du syndicat des restaurateurs, et Assaad Mirza, président de l'Association des compagnies d'assurances au Liban (ACAL), ont dressé un amer bilan de l'année écoulée.


« Sur le plan sécuritaire, l'année 2013 a battu des records en termes d'attentats, le pays a connu une paralysie aux niveaux exécutif, législatif et constitutionnel, et le nombre de réfugiés syriens a triplé, atteignant près d'un million et demi de personnes, soit pratiquement le tiers de la population libanaise », a listé M. Zmokhol. « Le conflit syrien a coûté 2,9 points de croissance au Liban l'année dernière », a-t-il ajouté. Selon lui, ce douloureux constat atteint toutes les entreprises, quelles que soient leurs tailles, et se répercute directement sur les investissements et les créations d'emplois. « Les petites et moyennes entreprises sont les premières touchées et peinent à rembourser leurs dettes, les grandes entreprises, elles, sont plus résilientes, mais investissent et embauchent moins ou pas du tout, et enfin, les multinationales implantées au Liban se tournent vers d'autres horizons comme l'Irak, le Soudan ou le Nigeria où, malgré l'insécurité, les marges de profits sont plus élevés », a expliqué le président du RDCL. « Le Liban est devenu un pays à haut risque mais à faible rentabilité, et les investisseurs y voient de moins en moins l'intérêt d'y faire de bonnes affaires », a-t-il poursuivi.


Constat tout aussi alarmant, si ce n'est plus, de la part du président du syndicat des restaurateurs. « L'équation est simple. Tant qu'il n'y aura pas de stabilité politico-sécuritaire, il n'y aura pas de tourisme », a-t-il affirmé. « Le secteur a connu tout au long de l'histoire mouvementée du pays des hauts et des bas, mais depuis l'année 2011, c'est la chute libre », a-t-il précisé. « Même au plus fort de la saison, les hôtels baissent leurs prix de 60 %, les locations de voitures ne représentent que 30 % du parc automobile et les appartements meublés ne sont loués qu'à hauteur de 40 % », a indiqué M. Ariss. Par ailleurs, il a mis l'accent sur le dilemme auquel sont confrontés les hôtels et restaurants qui sont obligés de revoir le salaire de certains de leurs employés indispensables pour les empêcher d'accepter de meilleures offres à l'étranger. « Aucune région du pays n'est épargnée, mais le Nord et la montagne libanaise ont été particulièrement touchés cette année, et les institutions touristiques risquent de mettre la clé sous la porte très rapidement », a-t-il conclu.


Le secteur immobilier n'est pas en reste. « La crise économique a profondément entamé le pouvoir d'achat des ménages, entraînant une diminution du nombre de transactions et de notre chiffre d'affaires », a souligné M. Kanaan. Selon lui, le principal problème réside dans le décalage entre l'offre immobilière sur le marché, qui était principalement destinée aux riches acheteurs des pays du Golfe, et la demande réelle sur le marché local.


La crise frappe également les assureurs de plein fouet. « En 2013, nous avons connu une croissance de 7 %, principalement due à la branche médicale, mais la situation reste très critique pour les autres », a indiqué M. Mirza. Il a estimé à trois millions de dollars les pertes dues aux accidents causés par des voitures syriennes non assurées. M. Mirza a également cité à titre d'exemple la baisse des primes d'assurance-auto qui suivent la tendance du marché : à savoir, une baisse drastique dans les ventes de voitures de luxe.


Pour les industriels, la crise syrienne a eu quelques retombées positives. « Notre activité n'a pas été tellement touchée en 2013 et l'industrie locale a pu reprendre sa place grâce à la baisse des importations de produits illicites qui venaient de Syrie », a expliqué M. Gemayel.


Du côté des banques, pilier de l'économie libanaise, les temps sont moins noirs que pour le reste des secteurs productifs, sans pour autant être roses. Le secteur a affiché en 2013 un taux de croissance de 7 %, équivalent à celui de 2012, mais des profits qui chutent de 5 % en glissement annuel. « Nous avons par ailleurs atteint un parterre du point de vue des intérêts débiteurs qu'on ne peut plus dépasser », a indiqué M. Sader, qui a déploré que l'État n'ait pas tenu ses engagements pour réduire les dépenses publiques.


M. Khazen, enfin, a pointé du doigt le problème de la corruption généralisée dans les ministères et institutions publiques, déplorant également l'absence de budget depuis des années, « qui rend très compliquée l'exécution de tout projet ».

 

L'économie tributaire de la politique
La seconde partie de la table ronde tenue hier était axée sur les prévisions des participants par rapport à l'année en cours et les solutions envisagées pour surmonter les obstacles auxquels est confrontée l'économie nationale.
Il va sans dire qu'à quelques exceptions près, la majorité des intervenants étaient relativement pessimistes pour 2014. « Le mois de janvier était en tout cas catastrophique pour les compagnies d'assurances. Pas de travail, pas d'encaissements, a résumé sans détour M. Mirza. Quelque 50 compagnies opèrent au Liban, dont beaucoup sont en difficulté. »


L'année en cours « devrait normalement s'inscrire dans la continuité de 2013, en termes de dégradation sécuritaire et de tensions politiques », a noté M. Zmokhol. Cela étant, a-t-il souligné, à la différence de l'an dernier, « 2014 comporte des échéances, autant à l'échelle locale que régionale » : présidentielle au Liban, en Égypte et en Syrie... En fonction des événements, « la situation s'améliorera – ou sera envenimée (...) Les agences de notation dégraderont la note du Liban à C-, ce qui est très grave pour le pays – ou pas. La croissance économique du pays reprendra, comme nous l'avons vu après Doha – ou pas ».


« La situation actuelle n'est pas tenable, a estimé pour sa part M. Ariss. Les loyers ne baissent pas. L'énergie représente une part énorme des coûts (des restaurateurs). Le mazout à lui tout seul équivaut à 15 % des dépenses! »

 

« Libaniser » l'économie
Au cœur des solutions proposées par les participants, quelques grandes lignes se dégageaient. En premier lieu, la mise en place d'une stratégie nationale a été mise en avant par l'ensemble des participants.
« Il faut, à l'instar des États-Unis, qu'un plan de relance soit mis au point. Il comprendrait l'injection de liquidités par la Banque centrale, de l'ordre de 1 milliard de dollars, pour dynamiser l'économie », a insisté M. Gemayel.
Autres propositions soumises par les participants, le maintien des programmes subventionnés de type Kafalat, l'abaissement de la TVA sur les biens de consommation durables, des exemptions fiscales pour alléger le fardeau des entreprises et/ou un rééchelonnement de leurs amendes.


Également, selon M. Ariss, « il serait important qu'une part plus conséquente du budget étatique soit octroyée aux ministères de certains secteurs productifs comme le tourisme (0,04 % du budget), ou encore que des prix préférentiels pour la consommation énergétique soient pratiqués. Cette dernière pèse très lourd dans les frais des entreprises touristiques (le mazout à lui tout seul représente 15 % des coûts) ou industrielles (part du mazout : 35 %) ».


Autre point soulevé par M. Gemayel et repris par les participants, l'importance d'atténuer la dépendance envers les consommateurs ou les touristes étrangers.
Il faudrait « libaniser » l'économie, mettre en harmonie toutes les compétences (...), a-t-il souligné. Ainsi, sur le plan du tourisme, une action pourrait être entreprise ciblant la diaspora libanaise : organisation de séminaires, etc.

Sur le plan de l'immobilier, la nécessité de projets prenant en compte les besoins spécifiques du marché libanais se fait sentir. « J'appelle depuis 2009 à cesser de construire des 500 mètres carrés (m2), conçus pour la clientèle arabe, qui valent des millions de dollars », a relevé M. Kanaan. Ce dernier a fini par proposer des logements de taille nettement plus réduite à des prix plus abordables, achetés aussi vite que mis sur le marché.


Mais une bonne coordination des efforts à l'échelle nationale passe, selon les participants, par deux conditions : la mise en place d'un organisme central, selon M. Khazen, qui a déploré la suppression du ministère du Plan, et le PPP. » Je ne vois pas d'autre issue que la privatisation des services publics « , a-t-il poursuivi.
Un point de vue largement repris par les intervenants, qui ont pointé du doigt la corruption généralisée, le manque de compétences et de moyens, auxquels s'ajoute la paralysie politique.
Le consensus général ? « Donnez plus de marge d'action au privé. »

 

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L'année 2013 fut l'une des pires que le Liban ait connues au niveau économique. Tel était le constat alarmant de sept grands représentants du secteur privé, réunis hier dans les locaux de L'Orient-Le Jour, autour de la table ronde organisée en coordination avec le Rassemblement des dirigeants et chefs d'entreprise libanais (RDCL).
Tour à tour, Fouad Zmokhol, président du RDCL, Makram...

commentaires (3)

La corruption généralisée dans les ministères et institutions publiques reste le vice incorrigible dans notre pays et de plus en plus chaque année.

Sabbagha Antoine

16 h 42, le 01 février 2014

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Commentaires (3)

  • La corruption généralisée dans les ministères et institutions publiques reste le vice incorrigible dans notre pays et de plus en plus chaque année.

    Sabbagha Antoine

    16 h 42, le 01 février 2014

  • JE RETIENS LA DERNIÈRE PHRASE, "LE MANQUE DE COMPÉTENCES". MAIS OUI LES GENS COMPÉTENTS NE SONT PAS À LEUR PLACE, ET POURTANT IL Y EN A LARGEMENT ASSEZ AU LIBAN. CE SONT LES COPINS QUI PRENNENT LEUR PLACE.

    Gebran Eid

    15 h 31, le 01 février 2014

  • Et les noms et prénoms du brelan de "potiches" ? !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    05 h 54, le 01 février 2014

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