Rechercher
Rechercher

Le monde en 2013 - contestation

En Europe, une « crise après la crise » aux conséquences imprévisibles

La montée du chômage, les plans sociaux et les augmentations d'impôt ont suscité des mouvements de contestation spontanés et multiformes récemment.

Échauffourées entre fermiers grecs et policiers lors d’une manifestation devant le Parlement à Athènes. John Kolesidis/Reuters

Faut-il s’attendre à un soulèvement populaire ? En tout cas, il ne viendra « ni des partis politiques ni des syndicats », plutôt d’anonymes « qui n’avaient jamais envisagé faire une chose pareille... ».

Ce récent commentaire du quotidien grec Kathimerini s’applique à la Grèce, mais illustre aussi la menace qui pèse sur les démocraties européennes, où plusieurs pays vivent un paradoxe : leurs indicateurs économiques incitent à l’optimisme, mais le chômage et la pauvreté éreintent chaque jour un peu plus leurs populations.

Cette « crise après la crise » nourrit poujadisme et populisme, à quelques mois des élections européennes.

Même en France, où il n’a pas été nécessaire de recourir à un plan d’aide européen, contrairement à la Grèce, l’Espagne, l’Italie, l’Irlande ou Chypre, la montée du chômage, les plans sociaux et les augmentations d’impôt ont suscité des mouvements de contestation spontanés et multiformes récemment.

Les efforts du président François Hollande pour réformer en douceur le pays sont attaqués de toutes part – insuffisants pour les uns (dont l’agence de notation Standard & Poor’s qui a dégradé à nouveau la note du pays), allant trop loin pour les autres – faisant chuter sa cote de popularité et favorisant la montée du Front national de Marine Le Pen.

En Espagne, où pourtant le pire de la crise semble passé avec la sortie annoncée pour janvier du plan d’aide européen – comme pour l’Irlande – et une reprise timide de la croissance, le chômage, à commencer par celui des jeunes, reste très élevé.

« Une amélioration ? On ne la voit pas », assure Manuel Moreno, 34 ans, qui vient de perdre son job dans une organisation humanitaire de Madrid. « Pendant la crise des années 1990, il a fallu 15 ans pour voir une amélioration. Avec cette crise, qui est bien pire, il est possible qu’on ne voie rien venir avant 20 ou 25 ans », redoute-t-il.

De fait, aucune baisse du nombre des chômeurs (actuellement plus d’un actif sur quatre) n’est attendue avant 2015 en Espagne, selon la Commission européenne, et 21,6 % des Espagnols risquent de tomber dans la pauvreté. Une descente aux enfers silencieuse, car la mobilisation dans la rue marque le pas.

Découragement aussi en Grèce : le 6 novembre, jour de grève générale, le syndicat GSEE du privé a pris la décision, inédite, d’annuler son défilé à Athènes, tant les manifestants se faisaient rares.

Les deux grands syndicats du public et du privé sont déconsidérés, parce que perçus comme « des représentants du Pasok », le Parti socialiste au pouvoir avec les conservateurs, analyse le politologue Ilias Nikolakopoulos.

 

« Mourir d’austérité »
Pour la première fois depuis six ans, Athènes prévoit elle aussi une sortie de récession en 2014. Un résultat que la troïka des créditeurs (UE, BCE et FMI) impute à l’austérité qu’elle impose à la Grèce : amputation des salaires et retraites, hausses d’impôts. Mais avec un chômage en hausse à 27,6 % (55 % chez les jeunes), il n’y a pour les Grecs aucune amélioration en vue.

« Quand la dette a explosé en 2010, rien n’a bougé pendant un an. Peu de licenciements, maintien voire augmentation des salaires ! C’est la même chose avec cette prétendue amélioration économique. À quand les effets positifs pour les gens ? » s’interroge le journaliste Polydefkis Papadopoulos. « Les Grecs s’adaptent, mieux que d’autres, mais il y a des risques d’explosion », selon lui.

Le gouvernement de coalition n’a que quatre voix de majorité au Parlement. Et un succès du parti néonazi Aube dorée, en hausse dans les sondages (à 10 %), lors des élections municipales et européennes du printemps, déstabiliserait la classe politique.

En Italie, qui pourrait sortir mollement de la récession l’an prochain, les populistes sont eux aussi en embuscade pour les élections européennes. En particulier le mouvement Cinq étoiles de Beppe Grillo, de plus en plus mordant face à une Europe accusée d’impuissance sur l’immigration et le chômage.

Quant au Portugal, contraint à d’énormes sacrifices par la troïka, il affiche un retour de la croissance et une baisse du chômage, en tout cas sur le papier : nombre de sans-emploi ont baissé les bras et ne s’enregistrent plus.

Et 2014 verra de nouvelles amputations dans les salaires des fonctionnaires.

« Une grande bataille est en cours : celle de l’Europe des peuples contre l’Europe des populismes », a prévenu le président du Conseil italien Enrico Letta, avant les européennes de mai.

« Je lutte pour une Europe qui comprenne qu’on peut mourir d’austérité, et que la ligne de la seule austérité fera gagner les “Le Pen” (en France) et les eurosceptiques comme Grillo, chez nous. »

 

Faut-il s’attendre à un soulèvement populaire ? En tout cas, il ne viendra « ni des partis politiques ni des syndicats », plutôt d’anonymes « qui n’avaient jamais envisagé faire une chose pareille... ».
Ce récent commentaire du quotidien grec Kathimerini s’applique à la Grèce, mais illustre aussi la menace qui pèse sur les démocraties européennes, où plusieurs pays vivent...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut