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Liban - Procès Hariri

TSL : L’accusation avance lentement et sûrement ses pions

La première journée a vu défiler le procureur Norman Farrell et ses adjoints.

C'est une partie du Liban endeuillé en février 2005 qui se retrouvait hier à l'ouverture du procès sur l'assassinat de Rafic Hariri, qui a démarré après une attente de neuf années entières.

Un moment de forte émotion pour les proches des victimes qui se trouvaient hier sur place, à leur tête Saad Hariri pour lequel le président de la chambre de première instance, le juge Re, exprimera sa compassion au moment de l'exposé des faits douloureux de la date du 14 février. Marwan Hamadé, May Chidiac, Gisèle Khoury, les parents du commandant Wissam Eid – décédé au cours de l'enquête – ont également voulu marquer par leur présence cette cérémonie d'ouverture qui s'est tenue dans la salle d'audience dédiée à la mémoire d'Antonio Cassese, l'ancien président du TSL et l'un des principaux artisans des règles de ce tribunal.
Étaient également présents le député Samy Gemayel, Ghattas Khoury, Bassem Sabeh, mais aussi l'ancien directeur de la Sûreté générale Jamil Sayyed, une « victime » d'un autre genre, dont l'arrivée au tribunal a été perçue comme un défi par certains, ignorée par d'autres.

Pratique rare, sinon exceptionnelle, dans les juridictions internationales, le procès par défaut des quatre membres du Hezbollah présumés coupables de l'assassinat de l'ancien Premier ministre survient toutefois à un moment de forte récidive de la violence dans le pays du Cèdre, qu'on avait espéré voir décroître avec le début de la procédure judiciaire internationale.

(Lire aussi : Justice et violence : le face-à-face, l'article d'Elie Fayad)

Une grande maquette représentant la scène du crime a été placée au milieu de la salle d'audience qui a vu défiler pour cette première journée le procureur Norman Farrell et ses adjoints.

Se succédant à la tribune, les membres du bureau du procureur ont effectué, tour à tour, un exposé des faits et passé en revue l'acte d'accusation dans une forme plus détaillée, assurément plus élaborée et modifiée dans certains de ses aspects.

Il aura fallu quelques minutes au procureur qui effectuait un rappel des faits pour replonger l'audience dans les circonstances de l'attentat et lui faire revivre les moments d'ultime terreur qui ont ponctué la place de l'hôtel Saint-Georges, ce jour du 14 février 2005.
« Personne au Liban n'a été épargné des conséquences de l'attentat du 14 février, attentat qui a bouleversé le monde entier », affirme le procureur qui rappelle le droit du peuple libanais à connaître la vérité et l'identité des auteurs.
Des images du périmètre de l'hôtel Saint-Georges mis à feu et à sang, des corps déchiquetés, calcinés, des véhicules en flammes, des réservoirs éventrés... La scène apocalyptique des suites de l'attentat a été ressuscitée. Photos et vidéos à l'appui, la désolation, les cris et les gémissements de l'horreur ambiante ont été en quelques instants retransmis aux juges.
On verra, pour la première fois, le corps, partiellement recouvert, de l'ancien Premier ministre projeté hors de sa voiture, « identifié à l'aide d'un relevé dentaire », le cratère béant provoqué par l'explosion vu sous différents angles, et des images des « dégâts occasionnés et du carnage ».

Des scènes douloureuses qui finissent par ébranler l'une des victimes présentes qui s'effondre en larmes et qui se voit consolée par un Saad Hariri lui-même sérieusement secoué par ce défilé d'images macabres.
L'attentat contre Rafic Hariri a tué « des passants innocents, un père, un frère, une fille, des amis, une étudiante », a enchaîné le procureur Norman Farrell qui a tenu à mentionner avec la même charge émotive des victimes « moins connues », souvent restées dans l'ombre.
« Les assaillants ont utilisé une extraordinaire quantité d'explosifs puissants, bien plus que nécessaire pour tuer leur principale cible. Manifestement, leur but n'était pas que leur cible soit tuée, mais d'envoyer un message de terreur et de provoquer la panique à Beyrouth et au Liban », précise le procureur. L'accusation devait ainsi étayer indirectement le caractère « terroriste » attribué à l'attentat du 14 février.

(Lire aussi : La justice en marche, promesse d'une nouvelle aurore, l'article de Michel Hajji Georgiou)

Norman Farrell donne le ton dès le départ, annonçant en quelque sorte le menu de la journée : les éléments de la communication, leur quantité et leur analyse permettent de comprendre comment le crime a été commis et par qui, a-t-il dit en substance.

Ses collaborateurs le relayent en reprenant, étape par étape et dans ses moindres technicités, le modus operandi de l'attentat, avec une insistance particulière sur la toile d'araignée des appels et données téléphoniques qui ont servi de trame à l'exécution de l'attentat.

Pour le procureur, « les preuves qui seront apportées, dont de nombreuses données téléphoniques, ne laissent aucun doute sur l'identité des auteurs ».
« Le motif derrière l'utilisation notamment de fausses identités pour l'acquisition de 18 numéros de téléphone mobile n'est vraisemblablement pas la fraude, mais plutôt de préserver l'anonymat », assure encore l'accusation.

Toujours selon l'accusation, les éléments à sa disposition montrent que « l'attentat a été préparé longtemps à l'avance » : faux indices pour brouiller les pistes, réseau de téléphonie fermé exclusif à quatre personnes et dont le fonctionnement a été interrompu après l'assassinat, réseau de surveillance sophistiqué pour suivre au pas à pas, et à la minute près, les déplacements de Rafic Hariri, fausse revendication par le biais d'Abou Adass.

Bref, toute une batterie d'éléments qui se consolident les uns les autres dans un engrenage constituant « un faisceau de preuves », assure l'accusation.

(Repère : TSL : Le tribunal, les accusés, l'acte d'accusation)

Les moindres détails sont épluchés, analysés et reliés entre eux : la chronologie des déplacements de l'ancien Premier ministre, les circonstances ayant entouré sa démission, la concomitance géographique et temporelle des appels effectués au sein du réseau, les mouvements, repérés par vidéo, de la Mitsubishi transportant les deux tonnes de RDX, une « substance 1,35 fois plus puissante que le TNT ».

À la manière d'un puzzle multicolore et complexe, le schéma du réseau téléphonique et son fonctionnement sont minutieusement reconstitués par l'accusation de manière voulue intelligible, à l'aide de schémas et de formats reflétant la progression de la trame criminelle sur une période de près de quatre mois et demi.
Depuis la démission de l'ancien Premier ministre jusqu'à ses derniers déplacements avant son assassinat, en passant par le montage de l'épisode Abou Adass et l'achat de la Mitsubishi, les « preuves téléphoniques » avancées par l'accusation présentées hier inaugurent d'ores et déjà une procédure judiciaire qui promet d'être très longue si l'on en croit les propos du chef du bureau de la défense, François Roux. « Si l'on est optimiste, il faudra s'attendre à trois ans de procédure au moins d'expertise et de contre-
expertise », dit-il.

Aux yeux des victimes, la perspective est quelque peu différente : le début du procès marque sans aucun doute la fin d'une attente qui leur a paru interminable et peut-être même la promesse, quoique lointaine, de la fin d'une impunité qui n'en finit pas d'endeuiller le Liban et l'ensemble du monde arabe.

 

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commentaires (4)

IL FAUDRAIT AVANCER DES "PREUVES" TANGIBLES ET NON DES PIONS...

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 38, le 18 janvier 2014

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Commentaires (4)

  • IL FAUDRAIT AVANCER DES "PREUVES" TANGIBLES ET NON DES PIONS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 38, le 18 janvier 2014

  • Au baaal, au bal masqué ohé ohé.. Pourquoi ils ont le visage aussi grave Ces fontionnaires? C'est nous qui avons perdu un ex PM d'importance, pas eux. Et avec ce qu'ils bouffent de notre argent, ils peuvent bien se détendre un coup.. ah, c'est justement pour justifier le pactole.. Bon, ok!. vous avez vu la graphique power point.. classe.. des triangles et des couleurs, et je t'envoie un trapèze et tu me renvois un rectangle rectangle etc.

    Ali Farhat

    01 h 21, le 18 janvier 2014

  • Oui, elle avance ses pions sûrement jusqu'au échec et mat.... du fakkîh anthracite.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    14 h 04, le 17 janvier 2014

  • Des pions qui avancent des pions .

    FRIK-A-FRAK

    11 h 24, le 17 janvier 2014

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