Sur le terrain, la fâcheuse impression que le Liban est en voie d'irakisation rampante paraît irrésistible en ce début de nouvelle année. Pourtant, affirmer après l'attentat d'hier qu'on est en plein dans la logique de l'œil pour œil-dent pour dent serait peut-être grossier ; il n'empêche que de la façon dont se présentent les choses, ça en a tout l'air.
Mais comme cela a presque toujours été le cas dans ce pays en matière de terrorisme politique, les enquêtes menées finissent en queue de poisson, de sorte que le public ne sait jamais grand-chose des résultats des investigations, que celles-ci aient été conduites à leur terme ou pas. Il ne reste alors pour l'occuper et satisfaire sa curiosité que les floraisons de théories remplissant les colonnes de certains journaux.
Ce qui est tout à fait certain, c'est que le terrorisme qui recommence à ensanglanter nos rues accompagne ces jours-ci un net durcissement de la bataille politique en cours depuis des années dans ce pays. Peut-on dire pour autant que ce regain de violence est une résultante directe de ce durcissement ? En serait-il plutôt une séquelle collatérale ?
Pour l'instant on n'en sait rien.
C'est évidemment sur le dossier gouvernemental que l'épreuve de force se focalise essentiellement et prend une tournure de plus en plus rude. On dirait que les protagonistes sont tous réunis sur un ring et qu'ils savent que le gong va sonner d'un moment à l'autre. Ils redoublent donc d'efforts pour asséner le coup décisif à l'adversaire.
Sur ces entrefaits, survient l'annonce du projet de don saoudien d'armes et d'équipements français à l'armée libanaise à concurrence de 3 milliards de dollars, une manne d'une ampleur sans précédent. Cette annonce a naturellement l'effet d'un véritable coup de tonnerre au Liban, non pas tant par l'aide en soi, mais plutôt par ce qu'elle représente politiquement et diplomatiquement : une reconstitution, probablement sous la bénédiction américaine, de l'axe franco-saoudien (après des années d'idylle entre Paris et Doha à l'époque de Nicolas Sarkozy) à un moment où Riyad se trouve en guerre ouverte avec le Hezbollah.
Placé dos au mur, ce dernier tente une contre-attaque. Certes, comme les autres composantes essentielles du 8 Mars, il est dans l'embarras car il ne peut s'opposer ouvertement à un don si généreux au bénéfice de l'armée libanaise. Ce sont les médias qui lui sont proches qui se chargent d'ouvrir le feu sur l'initiative saoudienne et sur le président de la République, Michel Sleiman, qui l'a annoncée en premier.
Profitant de cette marque de soutien de la part de la principale puissance arabe (en l'absence de l'Égypte toujours empêtrée dans ses problèmes intérieurs), le chef de l'État et le Premier ministre désigné s'apprêtaient à saisir l'occasion pour mettre sur pied un gouvernement dès la semaine prochaine. C'est sur ce terrain que le Hezbollah et ses alliés ont organisé ces jours derniers l'essentiel de leur contre-offensive.
Cible privilégiée : le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï. Approché par une délégation du Hezb qui a visité Bkerké en début de semaine à l'occasion des fêtes, ce dernier aurait été invité à contribuer à trancher l'équation suivante : en cas de gouvernement « de fait accompli », il n'y aurait pas d'élection présidentielle.
Dont acte : dans son homélie du 1er janvier, le chef de l'Église maronite exhorte à son tour le chef de l'État de faire preuve de « sagesse » en ne permettant pas que soit « décapitée » la présidence de la République. C'est-à-dire en clair à privilégier la tenue de l'élection présidentielle sur la formation d'un gouvernement.
Parallèlement, une campagne est menée tambour battant afin de discréditer par avance tout cabinet qui ne serait pas agréé par le Hezbollah et donner un avant-goût de ce qui pourrait se produire le cas échéant, comme par exemple les pressions pour le retrait des ministres chiites et le refus de ministres sortants de livrer leurs ministères.
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Mais comme cela a presque...
commentaires (5)
On va tout droit vers la confrontation !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
16 h 14, le 04 janvier 2014